Les dernières annonces de XBox, et de Phil Spencer, vont marquer un tournant dans l’industrie du jeu vidéo. La marque verte vient de dévoiler sa nouvelle stratégie concernant le gaming… Et on est loin du discours entendu depuis des décennies. Voilà pourquoi.
XBox, un constructeur offensif et plein de répartie
Quand on pense à XBox, et à ses rapports avec la concurrence, on pense irrésistiblement à cette lutte à couteaux tirés avec PlayStation. Qui nous a valu quelques punchlines sublimes par le passé (on vous en parle ici : Quand les marques de jeux vidéo se trollent ou se clashent…).
On pense aussi à une marque XBox plutôt offensive, qui n’hésitait pas à sortir de gigantesques chèques pour racheter des studios ultra-populaires. En vrac, on citera Rare (Donkey Kong Country, Banjo & Kazooie…) en 2002 pour 375 millions de dollars ; Mojang (Minecraft) pour 2,5 milliards de dollars en 2014 ; ZeniMax/Bethesda (Doom, The Elder Scrolls, Fallout…) pour 8,1 milliards en 2021… Ou plus récemment Activision Blizzard King (Overwatch, Call of Duty, Candycrush…) contre le montant spectaculaire de 68,7 milliards de dollars en 2022 ! À titre de comparaison, ce dernier rachat représente un montant plus important, par exemple, que le PIB (produit intérieur brut) du Luxembourg, du Danemark, de l’Islande ou du Bostwana.
Tous ces rachats, et en particulier le dernier, ont pu faire craindre à l’industrie vidéoludique que Microsoft ne se réserve les exclusivités des catalogues respectifs de ces studios. En réalité, il n’en est rien. Et la marque américaine avait alors promis qu’elle ne parlerait que d’exclusivité temporaire dans le pire des cas. Se réservant l’exclusivité totale uniquement sur ses licences « maison » comme Halo ou Forza.
Capitaliser sur le Cloud

Début 2020, le très médiatique Phil Spencer, patron de la branche gaming chez Microsoft, déclarait :
« Ce n’est pas pour manquer de respect à Nintendo et Sony, mais les entreprises de jeux vidéo traditionnelles sont un peu hors course. Je suppose qu’elles peuvent essayer de recréer Azure (NDLR : une plateforme de cloud computing développée par Microsoft), mais nous avons investi des dizaines de milliards de dollars dans le cloud au fil des années. »
Phil Spencer
Autrement dit, il dévoilait que Microsoft allait capitaliser sur le Cloud Gaming et sur son GamePass. L’objectif ? Viser non plus les centaines de millions de joueurs sur consoles… Mais les plus de 7 milliards de joueurs via le cloud.
Était-ce une bonne vision des choses ? XBox s’est-elle trompée ? Pour avoir des premières pistes d’analyse, il suffit de se projeter cinq ans plus tard, le 18 février 2025 ! À ce jour, ont été vendues dans le monde (estimations) :
- Plus de 150 millions de Nintendo Switch
- Environ 72,31 millions de PlayStation 5
- Un peu plus de 30 millions de XBox Series
Le nombre de XBox Series est très approximatif. Tout simplement parce que Microsoft ne communique pas ses chiffres. Alors, on se fie à l’estimation du site de référence VGChartz, qui estime que les ventes atteignaient 31,21 millions d’unités en novembre 2024.
De même, concernant le Xbox Game Pass, les dernières données communiquées par Microsoft datent du début 2024, avec un chiffre de 34 millions d’abonnés. Parmi eux, 70 à 80 % seraient abonnés à l’offre Ultimate, qui inclut le cloud gaming.
2025 : la fin des exclusivités ?

Depuis ce début d’année 2025, le ton a changé du côté de chez XBox. La marque ne s’affiche désormais plus dans la « guerre des consoles » ! Et les dernières prises de parole de Phil Spencer laissent, au contraire, comprendre que XBox est prête à collaborer avec d’anciens concurrents qui pourraient aujourd’hui devenir des partenaires.
► Lire en complément : Pour Phil Spencer (XBox), la Switch 2 va être un énorme succès
Et on a pu le voir dernièrement, avec des annonces du patron de XBox Gaming, qui confirment la fin des exclusivités XBox. Indiana Jones et le Cercle Ancien ou Forza Horizon 5 arrivent sur PS5 au printemps, Minecraft est multi-support depuis longtemps… Et les joueurs Switch peuvent jouer à Ori & the Blind Forest ou Cuphead.
Et si Phil Spencer se disait, dernièrement, emballé par la Switch 2 de Nintendo, avec qui il espère collaborer (lire le lien ci-dessus)… Il a enfoncé le clou il y a quelques jours. Notamment en revoyant sa position sur de nombreux aspects, et récentes déclarations.
« Je n’essaie plus de les faire venir sur XBox (les joueurs Nintendo et Sony) »
En 2023, lors du rachat d’Activision, il confiait à la FTC (Federal Trade Commission) être ennuyé de voir que chaque jeu XBox porté sur PlayStation rapportait 30% de ses revenus à Sony. Avis qu’il reconsidère aujourd’hui, comme il le démontre dans une interview accordée à XboxEra il y a quelques jours (vidéo ci-dessous) :
« Ce n’est peut-être pas ce que j’aurais dû dire. Il est important d’investir dans notre propre plateforme. Mais il y a des gens qui préfèrent PlayStation ou Nintendo, qu’il s’agisse de leur bibliothèque de jeux, ou de leur manette. […] Je n’essaie plus de les faire venir sur Xbox, ils se sont tous tellement investis sur leur plateforme, où se trouvent déjà nos jeux. Permettons simplement à plus de gens de jouer. Les 70% (de bénéfices) que nous réalisons sur les jeux d’autres plateformes nous aident à construire un catalogue solide. Comme nous l’avons montré lors du Dev Direct. J’espère que cela continuera à se voir pendant le reste de l’année »
Phil Spencer, dans une interview accordée à XBoxEra
Dans l’interview, l’homme indique aussi vouloir plus de transparence dans l’annonce des jeux. En indiquant par exemple qu’il souhaite que Microsoft ne cache plus les mentions de PS5 et Switch/Switch 2 dans les annonces de jeux, lorsque ceux-ci sont destinés à sortir sur ces supports.
On retient donc deux choses de cette intervention ! Premièrement, Phil Spencer nous apprend que sortir ses jeux sur d’autres supports, malgré les 30% de royalties à verser à Sony ou Nintendo, est désormais plus rentable que de se contenter d’exclusivités. Ces bénéfices permettant à la marque de se constituer un beau portefeuille.
Deuxièmement, le patron de XBox Game Studios reste positif concernant l’avenir de la marque. XBox ne baisse pas les bras, n’abandonne pas le jeu vidéo… Et Phil Spencer promet encore quelques belles annonces d’ici la fin de l’année… Et on devine que d’autres jeux XBox sont destinés à arriver chez Nintendo et Sony…
Aveu d’échec, ou preuve de maturité ?
Fin annoncée de XBox ? Ou de ses consoles ? Certains verront en effet un aveu d’échec dans les propos tenus par Phil Spencer. XBox a tenté de s’imposer, quitte à dépenser des sommes colossales dans l’acquisition de studios, afin de développer des exclusivités… Mais n’y est pas parvenu ! La firme de Redmond est aujourd’hui la 3e force du plateau… Loin derrière ses concurrentes…
Pour d’autres, ces déclarations peuvent aussi être interprétées comme un signe de maturité, d’ouverture ou de clairvoyance. Dans une industrie qui évolue en permanence, on peut en effet s’interroger sur la pertinence des exclusivités. Et pour ceux qui craignent de voir la fin des consoles XBox, rassurez-vous : Phil Spencer confirme aussi que la prochaine génération de consoles est déjà en route, et a été validée…
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Le constat est donc qu’aujourd’hui, XBox change son fusil d’épaule. Et par la même occasion, bouleverse les habitudes ancrées depuis des décennies concernant les jeux exclusifs à une marque. L’objectif de XBox est donc de gagner en visibilité, en proposant ses licences fortes aux joueurs qui n’utilisent pas les mêmes écosystèmes. Ce qui ne signifie aucunement que Microsoft ne se gardera pas quelques exclusivités majeures, temporaires ou non. Comme par exemple Everwild ou State of Decay 3.
Très clairement, Microsoft semble faire le choix de l’inclusivité, en permettant notamment à un maximum de joueurs de profiter de ses titres. Et ceci quel que soit leur support de prédilection. Et il apparaît aujourd’hui évident que la stratégie de XBox semble s’orienter davantage vers l’expansion de son offre de services tels que le Game Pass et le cloud gaming. Une approche qui pourrait redéfinir les règles du jeu dans l’industrie vidéoludique.