Un simple mortel qui, par désir de vengeance, défie l’Olympe et se retrouve élevé au rang de dieu… Voilà le pitch parfait pour créer un jeu vidéo. Et cette histoire, c’est celle de Kratos, héros de la série God of War et l’un des personnages les plus emblématiques du jeu vidéo. Une licence qui a hissé le studio Santa Monica au Panthéon du jeu vidéo.

Un Dieu de la Guerre qui frappe fort dès le premier coup !

22 mars 2005 ! Retenez bien cette date. C’est précisément le 22 mars 2005 que les joueurs ont arrêté de penser que Crash Bandicoot était la mascotte de PlayStation. Et qu’un nouveau héros a fait son apparition, volant la vedette aux séries qui s’étaient installées petit à petit dans leur zone de confort. Ce héros, c’est Kratos, emblématique premier rôle d’une toute nouvelle licence : God of War.

Le jeu est développé par un petit studio interne de Sony créé en 1999 : Santa Monica Studio. Petit, car si l’équipe a collaboré au développement de titres comme flOw, Blast Factor, Warhawk, Flower ou les Pixeljunk, le studio n’a en réalité qu’un seul jeu à son actif : Kinetica, un jeu de courses sorti en octobre 2001 sur PlayStation 2. Alors, peut-on signer un chèque au studio, qui se lance, sous la direction de David Jaffe, sur un projet aussi ambitieux qu’un beat’em all action/aventure ? En tout cas, Sony y croit, et va le signer, le chèque !

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Et en 2005, le jeu sort enfin en exclusivité sur PS2, après quatre ans de développement. Jeune studio, premier jet d’une nouvelle licence… Sony communique sur cette nouvelle sortie, mais sans plus. Et pourtant ! Les notes de la presse spécialisée sont dithyrambiques, et le jeu va se vendre au final à plus de 3 millions d’unités. Il remporte même plusieurs récompenses. En février 2006, lors de la 9e cérémonie des Interactive Achievement Awards, il raffle sept récompenses, dont celle du jeu de l’année !

Avec un tel départ, et un tel succès, pas vraiment étonnant de voir un God of War II sortir sur PS2, dès avril 2007. Avec un petit détail qui fera date dans la franchise : ce GoW2 est dirigé par un certain Cory Barlog. Un nom qui va prendre beaucoup d’envergure dans la saga, par la suite… La série est (bien) lancée, et devient un incontournable du jeu vidéo. Kratos a gagné ses lettres de noblesses au panthéon des héros du JV, et devient même l’une des figures emblématiques de la marque PlayStation, qui ne se cherchera désormais plus une mascotte, puisqu’elle est représentée par tout un univers de personnages.

C’est l’histoire… D’un destin tragique

Si on a l’habitude de définir Kratos comme un mortel, il serait plus adapté de le qualifier de demi-dieu puisqu’il est né de l’union de Zeus et d’une mortelle, Callisto. Hélas pour le jeune Spartiate, un oracle prédit à Zeus qu’un mortel portant des marques rouges sur le corps fera tomber l’Olympe. Cette particularité physique est celle de Deimos, le frère cadet de Kratos. Alors, Zeus envoie Arès enlever Deimos. En tentant de défendre son frère, Kratos est blessé par Arès, et gardera une balafre à l’œil. Croyant son frère mort, Kratos se fait tatouer les mêmes marques rouges sur le corps, à sa mémoire.

Le temps passe. Kratos s’engage sur la voie de la guerre, comme la plupart des hommes spartiates, et devient d’ailleurs le plus jeune général de l’armée de la Cité État. En parallèle, il épouse une certaine Lysandra, avec laquelle il a une fille, Calliope. Mais un jour, alors que son armée se bat avec un roi Barbare, Kratos est contraint d’implorer Arès afin d’obtenir une victoire écrasante. Arès lui promet les Lames du Chaos, de redoutables épées prolongées de chaînes et greffées à même ses avant-bras, en échange de son âme. Kratos accepte, et déclenche à lui seul un bain de sang qui permet à Sparte de gagner le combat.

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Hélas, dans sa frénésie destructrice, Kratos ne s’est pas rendu compte qu’il a tué, sans distinction, les ennemis comme les gens de son propre peuple. Et la double peine tombe lorsqu’il retrouve les corps sans vie de Lysandra et de Calliope, tuées de ses propres mains. Marque indélébile de la malédiction dont il fait désormais l’objet, les cendres de sa femme et de sa fille lui colleront au corps pour l’éternité, lui donnant le teint très pâle de sa peau. Kratos entreprend alors une vengeance qui consiste tout simplement à éliminer, un à un, les dieux de l’Olympe qui l’ont trahi, et de prendre le trône de Zeus.

En 2018, le nouvel épisode offre une nouvelle vie au héros, désormais plus vieux, qui s’est exilé sur les terres nordiques, pour oublier son passé de dieu grec. Il y a rencontré une femme, Faye (aussi appelée Laufey la Juste), avec qui il a eu un fils, Atreus. À la mort de Faye, Kratos entreprend un long voyage avec Atreus, afin de respecter la dernière volonté de sa femme : disperser ses cendres au sommet de la plus haute montagne des Neuf Royaumes. Sans spoiler le reste de l’aventure, c’est ici que Kratos va faire la connaissance (musclée) du panthéon scandinave

Kratos, un bad-boy ou un ado ?

Lorsque le studio Santa Monica publie God of War, en 2005, le succès est au rendez-vous. De par le gameplay très typé action, qui consiste à défourailler un maximum d’adversaires dans des bains de sang, Kratos se forge très vite une réputation d’anti-héros particulièrement bourrin. Sans aucune pitié. Animé par son seul désir de vengeance. Bien que notre chauve ne s’interdise pas une petite partie de jambes en l’air de temps en temps. Des séquences de QTE (ou plutôt de cul-TE) qui consistent à donner du plaisir à plusieurs femmes en appuyant sur les touches avec le bon timing. La scène se déroule hors-champ, mais le son et les vibrations de la manette témoignent que Kratos et ses amies sexy ne sont pas en train de cuisiner une tarte… Non, God of War n’est pas un jeu pour les enfants. C’est un jeu pour les poilus, les tatoués, un titre qui suinte la testostérone.

Kratos est un bad-boy, et les petits gars de Santa Monica Studio aussi. Quitte à partir dans les extrêmes lorsqu’il s’agit de communiquer autour des jeux, en allant jusqu’au dérapage incontrôlé. C’est ce qui se passe en 2007, lors de la soirée de lancement de God of War II, organisée en Grèce. Afin de plonger les invités dans l’ambiance de la mythologie et de la Grèce antique, les organisateurs ont mis les bouchées doubles : toges, plats de l’époque, décor et… Véritable chèvre décapitée sur un autel. Les associations de défense des animaux se déchaînent. Le PlayStation Magazine officiel anglais ne sent pas venir la shitstorm, et publie les photos de la soirée… Avant de récupérer in-extremis les exemplaires destinés aux kiosques, pour réimprimer des versions sans la photo incriminée (mais il est trop tard pour les magazines expédiés aux abonnés)… Cette fois, c’est allé trop loin.

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Dans ce que nous allons considérer comme la première partie de God of War (jusqu’à l’épisode III), et si physiquement, Kratos est bien un adulte… Il a l’esprit adolescent, n’assumant pas ses actes, dont il rejette systématiquement la faute sur les Dieux. Il est sanguin, cruel, téméraire, pour ne pas dire destructeur. Pour sa fougue, pour sa puissance qu’il déchaîne jusqu’à l’ivresse, pour sa psyché, pour son coté rebelle… Et pour la façon dont il défie Zeus et l’Olympe, qui sont en quelque sorte une représentation de la figure paternelle… Pour rester dans la thématique de la Grèce Antique en touchant à la psychanalyse, on peut voir dans les premiers jeux God of War une représentation du mythe d’Œdipe : pour trouver sa voie, Kratos doit tuer le Père

Mais très vite, notre héros s’enferme dans un tourbillon qui pourrait présager d’un essoufflement inévitable, voire d’une mort annoncée, de la série. Kratos tue les Dieux assassins, puis tue tout le monde au Panthéon, Zeus compris, défiant même les Titans au passage… Et après ? Que faire une fois qu’il sera devenu l’être le plus puissant de l’univers, qu’il pourra tout détruire d’un claquement de doigts ? Pour sa série DragonBall, Akira Toriyama a contourné ce piège en l’assumant pleinement et en orientant l’arc Majin Buu vers l’auto-caricature. Mais vous imaginez God of War trouver une issue dans l’humour ? Non, il faut se faire une raison : Kratos a évolué, il a grandi en parallèle de ses créateurs. Alors, pour continuer à avancer, il va falloir tuer le mythe… Pour mieux le reconstruire !

2018 : l’âge de la raison ?

Au sein de Santa Monica Studio, peu sont ceux qui souhaitent voir l’aventure de Kratos continuer après God of War III, qui marque officiellement la fin de l’histoire du Spartiate (God of War Ascension était un préquel). Alors, pourquoi faire revenir Kratos quand les joueurs se sont détachés d’une série qui, selon eux, avait de la peine à se réinventer, à innover ? Un nouveau God of War, pourquoi pas ! Mais… Avec un nouveau personnage ? De nouvelles armes ? Une nouvelle histoire ? Une nouvelle destination ?

Pourtant, un nouveau God of War va bien entrer en développement. Avec toutefois une très bonne nouvelle : après être parti travailler pour Crystal Dynamics (sur le reboot de Tomb Raider), Cory Barlog est de retour à la réalisation et au scénario. Un petit détail qui va littéralement changer l’orientation du projet : Oui, God of War est de retour, mais il va prendre des directions totalement différentes ! À commencer par le gameplay, puisque le jeu ne sera plus un beat’em all, mais un jeu d’action/aventure très cinématographique, avec quelques mécaniques de RPG.

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La forme a changé, mais le fond aussi. Après avoir détruit l’Olympe, c’est un Kratos désormais plus vieux qui a trouvé refuge sur les terres scandinaves. Troquant les puissantes Lames du chaos par sa nouvelle hache Léviathan. Mais le changement majeur dans le lore de la licence est l’arrivée d’Atreus. Le réalisateur Cory Barlog est devenu papa. Et on imagine assez facilement que cela a eu des conséquences sur son écriture du nouveau God of War. On peut même imaginer que, au delà du réalisateur et du héros, le jeu est aussi un miroir de certains de ses joueurs, qui ont évolué en même temps que le Fantôme de Sparte. Certains sont peut-être même aussi devenus des pères.

Le God of War de 2018 nous dévoile un Kratos plus mature, plus réfléchi, plein de sagesse, de raison. Et qui a pris la mesure de ses actes passés, qu’il assume enfin (on comprend qu’il a tenté à deux reprises de se suicider avant le God of War de 2018). Le jeune Spartiate qui voulait autrefois détruire la figure du père est lui-même devenu la représentation paternelle. Pour son fils Atreus, il est devenu le guide que lui n’a jamais eu (mais peut-être deviendra t-il aussi un jour la figure à abattre pour qu’Atreus se construise). En retour, Atreus lui offre le statut de père de famille qu’il a autrefois touché du bout des doigts. Mais dont un dieu l’a privé. Kratos a toujours vécu par la violence et la vengeance. Aujourd’hui, son fils lui donne une nouvelle raison d’exister, en enterrant ses convictions d’hier.

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Et ceux qui évoqueront la froideur avec laquelle Kratos parle parfois à son fils n’ont sans doute pas saisi la puissance de ses sentiments pour la chair de sa chair. Kratos est toujours un dieu, mais peut-il continuer à vivre pour être celui de la Guerre ?

Et maintenant ?

Oui, Kratos est entré dans l’histoire du jeu vidéo par les combats violents à outrance, et sa propension à vouloir massacrer de l’Olympien. Mais il y a conforté sa place par la richesse de son parcours. Et par une évolution magistrale qui a fait de l’anti-héros un véritable héros aimé des joueurs. Issu d’un genre qui ne met pas vraiment le scénario en avant, Kratos a su, à travers la plume de ses scénaristes, évoluer, gagner en profondeur. Et le reboot de 2018 est sans aucun doute l’œuvre qui lui a fait faire un bond de géant dans son histoire personnelle.

Mais aujourd’hui, comme en 2010, une terrible question se pose. Comment est-il encore possible de faire évoluer un personnage qui a atteint le sommet ? Comment ne pas se répéter, ou pire, faire moins bien qu’avant ? Car si vous avez joué à God of War Ragnarok (lire notre test ici), un jeu à son tour multirécompensé, et qui a loupé de très peu le GOTY 2022 (face à Elden Ring)… Alors vous savez à quel point Santa Monica a placé la barre à une hauteur vertigineuse. Faire mieux que Ragnarok ? Pour nous autres, simples joueurs mortels, cela semble impossible. Heureusement, du point de vue des développeurs, on appelle cela un défi !

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GoW Ragnarok aura t-il une suite ? Les fans en rêvent, forcément. Et on pourrait le penser face à la fin hyper-ouverte du jeu (on n’en dira pas plus). Pourtant, de l’aveu du studio, Ragnarok n’aura pas de DLC (aucun jeu GoW n’en a). Et l’épisode vient clore l’arc dédié à la mythologie nordique. Sony peut-elle laisser filer une licence aussi juteuse ? Bien sûr que non. Alors, une suite, sans doute. Et notre parcours dans les terres glacées nous glisse peut-être quelques indices. Avec des objets provenant d’autres cultures, Maya ou Égyptienne (qui était la première idée des développeurs pour le jeu de 2018).

Retrouvera t-on Kratos, ou Atreus ? Jouera t-on notre colosse tatoué, ou un nouveau personnage ? Aucune piste pour le moment. Si ce n’est une confidence lors de la PAX East 2023, fin mars. On la doit à Ben Prendergast, l’acteur qui incarne Tyr dans Ragnarok. Une phrase énigmatique : « ce n’est pas la dernière fois que vous entendez parler de Tyr » ! Voilà qui va laisser vagabonder notre imagination, jusqu’à la sortie d’une probable suite, dans quelques années…

Kratothèque

Voici la liste des jeux dans lesquels apparaît notre tueur de dieux :

  • 2005 : God of War (PlayStation 2)
  • 2007 : God of War 2 (PS2)
  • 2007 : God of War : Betrayal (mobiles)
  • 2008 : God of War : Chains of Olympus (PSP)
  • 2009 : God of War Collection vol.1 : GoW 1 HD + GoW 2 HD (PS3)
  • 2010 : God of War III (PS3)
  • 2010 : God of War : Ghost of Sparta (PSP)
  • 2011 : God of War Collection vol.2 : Chains of Olympus HD+Ghost of Sparta HD (PS3)
  • 2013 : God of War : Ascension (PS3)
  • 2015 : God of War III Remastered (PS4)
  • 2018 : God of War (PS4)
  • 2022 : God of War (Windows)
  • 2022 : God of War : Ragnarök (PS4/PS5)

Notre héros grec punchy fait aussi quelques apparitions dans d’autres jeux vidéo (principalement des jeux de combat, d’ailleurs) :

  • 2009 dans SoulCalibur : Broken Destiny (PSP)
  • 2011 dans Mortal Kombat 9 (PS3, X360, PS-Vita et PC)
  • 2012 dans PlayStation All-Stars Battle Royale (sur PS3)
  • 2014 en tant que skin et autocollants dans les jeux LittleBigPlanet sur PS3, PS4 et PSP.
  • 2020 dans Fortnite (toutes les plateformes)

J’me coucherai moins bête

Comme le veut notre tradition, voici en vrac quelques anecdotes à retenir à propos de notre personnage du jour, Kratos.

  • Pour créer le gameplay et l’ambiance de God of War, David Jaffe s’est inspiré de la série Onimusha, de Capcom.
  • Le nom Kratos vient du grec Κράτος qui signifie « Force » ou « Autorité« 
  • Initialement, Kratos avait des cheveux sur les premiers concept-arts. Il devait porter des tatouages bleus. Mais l’équipe a changé la couleur pour ne pas que leur personnage ressemble trop à un barbare avec des tatouages similaires dans Diablo II.
  • Avant God of War, un autre personnage de jeu vidéo se nommait Kratos. Dans le J-RPG Tales of Symphonia en 2003.
  • En septembre 2016, le groupe de RAP français PNL lui dédie un morceau dans son 2e album Dans la Légende. La 7e piste du CD s’intitule Kratos.
  • Si on réunit les noms des deux frères, Deimos (Peuple) et Kratos (Pouvoir), on obtient le mot qui a donné « Démocratie » (le pouvoir au peuple).
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  • Avant 2018, Kratos était doublé vocalement par Terrence C. Carson, et un autre comédien avait été engagé pour la motion-capture. Mais pour le jeu de 2018, Cory Barlog souhaitait que ce soit la même personne qui prête son corps et sa voix au héros. Terrence C. Carson n’ayant pas la bonne carrure, un nouveau comédien a été recruté.
  • Depuis 2018, Kratos est doublé par Christopher Judge (Teal’c dans la série Stargate SG-1). Au départ, celui-ci ne souhaitait pas participer aux auditions. Mais quand il a lu le script, il a lancé à son agent : « je pensais que c’était un jeu vidéo !?!« 
  • Lorsque Cory Barlog a finalisé le scénario du God of War de 2018, il venait lui-même d’être père. Un fait qui donne encore plus de poids à la présence d’Atreus dans le jeu.
  • Le God of War de 2018 est un tour de force : le jeu n’est qu’un plan séquence, du début à la fin. Prouesse technique reconduite avec God of War : Ragnarok
  • Dans God of War, en VO, Kratos appelle son fils « Boy » ! La raison ? Quand le doublage anglais a été enregistré, les développeurs n’avaient pas encore trouvé le nom d’Atreus.
  • Le reboot de 2018 devait initialement se dérouler en Egypte. C’est Cory Barlog lui même qui l’explique dans le documentaire Rising Kratos, disponible sur YouTube ici.

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