Pour les amateurs de RPG, et plus particulièrement de J-RPG, le nouveau bébé de Square-Enix était sans doute l’un des jeux les plus attendus en 2024 (avec Final Fantasy VII Rebirth). Car à bien y réfléchir, le dernier jeu de la série Mana (autre qu’un remake ou une compile) sorti en occident, date de plus de 15 ans. Annoncé en 2021, Visions of Mana marque enfin le grand retour d’une série appréciée par toute une communauté de fans. Impossible de ne pas vous en parler avec un nouveau test !
33 ans déjà !!
Souvenez vous : tout a commencé le 8 juin 1991 au Japon (en 1993 en Europe) ! Date à laquelle Squaresoft (aujourd’hui, on parle de Square-Enix) publiait Final Fantasy Gaiden: Seiken Densetsu, sur GameBoy. Un spin-off de Final Fantasy (en Japonais, spin-off se traduit Gaiden) que nous connaîtrons quelques années plus tard en Occident sous le nom Mystic Quest. Un titre marquant puisqu’il est l’un des premiers J-RPG à avoir été entièrement localisés en Europe.
Le jeu reçoit un bon accueil du public, et va donc recevoir une belle promotion. Du statut de spin-off, il va devenir une franchise à part entière : Seiken Densetsu. Et en 1993 (ou 1994 en Europe), un Seiken Densetsu 2 arrive cette fois sur Super-Famicom. Sur les Super-Nintendo européennes, il sera rebaptisé : on parle évidemment du cultissime et monumental Secret of Mana ! Qui aura une suite, un Seiken Densetsu 3 (Super-Famicom) qui ne sortira hélas pas sous nos latitudes, tout comme le Legend of Mana sorti en 1999 sur PlayStation.. Le 4e opus, Dawn of Mana, sortira sur PlayStation 2 en 2006, mais encore une fois l’Europe en sera privée,
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Si la série compte de très nombreux titres, elle compte aussi beaucoup de spin-off, ainsi que des remasters, remakes ou simples portages. À l’instar de Sword of Mana en 2003 sur GameBoy Advance (qui est le remake du premier opus), Collection of Mana en 2017 sur Switch, Secret of Mana HD en 2018, Trials of Mana en 2020 (remake du 3e épisode, et enfin la chance d’y jouer en PAL)… Alors autant dire que, lorsque Square-Enix a annoncé un tout nouveau Mana inédit, le sang des fans n’a fait qu’un tour. Encore plus quand ils ont appris que Koichi Ishii, le créateur de la saga, était de la partie. Tout comme les compositeurs Hiroki Kikuta (on lui doit les musiques légendaires de Secret of Mana), Tsuyoshi Sekito (qui a pas mal officié chez Konami), ou encore Ryo Yamazaki (qui s’est illustré sur plusieurs récents opus de Final Fantasy).
Si vous êtes justement un nostalgique de Secret of Mana, l’intro va vous faire un choc ! Superbe panorama de l’Arbre Mana avec son vol de flamants… La cinématique d’introduction de Visions of Mana remet clairement les pendules à l’heure ! On est ici ouvertement dans l’hommage au vénérable Seiken Densetsu 2. Visions est un retour aux sources, et à tout ce qui a fait le succès de cette grande saga du jeu vidéo, hélas plus discrète depuis deux décennies. Mana est enfin de retour, et on a très envie de s’en réjouir !
Pour que l’on puisse vivre, vous devez mourir !
Visions of Mana nous emmène dans un monde qui, comme dans les épisodes précédents, place l’Arbre Mana et les Élémentaires au cœur de l’intrigue. L’histoire raconte que, tous les quatre ans, une fée apparaît dans les villages pour désigner des Offrandes. Comprenez des personnes liées à un élément, qui vont devoir se sacrifier en offrant leur âme à l’Arbre Mana. Lui permettant ainsi d’avoir la force de protéger le monde. Autrement dit, si sacrifice il y a, tout va bien… Mais si un village ne présente pas d’offrande (ou si la personne désignée se soustrait à la tradition), il sombrera dans le chaos, et disparaîtra.
L’histoire nous présente Val, jeune habitant de Tiana (village sous la protection d’Athanor, le feu), désigné comme Gardien D’Âmes. Autrement dit, il est élu comme le guerrier qui va escorter (et protéger) les Offrandes lors de leur pèlerinage jusqu’à l’Arbre Mana. Et c’est justement Hina, son amie d’enfance, qui vient d’être reconnue comme Offrande du Feu. Les deux amis se réjouissent de voyager ensemble, et se mettent en chemin pour rencontrer les autres Offrandes. Et rencontrent très vite un homme mystérieux qui pourrait bouleverser leurs croyances…
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On n’en dira pas plus, afin d’éviter de vous spoiler l’intrigue. Mais on peut vous dire que le jeu a bien évidemment un antagoniste, avec quelques rebondissements bien trouvés. On a eu quelques craintes au départ, il faut bien l’avouer, avec une trame principale qui fait fortement penser à un autre jeu de Square-Enix (pour ne pas citer Final Fantasy X)… Tout comme un autre élément scénaristique (qu’on vous laisse découvrir par vous même) vous rappellera un certain Final Fantasy VII… De plus, il faut avouer qu’en début de partie, le joueur peut être dérouté par cette façon dont les personnages partent à l’abattoir dans la joie et la bonne humeur, plein de dévotion, soutenus par des proches tout aussi fiers de sacrifier leur progéniture pour la déesse. Puis, tout s’explique ensuite mais… Comment dire ?
On aime surtout le fait que Visions of Mana respecte fidèlement le lore de la série Mana. Son bestiaire, ses Élémentaires et ses objets clés, mais aussi quelques têtes connues que les fans seront ravis de retrouver. C’est indéniablement une force pour Visions of Mana : le joueur vit une certaine excitation en découvrant cette aventure inédite, pleine de rebondissements et de twists. Mais parallèlement, il évolue dans un monde qu’il connaît, bourré de clins d’œil et de références aux autres épisodes principaux de la saga. Le jeu est nouveau, mais le fan se sent à la maison. Dans un foyer qu’il aurait quitté il y a si longtemps déjà…
Un A-RPG dans la pure tradition
Comme tout bon Mana qui se respecte, Visions of Mana est un A-RPG. Comprenez un Action-RPG avec des combats dynamiques, et en temps réel. Comme à la grande époque, le joueur contrôle le leader d’une équipe de trois personnage (mais on peut switcher et contrôler le protagoniste de son choix), les deux autres étant dirigés par l’IA. Bien évidemment, vous pouvez paramétrer l’IA de vos alliés, afin d’établir la stratégie qui vous convient le mieux. Seront-ils agressifs ou bien l’un des deux sera t-il un soigneur ? Vont-ils tous attaquer le même ennemi ou bien se partager les adversaires ? C’est à vous de voir !
Pendant les combats, le joueur dispose des commandes habituelles : l’attaque classique et les enchaînements de coups, l’utilisation de magie facilitée par un ingénieux système de raccourcis, ou encore l’accès à un inventaire d’objets de soins. Lors des combats de boss, vous pouvez généralement cibler plusieurs zones, que vous pouvez affaiblir. Et des attaques bien placées peuvent vite devenir des « coups critiques » plus efficaces. En fonction du job attribué à votre avatar (on y revient plus bas), vous pourrez aussi envoyer une attaque spéciale dévastatrice, si la jauge dédiée est à 100%. Évidemment, vous devrez aussi garder un œil sur votre état, car votre combattant peut subir les effets du poison, du sommeil, être transformé en Mog ou devenir Mini…
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Au fil de l’aventure, vous trouverez des reliques liées aux Esprits Élémentaires, au nombre de 8 (Sylphide l’esprit du vent, Luna de la Lune, Athanor du feu, Ondine de l’eau, Dryade de la forêt, Gnome de la terre, Ombre des ténèbres et Lumina de la lumière). Quand un item est associé à un personnage, il lui octroie immédiatement un job (et ses pouvoirs élémentaires). Chaque protagoniste ne développera pas les mêmes classes que le voisin. Ainsi, Val sera paladin, maître d’armes, chevalier… Quand d’autres développeront des jobs liés à la magie, aux techniques de combat rapproché, etc. Le jeu propose ainsi en tout une quarantaine de jobs, avec les arbres de compétences qui vont avec… Sans oublier des capacités que vous allez pouvoir affecter grâce à des graines de Mana.
Nouveauté très appréciable : les combats gagnent en verticalité et en nervosité. Ils sont particulièrement jouissifs, bien que parfois gâchés par un affichage un peu bordélique. Notamment à cause de la caméra qui pète parfois littéralement un câble. D’ailleurs, puisque l’on parle des soucis techniques, on pourrait aussi développer sur le mapping des touches pas toujours judicieux. Je m’explique : avec par exemple un même bouton X pour parler, sauter ou ouvrir les coffres… Je vous laisse imaginer le nombre de fois où un dialogue s’engage parce que vous avez eu le malheur de vouloir sauter près d’un PNJ. Ou bien vous sautez comme un débile à côté d’un PNJ car vous n’êtes pas tout à fait dans la hitbox qui permet de lancer le dialogue…
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Enfin, le jeu propose évidemment de l’exploration, avec de nombreux items et coffres disséminés dans les différentes zones de la map. Par ailleurs, de nombreux PNJ vous confieront des quêtes secondaires, mais qui sont hélas majoritairement très anecdotiques. Ramener tel objet ou vaincre tel monstre… On passe vite au dessus de ces missions dispensables, pour se recentrer sur un scénario que l’on plie en un peu plus d’une vingtaine d’heures en ligne droite. C’est correct : le voyage principal est très sympa pour son histoire, mais le post-game de Visions of Mana manque de solidité justement par son manque de quêtes secondaires intéressantes. Sur ce point, Like a Dragon : Infinite Wealth reste le champion indétrônable !
Visions of Mana est un jeu très accessible, peut-être même un peu trop. C’est une bonne porte d’entrée pour un néophyte, mais… S’il propose quatre modes de difficulté, on vous déconseille fortement le plus facile. Car ici, le game-over est impossible, et le jeu vous prendra tellement par la main qu’il pourrait presque basculer dans la catégorie des jeux narratifs. De même, si on apprécie le fait de pouvoir se déplacer rapidement (soit grâce aux points de sauvegarde, soit grâce à certains compagnons), on vous conseille de vous en passer le plus possible. Les déplacements rapides tuant la partie exploration dont on parlait plus haut !
L’aspect visuel est clairement un atout du jeu
Si vous avez vu des visuels ou des vidéos du jeu, vous savez sans doute déjà que nous sommes face à l’un des plus beaux J-RPG que l’on ait vu depuis très longtemps. À condition bien entendu d’aimer les graphismes très colorés, qui dégagent une ambiance digne des films du studio Ghibli. D’ailleurs, pendant ce test, de nombreux passages, décors ou personnages m’ont immédiatement fait penser à une autre série de J-RPG assez proche et liée au studio d’animation : les Ni no Kuni ! Le protagoniste Morley (traduit Morlaix en Breton), ayant même un petit air d’Evan, le royal héros de Ni no Kuni 2… Pour ceux qui connaissent…
Les tableaux sont pleins de vie, bourrés de petits détails, comme ces herbes qui plient sous le vent, ces champs de fleurs, ces villes ultra-détaillées et fourmillant de vie… Ou cette forêt luxuriante avec ses lianes et ses plantes exotiques qui donnent tellement de texture à cet univers féerique. D’ailleurs, encore une fois c’est un Mana, donc une ode à la Nature. Un conte qui prône l’harmonie quasi-totale entre les « humanoides » et leur environnement, personnifié par les esprits élémentaires. Bien qu’il nous délivre son message avec de gros sabots, Visions of Mana est aussi un jeu qui vous donne envie de respecter le vivant, puisque c’est son propos principal ! Bref…
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La mise en scène est, elle aussi, complètement incroyable ! Avec des cinématiques et des cut-scenes qui, là encore, titillent notre âme d’enfant, nous plongent en plein conte de fée. Et voir par exemple un vol de flamants roses devant l’Arbre Mana procure une émotion et une sensation de satisfaction que l’on n’avait pas ressenti depuis l’intro de Secret of Mana dans les années 90 : magique ! Par ailleurs, la mise en scène des combats, notamment lorsque vous déclenchez vos plus beaux combos est, aussi très réussie. Ces séquences donnent encore plus de rythme à des affrontements qui sont déjà assez dynamiques à la base ! Et que dire des musiques de Hiroki Kikuta, Tsuyoshi Sekito et Ryo Yamazaki qui nous replongent dans l’ambiance des premiers Seiken Densetsu ? Juste merveilleux !
Pourtant, cette technique qui nous enchante tant a aussi ses limites. Et durant les phases d’exploration, on n’aura hélas pas pu éviter quelques chutes de framerate. De même, on regrette fortement cette frustration d’être très (trop) souvent confrontés à des murs invisibles. La beauté des décors donne furieusement envie d’explorer ce gigantesque monde semi-ouvert. Qui ne l’est que dans sa profondeur d’affichage. Puisque concrètement, votre expédition à la recherche de coffres cachés sera souvent coupée par la découverte de ces fameux murs invisibles. Limites qui vous coupent dans votre élan, et peuvent parfois donner l’impression pas très agréable d’évoluer dans un couloir. Bien que le terrain de jeu reste globalement assez grand pour trouver quelques secrets cachés.
Au final
Visions of Mana est indéniablement l’un des J-RPG incontournables de cette année 2024, au même titre que Final Fantasy VII Rebirth ou Like a Dragon : Infinite Wealth ! Un jeu coloré, plein de poésie et de féerie. À une époque où le genre se « Darksoulise » et devient plus sombre (aujourd’hui, beaucoup de RPG jouent la carte de la dark-fantasy, même Final Fantasy s’y est mis avec Final Fantasy XVI)… Comment refuser ? Comment passer à côté ? Si on aime, on signe, forcément !
Ce Visions of Mana, par son traitement relativement classique du RPG, pourra séduire comme il pourra décevoir. Il séduira les nostalgiques tant il est un hommage à ce que le J-RPG nous a offert de mieux. Tant il est respectueux du matériau d’origine, de la série des Seiken Densetsu, du bestiaire jusqu’à la construction de son récit. Oui, Visions of Mana est un RPG aux mécaniques de jeu datées (ah, ses murs invisibles !). Mais c’est justement sur cette promesse que l’on a voulu y croire. C’est sur ce point qu’il se positionne comme le plus bel hommage à Secret of Mana, ou Legend of Mana.
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Mais il peut aussi décevoir. Principalement les plus jeunes joueurs, qui n’ont pas connu l’œuvre originelle. Ou qui sont habitués à des mécaniques plus modernes, à un ton plus adulte, aux univers plus sombre. Pire, il peut décevoir par certains aspects de sa réalisation. Notamment les soucis de calibrage de la caméra qui, lors de certains combats, peuvent agacer ! Ou son absence de doublage en VF. Ou encore ses temps de chargement lorsque vous passez d’une zone à une autre… Pas très « 2024 » !
Visions of Mana est un jeu qui est certes perfectible ! Mais un jeu qui tient ses promesse, et nous replonge dans un univers qui nous avait sacrément manqué. Mieux : derrière le travail réalisé, on sent l’amour de l’équipe de développement pour la licence. Ce nouvel épisode est non seulement un digne successeur pour la série, mais un héritier respectueux de ses aînés. Si vous aimez la féerie, le voyage (et la végétation luxuriante), et les jeux qui vous plongent dans de magnifiques contes, alors Visions of Mana est fait pour vous.
Visions of Mana
- Par : Ouka Studios, pour Square-Enix
- Sur : PlayStation, XBox, PC.
- Genre : Action RPG
- Classification : PEGI 12
- Prix : 69,99€
- Conditions de test : jeu terminé sur une version PS5 digitale envoyée par l’éditeur plusieurs jours avant la sortie du jeu.
Les points positifs
- Des graphismes magnifiques et ultra-colorés
- La musique
- Le système de jobs vraiment bien foutu
- Des combats dynamiques, voire parfois spectaculaires
- Très classe avec les voix en Japonais
- Un jeu avec une âme, respectueux de l’esprit de la série
- Un gameplay à l’ancienne qui fait du bien
- Sous-titres et interface en VF
- Quatre niveaux de difficulté
- Un new Game + une fois le jeu terminé
Les points négatifs
- Le scénario parfois déroutant
- On n’aurait pas craché sur un doublage en VF
- Un monde semi-ouvert avec beaucoup trop de murs invisibles
- On a eu quelques chutes de framerate durant les phases d’exploration
- Le mauvais mapping des touches
- 95% des quêtes annexes dispensables