S’il est un jeu que nous attendions avec impatience, c’est bien Devil May Cry 5, dernier né de chez Capcom. Après 11 ans de suppliques des fans, depuis le dernier épisode canonique, Hideaki Itsuno remet (enfin) le couvert ! Au menu, un beat’em all bien typé arcade, « à l’ancienne » mais avec une technique très contemporaine. L’heure est au test, et comme dirait Dante : Let’s rock, baby !

Des zombies et des démons

Décidément, cette année 2019 démarre fort du coté de chez Capcom, qui nous sert coup sur coup deux de ses licences fortes : après le remake HD de Resident Evil 2 fin janvier, ce début mars est marqué par le grand retour (que l’on n’attendait plus) des célèbres chasseurs de démons de Devil May Cry !

Et c’est assez drôle, justement, de se dire que, lorsque le premier Devil May Cry a été couché sur le papier (en 1998), il avait été pensé pour être un Resident Evil. Mais, s’éloignant justement un peu trop de l’esprit de la série horrifique (notamment parce qu’il était trop orienté action), il va prendre un tout autre chemin. L’idée est loin d’être mauvaise, alors elle ne sera pas abandonnée… Mais fera l’objet d’une nouvelle licence chez Capcom ! Devil May Cry était né, en 2001 !

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En quatre épisodes à peine, la série a su installer sa mythologie. Autour de son personnage central, Dante, mais aussi autour de ses créatures, et de ses features (Trish, Virgil, Nero…). Jusqu’à un DMC (2013) plus controversé, explorant l’adolescence de Dante. Capcom voulait du changement, les fans y ont vu un trop grand bouleversement.

Aujourd’hui, avec DMC5, on revient au sources, et l’histoire retrouve sa timeline. Dante est plus vieux, il a de nouveaux amis et… L’agence Devil May Cry est toujours spécialisée dans le nettoyage de démons. Et ça tombe bien : il y a justement quelques arrière-trains à botter dans la ville de Red Grave ! Premier bon point : au lancement du jeu (et contrairement à Rezdent Iveul Tou), Capcom ne prive pas nos oreilles, cette fois, de l’incontournable « Déveul may cwaille » ! On se sent comme à la maison ! (Oui, c’est un détail, et alors ?)

Nos amies les plantes

Dès les premiers instants de jeu, cela ne vous échappera pas : la tondeuse n’a pas été passée à Red Grave depuis un moment ! Le mal arrive cette fois par un arbre gigantesque se nourrissant du sang des humains, le Qliphoth, apparu au coeur de la ville. Et le jeu débute alors que votre trio pénètre dans cette « villa de vacances » du roi-démon Urizen, à mi-chemin entre délire organique et règne végétal crado… Afin de casser des bouches de démons. Forcément, « ça tourne mal » comme le disent les bons gros titres putaclics…

Le prologue étant passé, place au jeu, aux commandes de Nero. Devil May Cry 4 étant sorti en 2008 (et étant passé à coté de DMC Devil May Cry en 2013), j’avoue avoir un peu perdu le fil de la série, malgré le récent remake HD des trois premiers volets (lire le test ici). Fort heureusement, le menu d’accueil vous propose un onglet qui va vous permettre de réviser les bases. Vous ne serez donc pas totalement largués. De plus, le jeu reste jouable sans connaître la série (vous passerez juste à coté de références… Oui, il y a du fan-service, aussi).

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Mais revenons au scénario du jeu, qui va hélas nous offrir le premier point noir du jeu. Les 20 niveaux proposés jouent avec la timeline, proposant de nombreux allez-et-retours sur la ligne temporelle, en basculant d’un personnage à l’autre. De ce fait, d’une part, le joueur qui n’est pas habitué aux subtilités de la série pourra perdre pied. Ensuite, ce choix a aussi pour effet de casser le rythme narratif, ou plutôt de trop morceler le jeu. Ceci dit, l’histoire vous réserve quelques chouettes twists, qui devraient ravir les fans…

Un trio de héros

Le jeu va vous proposer d’incarner tour à tour trois personnages, aux skills bien distincts. Le personnage principal n’est autre que Nero (c’est dingue ce qu’il me fait penser à Jack Frost, du film d’animation Les Cinq Légendes). Privé de son bras droit, c’est lui qui va user et abuser des prothèses inventées par Nico : les Devil Breakers !

Second membre du trio, le petit nouveau et mystérieux V (mais on a tous reconnu Kylo-Ren), un frêle gothique qui se déplace sur un nuage noir, chaussé de sandales. Armé d’une canne, celui-ci se bat à distance… En invoquant des créatures qui se battent à sa place. Un aigle (Griffon), une panthère noire (Shadow), et un golem ravageur (Nightmare).

Enfin, on ne pouvait évidemment pas se passer de Dante (par pitié, prononcez Dane-té, ça nous évitera quelques jeux de mots foireux ^^), emblématique héros de la série. Il a visiblement mangé quelques années (et quelques rides) dans la figure. Mais le fils de Sparda reste toujours aussi pêchu… Avec sa faculté de devenir lui-même un démon, capable de faire des ravages dans les lignes adverses. Sans doute le personnage le plus technique de cet opus, ce qui explique pourquoi il n’est jouable que tard dans le jeu…

Le bras m’en tombe !

Comme expliqué par ailleurs, Nero a perdu son bras (dans des conditions que je vous laisse découvrir). Aussi, la sympathique et tatouée Nico lui a bricolé des Devil Breakers qui se déclinent en plusieurs versions. Notez d’ailleurs que la version Deluxe (testée ici) apporte quelques nouvelles armes, comme un bras fabriqué avec des louches à spaghetti et une fourchette (oui oui), ou le puissant blaster de Mega-Man.

Avant de débuter le niveau, vous devez choisir un nombre défini de bras mécaniques ! Ils ne sont donc pas illimités. Heureusement, certains sont aussi à ramasser dans les niveaux, histoire de ne pas finir non plus complètement à poil. Et pendant les combats, vous pourrez à chaque instant briser votre prothèse (break away), pour passer à la suivante. Une fonction très utile pour vous défaire d’une chope puissante, ou tout simplement pour passer à une arme plus adaptée à la situation.

Avant d’attaquer chaque niveau avec Nero, vous devrez passer par une page de customisation, afin d’upgrader votre équipement, ou d’acheter de nouveaux Devil Breakers. Puis, vous devrez affecter ceux-ci aux slots disponibles, comme on l’a vu plus haut : de trois au départ, vous pourrez en acheter de nouveaux contre des orbes, histoire de démarrer avec un max de rechange…

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Chaque Devil Breaker dispose, en plus d’un grappin pour choper les ennemis (wire snatch), de techniques qui lui sont propres, mais aussi de spéciaux eux aussi spécifiques à chaque arme (attention, ils tapent dans la jauge dédiée). Enchaînés avec les coups de base, il offrent aussi des combos visuellement spectaculaires. Ainsi, le gameplay avec Nero est en constante évolution, et capacités à débloquer aidant, on a en permanence l’impression de découvrir le personnage.

V se joue complètement différemment ! Le sosie de Ben Solo se bat à distance, en envoyant ses « familiers » au charbon pendant qu’il bouquine tranquillement son livre préféré. Avec ce personnage au final très classe, vous allez donc devoir apprendre à surveiller l’état de ces « invocations » qui ne sont pas immortelles. Et une fois encore, quand la jauge consacrée est pleine, V peut invoquer Nightmare, un colossal démon qui déboîte tout ce qui passe à sa portée.

Est-il nécessaire de revenir sur Dante ? Le troisième personnage jouable retrouve ses bonnes habitudes, entre combos à l’épée et aux guns… Et un spécial qui le change lui-même en démon puissant. Comme je l’ai dit plus haut, si vous vous penchez sur l’arbre de compétences de chaque perso, Dante demeure le plus technique à jouer, et va donc vous demander un minimum de maîtrise.

Un gameplay nerveux, au rythme soutenu

Ce Devil May Cry 5 reste un DMC ! Autrement dit, il s’inscrit dans la veine de ses prédécesseurs, soit un jeu d’action 3D mâtiné de mécaniques de beat’em all à l’ancienne… Avec un rythme soutenu, qui fait la part belle à l’action, et au défouraillage industriel de monstres et autres démons. On ne va pas tourner autour du pot : le gameplay de Devil May Cry 5 est grisant, pour ne pas dire jouissif ! Il est peut-être même le plus dynamique de la série (mais je laisse à chacun le soin de juger). Et une fois lancé, on ne s’arrête plus, ivre de ce sentiment de surpuissance procuré par nos armes et nos skills. C’est simple : j’ai l’impression qu’à chaque fois que je fais un arrêt sur image, mon personnage est en train de transformer un démon en chili con carne.

Avec son système de note à la fin de chaque niveau, le jeu a été très clairement pensé pour les amateurs de scoring. Mieux : pendant les combats, une notre s’affiche, et vous la voyez évoluer en direct, en fonction de vos combos et de vos actions… Vous pouvez ainsi faire évoluer vos techniques afin de viser la note suprême SSS à la fin du combat. Mais ce sont deux choses distinctes, car c’est la somme de toutes vos notes qui détermine, entre autres, votre classement final en fin de niveau.

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Lorsque vous évoluez dans un niveau, avec parfois quelques puzzles pas vraiment compliqués, votre exploration est rythmée par de nombreux combats. Un périmètre se boucle alors, et vous devrez éliminer tous les ennemis pour desceller la zone, et poursuivre votre chemin. Les habitués de la série voient de quoi je veux parler. De même, ils ne seront pas surpris de devoir collecter de multiples orbes rouges, verts et bleus pour optimiser leurs capacités.

Très tôt dans le jeu, vous allez débloquer les cabines téléphoniques, qui vous permettent de vous transformer en Superman d’appeler Nico et son van. C’est ici que vous allez pouvoir dépenser vos orbes pour upgrader votre héros, en pleine partie.

Une chouette direction artistique !

Pas grand chose à dire concernant la direction artistique ! Le moteur RE Engine fait des merveilles ! C’est chouette, très agréable à regarder. Le jeu tourne magnifiquement en 60 FPS, avec fluidité, et le level-design est un mélange de monde urbain post-apo et d’organique crado, qui nous replongent dans l’univers de la série. Bien que l’on soit loin des architectures gothiques « castlevaniesques » des débuts de la série. Le principal bémol pour ce point viendra après quelques heures de jeu, avec des niveaux qui finissent par se ressembler, voire des passages dans des endroits déjà vus… La DA perd en originalité au fil de votre évolution, peu après la moitié du jeu.

Le chara-design est lui aussi efficace, tant pour ses personnages principaux que pour ses monstres. Les héros sont charismatiques, pètent la classe, et leurs animations sont top… Et les ennemis ont été savoureusement pensés, pour être à la fois dégueus et jolis à regarder. Tantôt répugnants, tantôt gigantesques, ils inspirent un certain respect tant le boulot artistique se ressent. Presque autant que l’influence d’un certain Dark Souls, que les développeurs ne pourront pas nier… Cependant, nouveau bémol : oui, le design des ennemis est top ! En revanche, on regrettera un manque évident de variété, avec pas mal de recyclage et des monstres, dans la seconde moitié du jeu, qui ne sont en fait que des versions légèrement modifiées d’adversaires déjà croisés auparavant.

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La mise en scène est excellente, avec des cut-scenes qui nous donneraient l’impression d’être dans un très bon film d’action. Cependant, bien qu’elles s’intègrent joliment dans l’histoire, ces cinématiques un poil trop nombreuses viennent à leur tour, comme le découpage de la timeline, casser le rythme du jeu. Elles arrivent en effet alors que vous n’avez pas eu le temps de redescendre d’une action soutenue, et que vous auriez encore voulu en découdre…

Pour la réalisation, deux gros points noirs pourront faire tiquer, à mon sens. Premièrement, la caméra a parfois tendance à péter un câble, et à partir sur des angles de vue qui ne vont pas vraiment vous avantager. Enfin, le lock a lui aussi quelques ratés, avec quelques verrouillages d’ennemis un peu laborieux.

Enfin, la musique reste dans la veine de DMC, avec du bon gros son électro-rock qui envoie du lourd dans les haut-parleurs de votre TV. Avec notamment un survolté Devil Trigger (Casey et Ali Edwards) en tête d’affiche de l’OST du jeu (que vous pouvez retrouver sur Spotify ici)… Notez cependant que les musiques sont modifiables, et la version Deluxe testée ici nous a aussi permis de jouer avec les musiques des précédents épisodes de Devil May Cry. Enfin, les voix sont aussi paramétrables, en Anglais ou en Japonais.

Trop de modération tue l’esprit DMC

S’il y a un terme qui me vient à l’esprit, lorsque je pense à ce Devil May Cry 5, c’est Modération ! Car elle se ressent, et paradoxalement, elle nuit à l’esprit du jeu. Ce qui fait l’ADN d’un bon Devil May Cry, c’est justement sa folie, son insolence… Et ses délires franchement assumés… Que l’on cherche parfois dans cet épisode qui n’est pas dépourvu de bonnes vannes, mais reste trop sage ou trop académique. Un peu comme si l’on passait de l’humour de Deadpool à celui des Avengers

Et paradoxalement, le personnage qui va nous plonger dans l’esprit DMC n’est pas jouable ! Oui, c’est étrange ! Mais le personnage qui envoie les punchlines les plus mémorables, qui brille par son irrévérence… N’est autre que Nico, l’assistante qui vous attend sagement dans son truck. Mon personnage préféré dans le jeu, qui à mon sens est le plus raccord avec l’esprit de la série. Les autres ont cependant le sens de la répartie, mais paraissent bien trop sages face au fougueux Dante du premier DMC.

Dernier point pour refermer ce chapitre : si vous surfez sur la toile, vous avez sans doute pu lire que la version européenne du jeu a été censurée. Sans vous spoiler le jeu, on y trouve une scène où vous verrez, dans la version japonaise, une paire de fesses qui n’ont pas vraiment de quoi choquer… Mais qui sont masquées dans la version euro par un effet flare bien placé…

  • (MaJ. – Précision : Capcom nous précise que ces modifications par rapport à la nudité ne seraient pas de son fait… Et que la séquence n’a d’ailleurs pas été retouchée sur Xbox One, y compris en Europe).

Le jeu a t-il été soumis à des normes européennes qui vous rappellent à chaque instant ce qui est bien et ce qui est mal ? On pourrait presque le croire, au regard de la scène d’intro du jeu, pendant laquelle Nico se grille une clope… Mais où le soft, tel un cheveu sur la soupe, se sent obligé de vous rappeler qu’il ne vous incite aucunement à fumer… Sans blague !

Au final

Étrangement, le jeu peut être divisé en deux parties bien distinctes. Dans la première, on découvre, on admire, on se laisse porter par le rythme très soutenu de l’action. Avec un grand sourire aux lèvres. Puis, dans la seconde moitié, une certaine forme de redondance s’installe. Les actions sont toujours les mêmes, idem pour les décors qui se répètent… À se demander s’il ne s’agit pas là de la marque de fabrique de Capcom, après un Resident Evil 2 HD flippant dans sa première moitié… Beaucoup moins dans la seconde (comme RE7 d’ailleurs).

Un jeu excellent, mais pas le titre inoubliable que l’on attendait. La faute sans doute à la modération dont il fait étrangement preuve tout au long de l’aventure, mais pas que dans son humour… DMC5 est un titre qui, en voulant bien faire, s’impose malgré lui des contraintes

Il n’empêche que Devil May Cry 5 est un excellent jeu d’action, pensé pour les scoreurs et pour les marathoniens du combo. Et malgré les reproches qu’on pourra lui faire, il est terriblement fun. La seule chose que l’on en retiendra sera sans aucun doute le pied que l’on a pris, manette en main.


Devil May Cry 5

  • par Capcom.
  • Sur PS4, Xbox One et PC (Steam).
  • Genre : Action/Beat’em All.
  • Classification : PEGI 18.
  • Prix : 59,99€ pour la version standard, 69,99€ pour la Deluxe.
  • Site officiel.

 

Points positifs :

  • Techniquement, c’est super-joli
  • Des combats hyper-nerveux : on s’éclate !
  • Un trio vraiment varié
  • Une aventure dantesque
  • Un gameplay qui se complexifie avec le temps
  • La bande-son electro-metal nerveuse
  • Le jeu est très fluide
  • La mise en scène
  • Le chara-design
  • Le paradis des scoreurs
  • Le personnage de V

Points négatifs :

  • Des niveaux qui se répètent à la longue
  • Trop « sage » pour un DMC
  • Le lock qui part parfois en couille
  • Quelques monstres recyclés
  • La caméra pas toujours bien pensée
  • Découpage de la timeline et cinématiques cassent un peu le rythme soutenu du jeu
  • Sur consoles, abonnement nécessaire (PS+ ou Xbox Live) pour le multi-online
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