Si, dernièrement, les productions Nintendo nous ont habitués à des mondes mignons, colorés et bon-enfant, il est temps de changer de salle et d’ambiance ! Car la nouvelle itération de Nintendo nous emmène au Japon, sur les traces d’un détective qui doit résoudre une affaire de meurtre sordide. En ressuscitant une série oubliée de tous, Big N nous plonge dans un récit plus noir qu’à l’accoutumée… Prenez votre carnet de notes, ayez le cœur bien accroché, car il est temps de démasquer le meurtrier dans Emio : L’Homme au Sourire.
Une série de jeux qui est apparue… Dans les années 80 !
Le jeu dont nous parlons aujourd’hui est loin d’être issu d’une nouvelle franchise ! Bien au contraire, il est même le troisième épisode d’une série d’enquêtes « visual-novel » apparue dans les années 80, sur Famicom (la NES japonaise). Famicom Detective Club, ou Famicom Tantei Club en version originale, a connu plus précisément deux épisodes : The Missing Heir en 1988 et The Girl Who Stands Behind en 1989.
Le second aura même un remake sur Super-Famicom en 1998. Et le premier sera lui aussi porté sur une autre console, la GBA en 2004. Un troisième épisode sortira en 1997, BS Tantei Club: Yuki ni Kieta Kako, mais sur Satellaview, et il ne sortira pas du Japon. D’ailleurs, pour l’anecdote, la série lance un certain Yoshio Sakamoto, ici comme scénariste et directeur, qui deviendra entre autres le producteur des jeux Metroid.
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Vous ne le savez peut-être pas, mais en 2021, Nintendo a publié un remake des deux premiers jeux sur Switch, développé par le studio Mages. D’ailleurs, vous pouvez aussi vous procurer Famicom Detective Club: The Missing Heir & Famicom Detective Club: The Girl Who Stands Behind, au prix de 59,99€. Une façon sans doute, pour Nintendo, de tester le potentiel de cette série oubliée, auprès des joueurs actuels. Puisque comme on le découvrira plus tard, un autre projet était dans les tuyaux.
Et c’est ainsi que nous arrivons au 11 juillet 2024, date à laquelle Nintendo publie par surprise un mystérieux teaser, assez court, qui déchaîne les fans. Nouvelle licence d’horreur ? Et bien, non ! Pas exactement ! Et une semaine plus tard, le mystère est levé. Dans une nouvelle vidéo, c’est le producteur Yoshio Sakamoto qui prend la parole. Il explique alors que ce mystérieux Emio est en fait un nouvel épisode inédit de la saga Famicom Detective Club. Ça n’était pas arrivé depuis 35 ans.
Une vieille affaire qui refait surface ?
Emio : L’Homme au Sourire – Famicom Detective Club est un jeu que l’on rangera dans la catégorie des jeux d’aventure textuels. Avec un gameplay très proche d’une série que vous connaissez tous : Phoenix Wright : Ace Attorney. Une sorte de Visual-Novel dans lequel vous allez devoir interroger des témoins ou des sources proches de l’enquête, avec différentes interactions à votre disposition… Le jeu est découpé en chapitres. La structure narrative peut sembler aujourd’hui très linéaire, quand on connaît les évolutions qu’à connu le genre ces dernières années.
L’histoire débute lorsqu’un collégien est retrouvé assassiné. La tête recouverte d’un sac en papier sur lequel est dessiné un étrange visage souriant. Une mise en scène glaçante qui rappelle le mode opératoire du tueur d’une légende urbaine : Emio, l’Homme au sourire. C’est là que le joueur entre en scène, incarnant un jeune détective assistant, embauché par l’agence Utsugi (bien connue des fans de la licence). La Police vous sollicite pour l’aider à résoudre cet homicide. Un crime qui semble lié à une affaire de meurtres non élucidés d’il y a 18 ans. Le tueur en série est-il revenu ou s’agit-il d’un imitateur ? Ces crimes sont-ils inspirés de l’histoire de l’Homme au sourire ou en sont-ils à l’origine ?
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L’un des points forts de Emio – L’Homme au Sourire : Famicom Detective Club, c’est son écriture. Son histoire tout d’abord : derrière le fait-divers sordide, on découvre petit à petit un scénario avec des rebondissements, des bifurcations… Parfois, l’enquête piétine, s’engage dans une direction avant de changer de trajectoire suite à une découverte. Bien que le ton soit léger, il est plus grave et plus adulte que dans un Phoenix Wright, par exemple. Ici, on a quelques touches d’humour, mais pas de la caricature quasi-permanente comme chez Capcom. On aime aussi l’écriture des personnages, certains ayant un background tout en profondeur. Et au final, même la tête à claque de service vous touche ! Une fois plongé dans l’intrigue de Emio, elle nous obsède, et il devient impossible de décrocher !
La technique est très minimaliste, comme dans la plupart des jeux du genre : une image fixe en fond ; Des personnages animés (avec le minimum syndical de frames) au premier plan ; Des sous-titres en VF pour accompagner les voix en Japonais ; Des musiques assez génériques mais qui collent bien aux situations… C’est simple, mais diablement efficace ! On n’a pas besoin de plus. Et les quelques images de décor suffisent à nous faire voyager dans un Japon à la fois contemporain et rural. C’est aussi une force de Emio : L’Homme au Sourire : quand de nombreux titres techniquement très aboutis se bousculent en ce mois de septembre… Il nous démontre que l’on peut prendre beaucoup de plaisir avec un jeu moins impressionnant, mais qui va simplement à l’essentiel.
Une construction un peu trop rigide
Tout comme pour sa technique, la jouabilité d’Emio : L’Homme au Sourire est simpliste. Et ne va pas vraiment vous mettre en difficulté. Même si vous n’êtes pas un féru de jeux vidéo. Elle consiste en de simples lignes de commandes qui vont déclencher des actions : vous déplacer, interpeller ou appeler un personnage à proximité, l’interroger, examiner la scène, réfléchir (votre avatar vous suggère alors ce qu’il faut faire)…
Avec des actions plus ponctuelles comme téléphoner, ou interagir avec un objet à l’écran. Interroger un personnage ouvre plusieurs possibilités de dialogues et de thèmes, et il faudra parfois revenir plusieurs fois sur le même pour en apprendre davantage (avec parfois beaucoup d’allers-retours entre « interroger » et « réfléchir »). En fin de journée (et donc de chapitre), une fois rentré au bureau, vous faites le point, pour récapituler l’avancée de votre enquête, sous forme de questionnaire. Mais sans réel enjeu, puisque se tromper n’a aucune conséquence.
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On regrette parfois, et c’est là l’un des défauts du jeu, le manque de liberté dans certaines situations. Ou plutôt des commandes imposées, mais qui peuvent aller à l’encontre de la réflexion du joueur. Autrement dit, le jeu a sa propre logique et vous l’impose parfois de manière assez rigide. Quitte à nous laisser frustrés face à une situation où il nous aurait semblé pertinent de choisir une autre solution. De ce fait, le joueur aura souvent l’impression que l’assistant qu’il incarne est davantage un stagiaire d’observation de 3e plutôt qu’un apprenti détective…
De même, quand on parlait plus haut de « structure narrative très linéaire », comprenez que chaque action doit être réalisée dans un ordre très précis. Et pour que le jeu avance, vous devez suivre strictement cet ordre (mais si besoin, la commande « réfléchir » vous aide). Par ailleurs avec la commande interroger, on n’aurait pas non plus craché sur une indication des questions que l’on a déjà posées.
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D’autre part, le joueur est quand même très assisté ! Car outre la commande « réfléchir » qui vient vous repêcher dès que vous êtes perdu, votre avatar dispose aussi d’un carnet de notes. Dans celui-ci, la moindre information importante est notée. Chaque personnage clé (ou même secondaire) a sa fiche, et tout y est rapporté. Impossible donc d’oublier un élément de l’enquête puisque par ailleurs, chaque mot clé apparaît en orange dans les dialogues. Histoire de ne pas louper les éléments essentiels ! Et ces mêmes mots sont soulignés dans votre carnet de notes. Emio L’Homme au Sourire est donc un jeu où l’on tourne parfois en rond car on a oublié de faire un petit truc… Mais aussi un jeu où l’enquête ne nous bloque jamais. Il est pensé pour que le joueur puisse évoluer sans peine jusqu’à la fin.
Enfin, on parlera d’un défaut par principe récurrent dans les titres du genre : la faible rejouabilité. En effet, puisque l’intérêt du jeu repose sur VOTRE découverte de l’intrigue, une fois que vous aurez terminé l’histoire, il n’y aura plus de surprise. Vous pourrez toujours refaire le jeu pour le plaisir, mais avec un intérêt amoindri puisque vous connaissez déjà l’issue de l’enquête. Mais certains vous diront sans doute (et ce n’est pas faux) que l’important n’est pas la destination, mais le voyage…
Au final
Malgré ses petits défauts, Emio : L’Homme au Sourire est un bon jeu, que nous vous recommandons. Surtout si vous êtes fan de jeux d’enquêtes. Et que vous avez rincé les Phoenix Wright, Hotel Dusk : Room 215, Another Code… Alors, vous allez prendre un pied monumental sur Emio – L’Homme au Sourire : Famicom Detective Club. Une ambiance excellente, un jeu où vous allez chiller en faisant travailler votre matière grise, tout en voyageant dans un Japon à la fois contemporain et rural.
Seul bémol : le jeu veut tellement surfer sur la nostalgie d’une série vieille de plus de 35 ans que sa construction en devient assez datée. Plutôt rigide et surtout très linéaire. De plus, nous parlons d’un genre de niche. Donc qui ne parlera pas à tous les joueurs, contrairement au Japon où ce type de jeux est très populaire. Enfin, on a du mal à comprendre sa classification PEGI 18 : certes, on parle de meurtres, mais le propos reste vraiment soft, pas plus violent qu’un polar pour adolescents.
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Cependant, ce titre est typiquement de ceux qui méritent que vous vous y intéressiez, surtout si vous ne connaissez pas les visual-novels d’enquêtes ! C’est justement son côté atypique qui lui donne toute sa saveur. Avec une écriture toute gentillette au départ, mais qui s’oriente vers une conclusion plus sombre. Un suspense qui dure, des rebondissements qui vous font sans arrêt douter de tous les personnages, et une conclusion que vous ne verrez peut-être pas venir… Bref, le jeu a ses défauts, mais on a globalement aimé. Emio nous a vraiment donné le sourire !
Emio – L’Homme au Sourire : Famicom Detective Club
- Par : Mages, pour Nintendo
- Sur : en exclusivité sur Switch
- Genre : aventure/enquête
- Classification : PEGI 18
- Prix : 49,99€
- Conditions de test : terminé sur une version fournie par l’éditeur
- À savoir : une démo gratuite est disponible si vous souhaitez tester avant d’acheter.
Les points positifs
- Une ambiance vraiment géniale
- Une fois dans l’enquête, on ne peut plus en sortir
- Voix en japonais, sous-titres et interface entièrement en Français
- Visuellement, c’est vraiment joli
- L’écriture en général
- Le design du tueur
- La profondeur apportée à certains personnages
- Des fonctionnalités qui rendent la lecture agréable
- Durée de vie correcte pour un jeu du genre (entre 10 et 15 heures)
- La séquence post-game
- Les musiques assez génériques, mais bien dans le ton
Les points négatifs
- Rejouabilité : une fois le jeu fini, il n’y a plus trop de surprises
- Pas vraiment de challenge, on est même trèèèèès aidés
- Des interactions trop scriptées, et pas toujours logiques
- La structure narrative très linéaire : c’est du visual-novel à l’ancienne