Iljoszt
Tout d’abord, pour les deux ou trois du fond qui ne connaîtraient pas ce hit planétaire, rappelons le principe de Tetris : le but du jeu est d’empiler des formes géométriques, composées de quatre carrés (et assimilables aux lettres I, L, J, O, S, Z et T) de façon à former des lignes (qui s’éliminent alors). Les pièces tombent du haut de l’écran, et il n’est possible que d’effectuer une rotation, ou encore de les déplacer sur les cotés.
Le principe est simple, et d’ailleurs, comme le disait si bien le journaliste Bill Kunkel, cité par Daniel Ichbiah dans son livre Bâtisseurs de rêves (également nommé La saga des jeux vidéo), « Tetris répond parfaitement à la définition du meilleur en matière de jeu : une minute pour l’apprendre, une vie entière pour le maîtriser ».
Made in URSS
Alors que les jeux vidéo sont très souvent associés au Japon, c’est bel et bien en ex-URSS que ce puzzle-game a vu le jour, en 1985. Il est le fruit d’un certain Alexei Pajitnov, diplômé de l’Académie des sciences de l’URSS, puis chercheur en reconnaissance de la parole.
C’est en essayant de reproduire son jeu préféré, le Pentomino, que Pajitnov conçoit un jeu aux effets diaboliques : parmi ses collègues de boulot, puis à travers toute la communauté scientifique soviétique, quiconque s’essaye à Tetris en devient irrésistiblement accro !
Pour Pajitnov, reste maintenant à diffuser son bébé. Il essaye de le porter sur le nouveau support IBM-PC, mais il n’est pas évident de convaincre une hiérarchie scientifique russe pas forcément très ouverte en ces temps qui annoncent pourtant la fin de la Guerre Froide. Pajitnov réussit toutefois à convaincre son supérieur, Viktor Brjabrin : le jeu sera commercialisé, mais en échange, Pajitnov cède ses droits à l’Académie de sciences (boulette !).Brjabrin a le bras long, et parmi ses contacts, il y a une certaine société hongroise, Novotrade, qui distribuera le jeu en Pologne et en Hongrie. Le logiciel tombe entre les mains d’un certain Robert Stein, anglo-hongrois, qui va se charger d’établir le contact entre Pajitnov-Brjabrin et la société Andromeda-software.
Question de droits
Par le biais de l’éditeur Mirrorsoft, Tetris sort en 1987 en Europe et aux States sur plateforme Sinclair ZX-Spectrum. Mais voilà : entre Pajitnov-Brjabrin et Mirrorsoft, c’est un simple fax qui fait office de contrat (moral) et l’éditeur acquiert les droits du jeu pour dix ans.
Manque de chance, c’est justement à cette période que Tetris va devenir le succès planétaire que l’on connaît. Le pauvre Alexei ne touchera pas un kopek… « Le fait que tant de gens apprécient mon jeu me suffit amplement », déclarera t-il, non sans (on s’en doute) une certaine amertume.
Légende urbaine
J’ai lu beaucoup de choses sur l’histoire de Pajitnov, y compris que le pauvre homme serait mort seul, pauvre, et sans même une GameBoy pour péter les scores sur son propre jeu…
Mouais, et bien sachez quand même qu’en 1991, Pajitnov a émigré aux États-Unis. Il a récupéré ses droits d’auteur en 1996, et avec tous ces beaux dollars, il a fondé la Tetris Company. Happy end ! Tululutt… tululutt… tululutt… (bein quoi, z’avez pas vu Wayne’s world ?)
Chez Nintendo
Au cours de son histoire, le jeu sera décliné en de très nombreuses versions, quasiment sur toutes les plate-formes. A la fin des années 80, la situation juridique est très complexe, car différentes sociétés (dont Atari, Sega ou l’organisme russe ELORG) se partagent les droits du jeu, sur Arcade et sur PC. Pas facile pour Nintendo, qui veut absolument Tetris sur sa NES (1988), puis sur la Gameboy en 1989… A qui racheter les droits ? Pas évident tant il y a d’acteurs…
Mais après de très longues négociations, l’éditeur parvient à récupérer Tetris. La version NES sera une version remise au goût de Nintendo : les musiques et les levels sont conservés, mais la scène de fin montre Mario, Donkey Kong et consors en train de danser sur fond de Place Rouge. Ce sera un succès, le jeu s’écoulera à près de 6 millions d’unités (contre plus de 30 millions pour la version Gameboy).
Enfin, pour terminer, il est incroyable de voir que 20 ans après sa sortie, le jeu suscite toujours autant d’engouement. A ce jour, il a été porté sur quasiment toutes les consoles, tous les supports sans exceptions (certains ont même, il y a quelques années, acheté la GameBoy première du nom uniquement pour ce jeu).
Encore aujourd’hui, il cartonne sur DS et est même le jeu le plus téléchargé sur Ipod.