Une simple musique d’intro, un vol de flamants roses… Et nous voilà replongés dans une véritable légende du jeu vidéo ! Un titre qui traîne encore aujourd’hui une aura mythique derrière lui. En 2018, Secret of Mana est de retour, en 3D, sur PS4, PS-Vita et PC ! La magie de notre jeunesse va t-elle encore opérer ?
En 1994 naît une légende !
C’est en 1994 qu’arrive en Europe un jeu qui, pour moi, restera comme l’un des meilleurs titres de la Super-Nintendo. L’un de mes titres préférés en tout cas, que je classe (encore aujourd’hui) dans le Top 5 de mes jeux favoris, toutes consoles et toutes générations confondues. Aussi, quelle émotion de voir s’ouvrir l’intro du jeu, sur un thème musical qui reste tellement… Magique !
Quand les Japonais parlent de Seiken Densetsu 2 (La Légende de l’Épée), l’Europe découvre Secret of Mana (pour l’explication de ce changement de nom, ça se passe ici). Un jeu qui est alors développé par Squaresoft (qui deviendra Square-Enix en 2003).
Le jeu vous permet d’incarner Randy, jeune habitant d’un petit village qui, par accident, descelle de son rocher la légendaire épée Mana. Les conséquences sont dramatiques, et vont conduire les villageois à vous bannir du village. Randy devra donc parcourir le monde pour restaurer l’épée, seul artefact capable de sauver le monde d’un danger qui s’éveille. En chemin, il croisera deux compagnons : la princesse Purim et l’elfe Popoï.
Retour dans le monde de Mana
Secret of Mana est un Action-RPG (A-RPG). Autrement dit, les combats se déroulent en temps semi-réel, sans tour par tour. Le joueur dirige, à termes, une équipe de trois personnages, en contrôlant l’un d’entre eux (on peut changer de personnage principal). Les deux autres étant contrôlés par l’IA, avec des paramètres d’action modifiables. La bonne idée de la version originale, reprise ici, est le mode multijoueur permettant à trois joueurs de se lancer dans l’aventure. Chacun contrôlant alors l’un des héros.
Comme dans tout bon RPG, vous allez trouver de l’upgrade à tous les étages : personnages, armes, magie (via les invocations)… Les boutiques vous permettront d’acheter de l’équipement, ou des items de régénération. Sur les zones de combat, les ennemis vaincus laissent parfois des coffres derrière eux.
Le système de combat va vous obliger à jouer sans spammer les touches d’action. En effet, votre arme dispose d’une jauge (en pourcentage) qui doit se régénérer après chaque attaque. Et si vous enchaînez les attaques sans attendre que cette jauge soit à son maximum, les dégâts infligés à l’ennemi seront dégressifs. Pas vraiment à votre avantage, donc. En revanche, vous pourrez aussi charger votre arme (en maintenant la touche d’attaque) ; une fois chargée, relâchez le bouton pour lancer une offensive plus puissante.
Et la jouabilité dans tout ça ?
Ceux qui connaissent déjà Secret of Mana ne seront pas dépaysés, tant le jeu reprend à la commande près la jouabilité originale. Avec ses qualités, mais aussi ses défauts. Ici, je pense notamment aux menus qui ne sont pas vraiment ergonomiques, ou à l’IA de vos deux compagnons parfois aux fraises : comme à la grande époque, ces deux « idiots » se bloquent parfois dans le décor, quelques écrans plus loin, vous privant d’un précieux soutien.
Petite nouveauté bienvenue : lorsque nous ne pouvions autrefois porter que quatre exemplaires d’un item, le nombre maximum est désormais porté à douze. Une très bonne chose, qui va vous sauver la vie dans les donjons, notamment pour ce qui est des bonbons et autres objets de régénération. De même, vous disposez désormais d’une sauvegarde automatique sur un seul slot. Hélas, cette fonction devient vraiment salvatrice lorsque le jeu crashe. Ce qui arrive aussi, malheureusement !
Une couille dans le portage
Secret of Mana est beau, très coloré, et fourmille de petits détails très sympas (buissons qui bougent avec le vent, rendu de l’eau…). Le jeu est évidemment plus beau que l’original. Et si vous en doutez encore, il suffit de jeter un coup d’œil à la mini-map (coin haut-droit de l’écran) pour s’en rendre compte, puisque cette carte s’affiche avec les graphismes de l’époque.
Le jeu est vraiment très chouette, mais n’est cependant pas représentatif de ce que peut proposer une machine de cette génération. On ne va pas se mentir : Secret of Mana est un joli jeu pour mobiles, mais ne laisse pas vraiment l’impression de tourner sur une PS4 ! Ses lacunes techniques auraient même, je pense, choqué sur une PS3…
Et voici sans doute le premier point noir du jeu : je dois avouer que, pour un remake sur PS4, on s’attendait à mieux. Illustration par l’exemple avec les scènes cinématiques qui viennent rythmer le récit. Une très bonne idée que ces séquences qui existaient déjà dans la version originale, mais qui étaient réalisées avec le moteur du jeu. Vous trouverez ici de vraies scènes cinématiques, avec des personnages en 3D ! Mais dont la réalisation peut parfois piquer : je passe sur l’aspect parfois trop polygonal de ces saynètes… En revanche, les persos qui parlent sans bouger les lèvres, ça peut surprendre !
Une IA contestable
Et ça continue pendant le jeu ! Vous remarquerez très vite un aliasing plus ou moins prononcé, et des végétaux marqués par un crénelage qui fait tache, dans cet environnement tellement dépaysant dans nos souvenirs ! Et que dire des collisions aberrantes ? Vos trois héros qui se rapprochent les uns des autres pour fusionner… Encore un défaut technique qui aurait pu être corrigé dans cette version 2018 !
Si je parlais plus haut des soucis d’IA de vos compagnons, les ennemis ne sont pas en reste ! Les hit-boxes des monstres ont certes été améliorées, mais pas leur intelligence ! Loin d’être des génies, ils ne vous opposeront aucune résistance pour peu que vous ayez suffisamment upgradé votre équipe. Dommage, car ce remake était l’occasion de corriger tout ça ! Mais ici, Square-Enix propose une aventure qui m’aura paru plus facile qu’à l’époque. Le fait de connaître le jeu par cœur, sans doute !
Et puis, il y a ces « améliorations » qui vont pourtant venir vous pénaliser ! Ici, je pense par exemple au champ d’action de vos ennemis qui se limitait autrefois à quatre directions. Aujourd’hui, ils peuvent aussi attaquer en diagonale. Ne comptez plus, dans cette version, vous mettre à l’abri de flèches en vous plaçant dans un angle mort ; vous êtes maintenant à découvert, quel que soit l’endroit où vous vous placez.
Remake versus original
Mais doit-on pour autant dire que le remake est raté ? J’avoue avoir un avis partagé sur cette question. Non, ce remaster n’est pas le plus beau que nous ayons pu voir, mais… Ce n’est pas non plus un laidron ! Les couleurs sont éclatantes, et vous allez enfin dire adieu à une pixélisation parfois très prononcée (les joies du Mode 7 de l’époque !). Et en toute objectivité, avec le recul, SoM souffrait déjà des défauts relevés plus haut.
J’ai pu lire, ici et là, des critiques portant sur l’aspect « enfantin » du jeu. Et je vous invite à replonger dans la version originale : Secret of Mana n’a jamais prétendu être un RPG réaliste ! La première version était déjà un « conte pour enfants » avec ses ennemis mignons, avec son univers très « dessin animé » … C’est justement ce qui fait son charme !
Il faut faire la distinction entre le fond et la forme. Le fond, lui, n’a quasiment pas changé, si ce n’est que la traduction, revue pour l’occasion, devient plus fidèle à l’œuvre originale (j’y reviens plus bas). Mais le plus malaisant concerne la forme. D’une part, on sent la bonne volonté des développeurs d’offrir un vrai remake de Secret of Mana… Mais la technique ne suit pas. La 3D est passée par là ; mais paradoxalement, le jeu conserve de gros défauts que nous pardonnions à l’époque. Un peu moins aujourd’hui.
Secret of Mana n’est pas un mauvais jeu, il est même bourré de bonnes intentions. Hélas, ce remaster n’a rien d’une « PS4isation » en bonne et due forme ; on pourrait même croire qu’il n’est qu’un portage de la version mobile… Sortie en 2010. On s’attendait à retrouver la magie de SoM, mais cette galette embarque malheureusement aussi les défauts et approximations de son modèle de référence.
Une traduction en VF, et des musiques réorchestrées
Bonne nouvelle, concernant la localisation du jeu ! Si les voix peuvent être réglées sur « Japonais » (pour les puristes du RPG), les textes sont entièrement traduits en Français. Cerise sur le gâteau, ils le sont dans une version moins déconnante que celle sortie sur Super-Nintendo en 1994 (voir l’explication ici). Les personnages retrouvent leurs noms d’origine (c’en est fini des noms francisés comme Jean, Tom, etc). Et le scénario retrouve au passage son propos plus mature, censuré à l’époque par Nintendo car il touchait un peu trop à la religion, à la mort, etc. Un très bon point pour cette nouvelle traduction, donc.
C’est d’autant plus appréciable que… Ceux qui ont découvert Secret of Mana grâce à la Super-Nintendo Classic Mini l’an passé, l’ont découvert en Anglais. Nintendo ne s’étant pas embêté à localiser sa SNES-Mini : version US pour tout le monde ! Un choix contestable lorsque l’on sait que la version française a existé, mais c’est un autre débat. Alors, une traduction potable en VF… Franchement, on ne va pas cracher dessus !
Rien de tel que les musiques originales
Comme les graphismes, les musiques d’Hiroki Kikuta ont aussi été rehaussées. Et comme pour les graphismes, parfois c’est pas mal, parfois ça l’est beaucoup moins. Encore une fois, nous aurions aimé des réorchestrations sublimant des morceaux qui étaient mythiques. Hélas, il faut reconnaître qu’hormis quelques plages, ça passe difficilement ! Et certaines envolées de synthé semblent, elles aussi sorties d’un autre âge, en deçà de l’oeuvre originale.
Et je dois vous avouer que le fan-nostalgique que je suis ne s’est pas posé la question très longtemps : pour mieux s’immerger dans cette aventure rétro, retour obligé sur les musiques originales, du début à la fin du jeu ! Pour cela, il suffit de passer par les options, et de changer la version des musiques (action possible à tout moment du jeu). Et ça, c’est une très bonne chose !
À qui s’adresse le jeu ?
C’est bien là la question la plus compliquée ! Pour exister, Secret of Mana doit trouver son public. Mais quel est-il ? La réponse n’est pas si évidente, et il va falloir chercher un peu ! Car il convient de rappeler que, si Secret of Mana a autant marché sur Super Nintendo, c’est aussi parce qu’à l’époque, les A-RPG n’étaient pas si fréquents ; ils l’étaient au Japon, mais étaient beaucoup plus rares en version PAL (Zelda III, Secret of Mana, Secret of Evermore, Illusion of Time, Soul Blazer…).
Replaçons nous maintenant dans notre époque. Et là, ça devient plus compliqué ! En effet, pour les plus jeunes, les machines actuelles fourmillent de bons A-RPG, souvent beaucoup plus beaux : Tales of Berseria, Ys VIII Lacrimosa of Dana… Et privés de l’affect pour SoM que peuvent nourrir ceux qui ont connu l’époque des consoles 16 bits, les plus jeunes risquent de passer leur chemin, se tournant vers des titres plus « modernes » !
Restent donc les plus anciens, ceux ayant connu le jeu original, qui le regarderont avec nostalgie. Ceux là même seront divisés en deux camps : ceux pour qui remasteriser Secret of Mana est une hérésie ; et ceux qui seront heureux de retrouver Mana en plus beau, pour retrouver les bons vieux souvenirs d’antan. Mais en prenant le risque d’être déçus…
Au final
Difficile de jeter la pierre à Square-Enix, tant l’initiative partait d’une bonne intention. Mais à trop vouloir respecter l’œuvre originale, le jeu conserve aussi ses travers d’antan (ergonomie, bugs), avec des nouveautés qui en deviennent anecdotiques : le vrai plus réside dans les traductions plus fidèles et dans les cut-scenes. Est-ce suffisant pour justifier l’achat du jeu ?
Car le fan possède encore sans doute la cartouche Super-Nintendo, ou a racheté le jeu sur Console virtuelle (voire sur mobiles). Et seule sa curiosité pourra le pousser à replonger dans cette aventure qui reste magnifique ! Restent donc les plus jeunes, qui n’ont qu’entendu parler de cette légende. Une belle occasion pour eux de découvrir Secret of Mana, à la seule condition de fermer les yeux sur sa technique limitée, et sur sa jouabilité restée dans son jus.
Ce remake de Secret of Mana reste donc une belle aventure, enfin portée sur consoles actuelles, à essayer si vous ne connaissez pas la licence. Hélas, ce portage trop approximatif n’est pas suffisamment armé pour porter la même aura légendaire que son aîné. Le A-RPG est désormais un genre beaucoup plus répandu que dans les années 90, et Secret of Mana risque de rapidement se noyer dans la masse, pour être vite oublié. Et c’est bien dommage…
Secret of Mana
- Par Square-Enix, sur PlayStation 4, PS-Vita et PC.
- Classification : PEGI 7.
- Prix : 39,99€.
Épée de légende :
- Le retour d’une légende du jeu vidéo
- Des graphismes mignons, tout colorés
- Grosse durée de vie
- Les musiques originales
- Un mieux pour les hit-boxes
- Une sauvegarde automatique
- Un bon équilibrage
- Multi à 3
- Textes en VF
- Traduction meilleure et plus fidèle à l’œuvre originale
- Voix japonaises
Épée rouillée :
- Graphismes très datés
- Nombreux bugs (aliasing, crénelage, collisions…)
- Quelques crashes du jeu
- Réorchestrations en dessous des musiques originales
- Animations lors des cinématiques
- Upgrade des magies laborieuse
- L’IA toujours aussi déconnante
- Les temps de chargement
- Pas de cross-buy, ni de cross-save
- Menus pas très ergonomiques