Après des mois de hype, le nouveau « chef d’oeuvre » d’Hideo Kojima (Metal Gear Solid) est enfin disponible. Death Stranding est-il la perle tant espérée ? Ou n’est-il que poudre aux yeux ? La réponse en toute objectivité avec notre test.

Un jeu développé par Hideo Kojima

Impossible de ne pas le savoir ! Death Stranding a été développé par Hideo Kojima. Et quand le générique/intro du jeu vous le rappelle à plusieurs reprises, impossible de passer à coté. Et sur les réseaux sociaux, jamais un développeur de jeux vidéo n’avait autant été mis en avant ! Mais pourquoi ? Est-ce de la mégalomanie ? Sincèrement, je pense que la raison est ailleurs…

Souvenez-vous… Rentré chez Konami en 1986, Hideo Kojima est un développeur qui a contribué au succès de la marque. Notamment grâce à sa géniale licence Metal Gear Solid. Oui mais voilà : alors que notre homme annonçait, en 2014, travailler sur un nouveau Silent Hill (avec Guillermo del Toro et Norman Reedus, tiens donc)… Il disparaissait des tablettes de Konami en 2015.

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Hideo Kojima devenait donc développeur indépendant. Il gardait sa marque Kojima Productions, mais perdait les droits de MGS, qui restait dans le catalogue Konami. Il partait donc sur une nouvelle franchise, annoncée quelques mois plus tard : Death Stranding, avec ses compères de Silent Hills.

Death Stranding est donc plus qu’un nouveau jeu de Kojima (ou que le premier titre de Kojima Prods). C’est son bébé, l’oeuvre de sa vie, développé et accouché sans l’aide de son ex-employeur japonais. Le titre est en quelque sorte un jeu indépendant, développé comme un triple A. Plus qu’une émancipation, un envol, une renaissance… On ne peut donc que comprendre la fierté qui en découle. Le nom de Kojima apparaît souvent dans le soft, mais si l’on considère que nous avons là un vrai jeu d’auteur… Tout s’explique.

Death Stranding, ça parle de quoi ?

C’est donc maintenant que l’on aborde la question du scénario de Death Stranding ? Sujet ô combien délicat, tant l’histoire sortie du cerveau d’Hideo Kojima est torturée, complexe, avec ses codes et sa propre mythologie. Si vous aimez la simplicité du gentil héros contre les affreux méchants, vous pouvez passer votre chemin. Ici, on passe au niveau supérieur, en termes d’écriture et d’intérêt dans la narration. Ce qui ne signifie nullement que le scénario va vous larguer ! Ne vous fiez pas aux incompréhensibles trailers : si le jeu prend son temps, il dévoile petit à petit son histoire, ses subtilités… Petit à petit, le puzzle se reconstitue, tout devient plus clair. C’est justement l’un des points qui va vous faire accrocher au titre.

Il y a tant à dire que je ne sais pas par où commencer ! Bref… Dans un futur proche, l’humanité a été éradiquée par un mal appelé Death Stranding. Boom, explosion, plus rien ! Dans ce nouveau monde où la civilisation est dissociée, où la pluie vous vieillit instantanément… Et dans ce monde envahi par des entités spectrales, le joueur incarne Sam Porter Bridges (Norman Reedus), un transporteur dont la mission consiste à livrer des colis, pour la société Bridges.

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Comme on est toujours plus forts à plusieurs, la tache confiée à Daryl Sam par ce qu’il reste d’un potentiel Gouvernement, va donc être de parcourir la carte des USA. Partir de l’Est pour rejoindre l’Ouest. Grâce à ses livraisons, sa mission va être de recréer des liens entre les hommes en leur apportant le matériel nécessaire… Et en réactivant des bornes qui vont reformer le contact entre eux, recréer le réseau. Et ainsi redonner sa grandeur aux USA en reformant les United Cities of America.

Mais dans ce monde, Sam n’est pas seul. Il croisera des amis, mais aussi des fanatiques… Qui se sont donné pour objectif de détruire la civilisation en y abattant la colère des Échoués. Ces fameuses créatures venant de « l’autre coté » , une autre dimension habitée par la mort et issue du Death Stranding. Sam ne pourra donc compter que sur ses talents de randonneur… Et sur ses facultés un peu spéciales de « Rapatrié » pour épargner la Terre de sa 6e extinction massive.

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Voilà, en résumé, pour le scénario. Je ne vous ai pas parlé de tous les trucs chelous que vous allez croiser, et que vous avez vus dans les trailers. Comme les BB (Brise-Brouillard), ces bambins enfermés dans des capsules/incubateurs, que vous portez sur votre torse. Ils ont la faculté de voir (et vous aider à percevoir) les Échoués, habituellement invisibles à l’œil nu pour le commun des mortels. Ou encore le Dooms, ce curieux pouvoir qui semble avoir une importance capitale dans l’aventure…

Je n’en dirai pas plus, car le but ici n’est pas de vous gâcher l’expérience. Mais sachez que le scénario est l’un des gros points forts du jeu. Avis que je ne pouvais me faire en début d’expérience, tandis que le gameplay (j’en reparle plus bas) me rebutait. J’ai mis du temps à écrire ce test, car je ne voulais pas vous confier mes impressions avant d’avoir vu la fin du jeu. Et je vous avoue… Qu’elle m’a touché ! Tout comme l’écriture, maîtrisée de A à Z autour de chacun des personnages, et de leur background. J’ai été véritablement ému, tant par l’histoire de Sam que par celles de Mama, de Fragile, de Heartman, ou encore de Clifford Unger (c’est drôle, ça fait « cliffhanger » ^^)

Une réalisation qui envoie du lourd !

Inutile d’épiloguer sur ce point ! Le trailer ou les screens qui illustrent ce test parlent d’eux-mêmes ! Death Stranding est, visuellement, une véritable claque ! Est-on toujours sur une PS4 ? Je me souviens, après avoir lancé le jeu, d’avoir regardé mon écran en plissant les yeux, et en me demandant si les décors étaient des textures programmées ou des captures vidéos… Qu’il s’agisse des environnements, ou des modélisations des personnages lors des cinématiques… Nous avons là, clairement, l’un des plus beaux jeux de la console.

D’ailleurs, je ne l’ai pas encore précisé, mais le jeu est également porté par un casting premium, digne d’une superproduction cinématographique. On retrouvera ainsi Norman Reedus (Daryl dans The Walking Dead), Mads Mikkelsen (Hannibal, Star Wars : Rogue One), Léa Seydoux, Lindsay Wagner (série Super Jaimie), Margaret Qualley (Once Upon A Time in Hollywood), Troy Baker (The Phoenix Incident), Tommie Earl Jenkins (Fascination, Pandora), Nicolas Winding Refn (Pusher 2 et 3, Drive)… Avec en guest, le réalisateur Guillermo del Toro. Pour ne citer qu’eux.

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Les cinématiques sont une chose, les phases de gameplay une autre. Et là encore, c’est le Waow qui l’emporte. Je n’ai pas compté le nombre de fois où je me suis arrêté, juste pour contempler les paysages. D’ailleurs, assez étrangement, si le jeu est censé se dérouler aux USA, on a cette permanente impression d’évoluer en Islande ou dans un pays d’Europe du Nord. Ici, le cadre géographique américain n’est pas aussi évident que dans un The Last of Us ou un Days Gone. Et Kojima joue de cette confusion en invitant, sur sa bande-son, le groupe américano-islandais Low Roar, ou les écossais de Chvrches.

Les décors sont superbes, mais cependant… Désespérément vides ! Pas âme qui vive, pas même le moindre bouquetin ou la moindre belette qui fuit en vous voyant. Vos virées à travers le décor seront donc contemplatives… Mais si vos missions de livraison peuvent s’avérer lassantes à la longue, ne comptez pas vous distraire pendant le voyage. Certes, c’est sans doute un choix, pour montrer que le monde est vraiment dévasté. Mais… Si les trajets sont souvent courts, le temps est long. De ce fait, avec des paysages aussi déserts, on s’ennuie encore plus, et on bondirait presque de joie en croisant des ennemis, ou lorsqu’une pluie annonciatrice de mort se met à tomber…

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Pour terminer sur l’aspect technique, je me dois aussi de vous parler de la bande-son. Bien qu’elle soit très discrète, pour ne pas dire mesurée, à la manière d’un Breath of The Wild, elle est absolument géniale. Ici, on citera notamment Ludvig Forssell (un ami de Kojima ayant déjà officié sur Metal Gear Solid V), ou comme indiqué plus haut, Chvrches, ou encore Low Roar qui gagne à être davantage connu.

Et si je ne l’ai pas précisé, le jeu est entièrement doublé en VF, avec les voix officielles des acteurs. Emmanuel Karsen pour Norman Reedus, comme dans The Walking Dead, Yann Guillemot pour Mads Mikkelsen… Mais étrangement, la française du jeu, Léa Seydoux, est aussi doublée, ici par Elsa Davoine. Mais pourquoi ?

Gameplay : il fallait oser !

Parlons maintenant de la jouabilité de Death Stranding ! Car comme mon intertitre vous le laisse penser, le gameplay de ce gigantesque openworld est une grosse prise de risque de la part de Kojima. Celui-ci repose en effet sur ce que beaucoup d’entre vous (et j’en fais partie) détestent dans la plupart des jeux : les quêtes dites FedEx. Autrement dit, ces missions qui consistent à transporter des objets d’un point A à un point B, pour les livrer à un commanditaire.

Pourquoi osé ? Et bien justement parce que, par le passé, nous avons pu voir nombre de jeux se faire descendre en flèche à cause de ces missions répétitives et parfois inintéressantes (coucou Final Fantasy XV). Ce qui m’a très vite amené à cette réflexion : Death Stranding aurait-il récolté autant de lauriers de la part de la presse spécialisée s’il ne s’agissait pas d’un jeu d’Hideo Kojima ? Honnêtement, et malgré sa beauté, s’il avait émané d’un cerveau moins médiatique, je pense que sa note aurait tourné autour de 14/20. Justement à cause de son gameplay répétitif, pour ne pas dire parfois ennuyeux, et de son coté « rando simulator » !

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Mais faut-il en rester là ? C’est la question que je me suis posé tout au long de ce test. Détestant parfois ces phases de gameplay qui ne me passionnent pas plus que cela, je l’avoue… Mais happé par l’envie de savoir, de découvrir ce que Kojima veut nous raconter. Et c’est là que nous sommes face au verre à moitié vide ou à moitié plein ! N’est ce pas contre-nature de jouer à un jeu (j’insiste sur le terme) juste pour voir ses cinématiques ? Ou bien Kojima est-il un génie pour nous tenir avec un gameplay que l’on n’appréciera pas forcément ?

D’autant que, je dois l’avouer, il serait réducteur de limiter Death Stranding à un jeu de quêtes FedEx. Il l’est majoritairement. Mais son gameplay évolue avec le temps. Petit à petit, vous allez débloquer de nouvelles aptitudes, de nouvelles mécaniques. De combat notamment : si au départ, vous ne pouvez que fuir, vous allez vite apprendre à combattre les Échoués et les Mules, ces ex-porteurs qui tentent de vous dépouiller. Habituellement, ces quêtes ne sont que du remplissage, Death Stranding les pousse dans leurs retranchements, leur apporte une complexité inédite.

Et puis, de manière presque invisible, le jeu laisse petit à petit apparaître un pseudo mode bac à sable. Un mode où vous allez crafter et construire des ponts, placer des échelles… Pour vous, mais surtout pour les joueurs qui passeront après vous. D’ailleurs, vous pourrez aussi liker les items et constructions (ou les encouragements) laissés par les autres joueurs : comme quoi, le monde peut être détruit, les réseaux sociaux sont toujours debout ^^. Des subtilités de ce genre, Death Stranding n’en manque pas, et croyez moi, il vous réserve des surprises qui se méritent : pour les découvrir, vous allez devoir vous accrocher, tenir… Et ce malgré cette impression que le temps est long sur la route. Impression qui ne vous quittera jamais.

On aime, ou on n’aime pas !

Vos longues heures de marche servent un scénario intrigant.

Death Stranding n’est pas un jeu qui fera l’unanimité, pour ne pas dire qu’il est clivant ! Et Hideo Kojima en est conscient ! Il n’y aura pas de juste milieu : vous allez soit adorer, soit détester ! Adorer si vous aimez les expériences originales, plus intellectuelles et plus conceptuelles. Détester si vous aimez le fun, et les jeux où il se passe des choses, où il y a de l’action.

De l’aveu d’Hideo Kojima lui-même, le jeu est barbant les quinze premières heures, pour devenir intéressant dans sa seconde moitié… Et je dois bien vous avouer que, de mon coté, Death Stranding m’a saisi d’une sensation étrange de douche écossaise. Totalement sous le charme lors de la première heure qui envoie du pâté sur la Lune avec ses cinématiques de folie… Puis vite lassé par les heures suivantes, consistant à transporter des Colissimo d’un point A à un point B… Avant de m’accrocher, pour récupérer le fil un peu plus loin. Et finalement, je ne sais plus où j’en suis : son scénario m’a bouleversé, m’a transporté… Mais je n’aime toujours pas ses phases de gameplay.

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Et c’est bien là la grande force de Death Stranding. Son écriture est passionnante, et l’on se surprend à s’y remettre, juste pour savoir ce qu’il va advenir de Sam, de cette Amérique déchirée ! Ou pour découvrir l’histoire derrière chacun des personnages principaux, tous plus émouvants les uns que les autres. Alors, même si l’on s’est lassé du gameplay, on s’accroche, on sacrifie une heure par ci, une heure par là, pour faire avancer l’histoire.

J’en comprends d’autant mieux la hype autour du titre. Si, habituellement, les avis sur un jeu vidéo sont assez concordants, Death Stranding a cette particularité de susciter des émotions qui ne seront pas les mêmes que celles de votre voisin. On peut même considérer qu’il y aura autant d’avis que de joueurs. La qualité de Death Stranding dépend de notre sensibilité. Jamais un avis sur un jeu n’aura été aussi personnel. Punaise ! Hidéo Kojima vient de nous refaire le coup du 4e mur !!

Mais cette réflexion me conduit vers un autre fait indéniable : Death Stranding est un jeu qui nous connecte, entre joueurs. Plus que pour n’importe quel autre jeu, pendant que je jouais, j’ai ressenti ce besoin d’échanger autour du titre ou de ses mécaniques avec mes proches, avec des amis (certains se reconnaîtront 😉 . Et parfois, ces échanges m’amenaient sur des pistes d’analyse que je n’avais pas forcément perçues au premier abord. Et que dire de la fin (dont je ne parlerai pas ici, no spoilers) qui, si elle lève le voile sur nombre de choses, garde une part de mystères (et là, j’ai comme une envie d’en débattre)…

Des messages cachés ?

Hideo Kojima n’est pas du genre à écrire des scénarii qui se lisent uniquement au premier degré. Et c’est l’une des richesses indéniables de Death Stranding : il cache des messages, des morales, des objets de réflexion. Et on ne pourra que saluer ses multiples lectures possibles. Hideo Kojima dit ce qu’il fait, et fait ce qu’il dit… Mais laisse toujours une grande part de mystère, qu’il vous laisse le soin de percer.

Démonstration avec cette notion omniprésente de lien. Sam a pour mission d’unir les hommes, de recréer des liens. Ce que le jeu lui-même parvient à faire. Notamment en interconnectant les joueurs. Car si vous êtes seul au milieu de ce no man’s land, vous trouverez partout, sur votre chemin, des traces des autres joueurs. Un mode solo-multijoueur, quoi ! Et surtout une nouvelle approche de ce que Hideo Kojima adore par dessus tout : briser le quatrième mur, comme il a su le faire avec Metal Gear Solid. Mais j’ai déjà évoqué tous ces aspects.

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Je m’explique : la campagne du jeu se joue en solo, et vous ne croiserez jamais de clone de Sam incarné par un autre joueur. Mais sur votre chemin, vous trouverez des échelles, des chemins tracés dans la neige ou dans l’herbe, des ponts, des motos… Laissés par les autres joueurs. Avec parfois un petit message d’encouragement. Et la possibilité, comme sur les réseaux, de liker ces cadeaux laissés pour aider la communauté Death Stranding. Sans le savoir, vous participez à une expérience communautaire… Où tous les joueurs sont interconnectés, comme les personnages du jeu cherchent à l’être.

Et puis, évidemment, Kojima nous parle d’écologie, de l’impact de l’homme sur la nature. Si l’on revient un instant sur le point développé plus haut, vous réaliserez que, plus la communauté sera nombreuse, à construire des ponts ou des routes, à passer en masse par les mêmes chemins, plus ces paysages magnifiques seront dénaturés. Il existe encore de nombreuses lectures sous jacentes, mais je vous laisse le plaisir de les découvrir.

Jeu ou film ? Un titre qui peine à trouver son genre ?

Death Stranding

Au final, que retient-on de Death Stranding ? Dans quel boîte peut-on le classer ? Jeu vidéo ? Film ? Film interactif ? Le jeu lui-même semble être à la peine lorsqu’il s’agit de se définir un genre. D’une certaine manière, on peut même dire qu’il joue de cette « hybridation » réussie !

Cinq minutes de gameplay, suivies de dix minutes de cinématiques (certes fort jolies), puis à nouveau du gameplay qui déclenchera une cinématique… Death Stranding nous donne cette impression permanente que Kojima n’ose pas faire son « coming-out artistique » ! Lui, le grand développeur de jeux vidéo n’ose pas franchir la porte du cinéma (note : il a cependant confié récemment vouloir passer derrière la caméra).

D’ailleurs, il appartiendra à chacun, selon sa culture cinématographique, de débusquer les nombreuses références à des films. Par exemple, pour ma part, c’est un clin d’oeil évident à Forbidden Planet (ou Planète Interdite, de Fred M. Wilcox en 1956) qui m’a sauté à la figure, avec ces créatures invisibles, que l’on ne voit qu’à travers leurs empreintes laissées dans le sol… Mais des références, vous allez encore en voir, croyez-moi… Et ici, je ne parle pas que des clins d’œil aux films de Guillermo del Toro 😉

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Kojima aime raconter des histoires sur consoles. Mais il est aussi un amoureux de Septième Art. Et son amitié avec le réalisateur Guillermo del Toro n’est pas le seul argument qui étaye ce propos. D’ailleurs, la communication autour du jeu utilise elle-même des codes du cinéma. Comme par exemple le fait de mettre autant en avant son réalisateur : on joue au dernier Kojima comme on irait voir le dernier Scorsese ou le dernier Cameron. La question n’est donc pas de savoir s’il franchira un jour le pas… Mais quand il le fera !

Il est une autre réalité : Hideo Kojima aime raconter des histoires complexes… Qui ne peuvent se dérouler sur seulement 2h, voire 3 heures de film. Alors, le jeu vidéo reste le média idéal, puisqu’il permet de développer un scénario sur 40 ou 60 heures. De ce point de vue, on pourrait y soupçonner une forme d’opportunisme. De choisir, à raison, un format sans limite pour nous développer un univers, lorsqu’une trilogie sur grand écran ne suffirait pas. Death Stranding est-il un jeu ou un film interactif ? Encore une fois, libre à chacun de trouver sa réponse. Pour ma part, si les longues phases de gameplay ne m’ont laissé pour souvenirs que leurs magnifiques paysages, les cinématiques m’ont marqué, me hantent encore (dans le bon sens)

Pourquoi ne peut-il pas être le jeu parfait ?

Death Stranding

Vous l’aurez compris : Death Stranding ne décrochera pas un 20/20 sur Level 1. Car si l’on ne peut nier que sa réalisation est magnifique, le jeu affiche aussi quelques défauts sur lesquels on ne peut fermer les yeux ! Ce serait injuste pour les autres jeux, et pas très honnête envers vous, nos chers lecteurs.

Et évidemment, mon intention n’est pas ici de revenir sur les longues phases de marche proposées par le gameplay, évidemment. Cependant, il y a encore des choses à dire concernant la jouabilité. Comme par exemple cette physique parfois agaçante ! Notamment lorsque Sam se bloque sur des rochers, bêtement, lui le livreur tout-terrain ! Et je ne parle même pas de la moto : beaucoup de joueurs brûlent des cierges lorsqu’ils débusquent cet item salvateur… Mais l’expérience est vite gâchée par les nombreux rochers qui rendent la conduite éprouvante.

L’expérience est déjà tordue, n’est pas évidente à la base… Alors si en plus, c’est pour buter ou se vautrer sur le premier rocher venu lors des phases d’action… Cela va sans doute en énerver certains ! Idem pour ces moments où vous devrez faire de l’escalade. Sam rate parfois ses prises, dégringolant tout en bas (ça fait mal et ça stresse le BB)… Cependant, la jouabilité souffre d’un étrange calibrage : le jeu est difficile sur ses premières heures… Puis une fois que vous « améliorez » Sam, vous allez littéralement rouler dessus, jusqu’à la fin…

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Une réalisation impeccable ? Oui, concernant les cinématiques ! Hélas, je ne peux pas en dire de même concernant les phases de gameplay. Durant lesquelles ma vieille PS4 classique ne m’épargne pas quelques chutes de framerate, ou quelques bugs curieux qui font passer vos jambes dans le décor. C’est rare, mais ça existe dans le jeu. Et encore une fois, pour un titre de cet acabit, on ne peut pas fermer les yeux !

Enfin, on pourrait aussi aborder la question de l’interface du menu, pas toujours facile à comprendre, et qui paraît aujourd’hui datée. Loin d’être la plus ergonomique, elle est parfois difficile à décrypter, notamment lors de vos premières parties, lorsqu’il s’agit de crafter des objets… Ou de son système de likes qui… Sert à quoi déjà ?

Vous avez dit « placement de produit » ?

Death Stranding

Certains placements de produits savent être discrets, jouer avec le subliminal… Afin d’imprimer leur message dans votre cerveau sans être trop voyants. Dans Death Stranding, on y va carrément avec les gros sabots ! Car il ne peut pas vous échapper qu’une célèbre boisson énergétique (qui sponsorise aussi un jeu vidéo officiel de motocross) est très présente dans le jeu. On voit ses canettes partout, et elles permettent à Sam de se regonfler quand sa santé est au plus bas.

Mouais… Pourquoi pas, mais à ce niveau, les boissons deviennent tellement voyantes (avec notamment des canettes au premier plan), que le placement de produit en devient presque aussi ridicule que celui d’un célèbre shampoing dans le film Evolution. D’autant plus gênant que, lorsqu’il s’agit de montrer des véhicules ou du matériel informatique, on ne verra pas de marque… Pour la boisson énergisante, il semblerait que l’approche soit différente.

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Ce n’est pas un placement de produit, mais je profite de cette partie pour aborder un autre message qui m’a agacé, à la longue, dans le jeu : son coté un peu trop « patriotique pro-américain » ! Certes, les Etats-Unis sont un beau pays, mais je n’ai jamais trop adhéré au délire « grandeur des USA » ou « Make America great again » , digne d’un mauvais film d’action hollywoodien ! Bien que le propos devienne plus nuancé lorsque l’intrigue avance…

Ce qui, quelque part, peut devenir une incohérence scénaristique puisque, dans un tel contexte, quid des autres nations ? Face à un mal d’une telle ampleur, les Hommes ne devraient-ils pas songer à une unification planétaire, plutôt que de sombrer dans un patriotisme d’une autre époque ? Paradoxal lorsque l’on sait que l’Amérique est le continent dont la presse spécialisée a le plus descendu Death Stranding.

Et puis, on pourrait aussi profiter de cette partie pour aborder un point qui a fait polémique, notamment au Japon : le copinage, notamment avec la presse spécialisée ! En effet, Hideo Kojima a donné des rôles dans son jeu à des amis, des copains. Et on peut citer par exemple Hirokazu Hamamura, l’ancien rédacteur en chef de FamitsuFamitsu qui a donné une note de 40/40 au jeu… Ce qui n’enlève en rien que les testeurs du magazine auront sans doute relevé de nombreuses qualités dans ce titre…

Au final

Death Stranding

Sans grande surprise, Death Stranding a été encensé par la critique, décrochant des notes quasi-parfaites qui lui ouvrent la voie vers le GOTY 2019. Mais c’est bien là le problème ! Car le jeu est loin d’être parfait, de mériter des 20/20, bien qu’il soit effectivement parmi les tops de l’année (voire de cette génération) ! Et les avis auraient-ils été aussi élogieux si le soft avait été développé par un autre développeur, moins connu ? Pas sûr !

Death Stranding est un bon jeu, mais un jeu qui divise, et divisera encore. Comme dirait Laurent Ruquier, « on ne peut pas plaire à tout le monde » et cela s’applique à Death Stranding. Si vous êtes un amateur d’action frénétique, et de scénario qui ne se prend pas la tête, passez votre chemin ! Sinon, vous feriez partie de ces joueurs qui vont décrocher au bout de dix minutes.

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Mais ce n’est pas un drame ! Le jeu vidéo est devenu un média tellement riche qu’il propose du contenu pour tous les goûts : action, réflexion, simulation, narratif, plate-forme, sport, course… Vous êtes libre d’aimer ou pas, de préférer un genre plus qu’un autre ! Et c’est, je l’avoue, une force de Death Stranding : plus qu’aucun autre jeu, il suscite des impressions, un ressenti, très personnels. Comme le sera ma note finale, qui ne sera peut-être pas la vôtre : elle est la synthèse de mon expérience, tant au niveau de la réalisation du jeu que de son scénario, ou de son gameplay 😉

Le jeu ne se destine pas à tous les joueurs, et l’apprécier pleinement se mérite. Au prix du sacrifice d’une jouabilité redondante et d’une physique parfois trop rigide, il captive pour son scénario digne des meilleurs films de SF. Difficile à comparer avec un autre titre, puisque unique en son genre, il constitue une expérience déroutante. Reste donc à savoir si vous êtes prêt à gratter l’épaisse couche de quêtes FedEx pendant des heures, pour dénicher la grosse pépite qui se cache en dessous.


Death Stranding

Testé sur une version fournie par l’éditeur.

Les points positifs :

  • Visuellement, c’est de toute beauté
  • Une expérience unique en son genre
  • Un casting premium
  • Une OST réussie
  • Un doublage VF de qualité
  • Un scénario passionnant et riche en explications
  • Des personnages marquants
  • Les « liens » qui se créent entre les joueurs et le coté « bac à sable »
  • Les différents degrés de lecture
  • Durée de vie correcte

Les points négatifs :

  • Un gameplay répétitif et rigide
  • Des phases de marche longues et ennuyeuses
  • Des soucis de collision
  • Une interface « menu » datée
  • Il faut tenir 15/20 heures pour que le jeu devienne vraiment intéressant
  • Le coté « patriote américain » et le placement de produit : vite lassants

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