Je pense que vous connaissez désormais ma passion pour la série Yakuza (Ryu ga Gotoku), totalement sous-cotée en Europe. Il y a deux ans, nous découvrions un spin-off de la série, Judgment ! Pour notre plus grand plaisir, le détective Tak Yagami est de retour pour élucider une nouvelle affaire, dans Lost Judgment ! Et il est temps de vous confier mon ressenti sur ce nouveau jeu de Sega, avec ce nouveau test !

Ne parlons plus de spin-off !!

Oui je sais ! Lorsque Judgment est sorti il y a maintenant deux ans (lire aussi notre test ici), de part sa filiation avec le studio de développement Ryu ga Gotoku (RGG pour les intimes), tout le monde a pris l’habitude de dire que ce polar vidéoludique est un spin-off de Yakuza. Mêmes lieux (le quartier de Kamurocho), personnages communs… Il n’en fallait pas plus pour faire le lien !

Mais si certains persistent dans cette idée, j’ai comme une envie de vous faire perdre cette habitude. Encore plus après avoir terminé le jeu : Lost Judgment n’a plus rien d’un spin-off. Avec son identité, sa mythologie, ses modes de jeu… Il est devenu une licence à part entière. La seconde licence forte des papas de Yakuza. Et c’est justement ce que je souhaite vous démontrer avec ce test.

► LIRE AUSSI : Kamurocho : ce quartier dont vous êtes le héros !

Pour vous résumer le contexte, contrairement aux jeux Yakuza qui vous entraînent dans le monde de la mafia japonaise… Lost Judgment vous met dans les sneakers d’un ex-avocat devenu détective privé. Pour tenir ce rôle, le chanteur, danseur, acteur et ex-membre de boys-band Takuya Kimura retrouve le perfecto de son avatar virtuel, Takayumi Yagami, que ses amis ont pris l’habitude d’appeler Tak !

Entre Judgment et Lost Judgment, il y a eu Yakuza : Like a Dragon (Yakuza 7). Alors forcément, cela va se ressentir en jeu. La première influence est bien évidemment la map de Yokohama, qui vous ouvre de nouveaux horizons, et où va se dérouler plus de la moitié du jeu. En revanche, RGG Team revient au gameplay des Yakuza classiques, centrés sur l’action : exit le tour par tour et la dimension J-RPG de Yakuza 7.

Un crime sordide et… Nébuleux

Quand Akihiro Ehara, un policier, comparaît devant le tribunal de Tokyo pour une histoire d’agression sexuelle dont il est accusé, dans un train bondé… Il surprend la Cour : « Il y a trois jours, un corps a dû être retrouvé dans un bâtiment abandonné de Yokohama. Avez-vous réussi à l’identifier ? » demande-t-il, semant la confusion dans la salle d’audience. En effet, la Police vient de découvrir le corps d’un homme ligoté, en état avancé de décomposition, dans un bâtiment abandonné, à Isezaki ijincho, le quartier de Yokohama découvert dans Yakuza Like a Dragon.

Il est le suspect idéal, car il est le seul à avoir connaissance du meurtre, ainsi que l’endroit où le corps a été abandonné. Oui mais… C’est justement à l’heure présumée du crime qu’il agressait une jeune femme. Le suspect numéro 1 a donc aussi un alibi en béton armé. L’affaire n’est pas simple pour son avocate, Saori Shirosaki, l’amie de Takayuki, du cabinet Genda.

► LIRE AUSSI NOTRE TEST : Yakuza : Like a Dragon, un passage de flambeau réussi et décoiffant

Takayuki et son partenaire, l’ex-yakuza Kaito, partent pour Yokohama, pour une toute autre affaire. Ils ont été appelés en renfort par Sugiura et Tsukomo (l’acrobate masqué et le hacker de Judgment), qui ont monté leur propre agence de détectives privés à Ijincho, Yokohama 99. Tous les quatre partent enquêter au lycée Seiryo, embauchés par son proviseur, pour lever le mystère sur une affaire de harcèlement scolaire.

Mais très vite, le lien se fait entre les incidents du lycée Seiryo et le meurtre sordide qui a défrayé la chronique quelques jours plus tôt. Des liens qui impliquent aussi beaucoup de monde : des ex-yakuzas qui ont reformé un gang (les RK), et beaucoup plus encore… La simple affaire de meurtre s’avère être beaucoup plus tentaculaire qu’on ne le pense. Et le seul capable de faire la lumière et rétablir la vérité n’est autre que Takayuki Yagami…

De nouvelles mécaniques, et des anciennes qui disparaissent

Ce nouvel épisode reprend beaucoup d’éléments qui ont fait le succès de son prédécesseur. Comme les combats dynamiques où le joueur peut choisir entre trois styles de kung-fu (tigre, grue ou serpent), à upgrader grâce à l’XP acquise. Au passage, on abandonne donc le gameplay au tour-par-tour de Yakuza 7 pour revenir aux fondamentaux de la série. Mais, suite oblige, il tente de nous surprendre avec de nouvelles mécaniques très sympas, qui viennent compléter le panel d’actions possibles en jeu. On notera par exemple l’arrivée du skateboard qui permet de se déplacer plus rapidement sur les routes (mais pas sur les trottoirs, hein), tout en évitant les bagarres… Ou du parkour qui vous ouvre quelques passages verticaux : vous devrez alors escalader des gouttières, ou avancer à 20 mètres du sol en vous agrippant à des tuyaux… En gardant un œil sur votre jauge d’endurance car sinon, la chute peut être fatale.

Tak dispose désormais de nouveaux gadgets, comme un amplificateur de sons, qui vous aidera grandement à espionner. Ce geek de Tsukomo a aussi mis au point des applications qui vous seront très utiles, via votre smartphone. Vous pourrez aussi mener l’enquête avec un associé assez inattendu (et très mignon), mais je vous laisse la surprise. Et puis, bien que la mécanique ne soit pas inédite, on aime cette nouvelle possibilité de lancer une pièce de monnaie pour détourner l’attention d’un garde, et l’assommer discrètement par derrière… RGG apporte suffisamment de nouveautés pour éviter l’impression de redite, et nous ouvrir de nouvelles perspectives. De même, les missions annexes offrent des nouveautés comme un jeu de rythme, des courses de moto… Comme à chaque fois, impossible de s’ennuyer.

► LIRE AUSSI NOTRE TEST : Judgment : la couleur d’un Yakuza, le goût d’un polar réussi

En revanche, certaines mécaniques de Judgment plutôt sympas ont tout simplement disparu, ou perdent en importance. C’est par exemple le cas du drone, toujours utilisable, mais plus en retrait. Vous pouvez l’utiliser, mais ne vous attendez pas à le sortir aussi souvent qu’il y a deux ans. Ici, son rôle se limite à des quêtes secondaires. Au fil de l’intrigue principale, quand le drone est de sortie, ce n’est pas vous qui êtes aux commandes. De même, je regrette que les déguisements de Tak soient devenus si anecdotiques. Et je ne parle pas non plus du crochetage de serrures, que vous devez utiliser ici seulement deux fois tout au plus.

Enfin, la disparition la plus marquante est celle du coup léthal. Dans Judgment, certains adversaires utilisaient parfois des armes (blanches, ou armes à feu) qui endommageaient votre barre de vie de manière quasi-permanente… Ou plutôt sans que vous ne puissiez récupérer totalement, autrement qu’en allant voir un médecin. Ici, les patates qui défoncent sont toujours là, mais vous n’avez plus à vous préoccuper de votre barre : elle remonte intégralement quand vous vous soignez… On regrette aussi la disparition des phases de drague : Tak est plus sage dans cet opus…

Des bugs « signature » de Ryu Ga Gotoku Studio

La plupart des défauts du jeu sont liés à la réalisation technique… Et le pire, c’est que quasiment tous ces bugs sont soulignés dans TOUS les jeux Yakuza et dans Judgment. Des défauts récurrents, mais qui ne sont jamais vraiment corrigés. Un peu comme s’ils faisaient partie intégrante des jeux du studio japonais. Comme s’ils étaient sa « patte » ou sa signature !

Ici, dans le désordre, on citera bien évidemment les soucis de collision. À savoir le fait que vous ne pouvez pas courir plus de dix mètres sans buter sur un obstacle, un PNJ ou une boite de conserve au sol. Ce problème va bien entendu de pair avec le fait qu’en pleine course, il vous arrivera aussi de louper une porte à cause d’une physique du personnage qui le fait se planter dans une simple barrière ou dans le cadre de cette même porte. Je ne m’éterniserai pas sur les soucis de caméra mal placée, qui vous gâchent la vue lors de combats dans des passages exigus.

► LIRE AUSSI NOTRE TEST Yakuza Remastered Collection : triple dose de Kiryu !

Bien que le jeu soit vraiment très joli à regarder, que les visages soient magnifiquement modélisés et très expressifs… Il n’empêche que la réalisation commence à devenir sérieusement vieillotte ! Et là, je vais une nouvelle fois pointer du doigt certaines textures qui commencent à dater, ou des ficelles aujourd’hui devenues trop grosses pour ne pas les voir. Des PNJ qui apparaissent ou disparaissent comme par magie en plein milieu de la rue, des murs invisibles et des obstacles délirants (votre héros qui butte sur un plot de 20cm alors qu’il vient de sauter une barrière d’1,50m de haut)… Ou encore une IA totalement aux fraises (lors de certains combats, vos alliés ne servent à rien)… Le jeu loupe aussi quelques transitions gameplay/cut-scene, avec de bien beaux faux raccords…

Oui, Lost Judgment est beau, comme la plupart des jeux de la Ryu ga Gotoku Team ! Mais attention : depuis quelques jeux déjà, on sent que le studio se repose sur ses lauriers en matière de technique. Le Dragon Engine de Yakuza 6 commence sérieusement à être obsolète. Et si le studio japonais veut rester dans la course sur consoles de nouvelle génération, il va falloir se séparer de certains bugs… Et revoir la police des sous-titre : parfois, blanc sur blanc, ça fait plisser les yeux !

Beaucoup plus qu’une simple suite

Avec Lost Judgment, on aurait pu s’attendre à une simple suite bête et méchante, qui vient s’intercaler entre deux jeux Yakuza histoire de nous faire patienter. D’autant que le jeu a été annoncé au printemps 2021, pour une sortie quelques mois plus tard, et tandis que beaucoup n’avaient pas encore terminé Yakuza 7. Alors, RGG Team victime du syndrome Assassin’s Creed ? Et bien, force est de reconnaître que… Non ! Et d’une certaine manière, ce Lost Judgment est même, à mon sens, supérieur à Judgment sur de nombreux aspects.

À commencer par son propos, qui conserve la touche d’humour que l’on aime chez RGG, tout en osant aborder des thèmes pas vraiment évidents à développer. Lost Judgment est parfois plus cru que Judgment. Il va plus loin dans la violence de ses situations, dans ses approches, dans son traitement à mi-chemin entre le polar et le thriller… Mais il l’assume, et le fait subtilement, au service du scénario qui ne peut pas délayer son propos d’une autre manière. Yakuza a été créé pour être une réponse à GTA, Lost Judgment est en quelque sorte une version japonaise et moderne de Sherlock Holmes.

► LIRE AUSSI : Dans la peau du personnage de… Kazuma Kiryu (Yakuza)

Alors forcément, on aime ! Encore plus lorsque l’on est fan de la série Yakuza. Puisque Lost Judgment n’oublie jamais qu’au départ, il est un spin-off de la série de Sega. Des Yakuzas, on en croise évidemment… Et le jeu apporte sa petite touche à la construction d’une mythologie qui nous tient en haleine depuis 2005. Tout en respectant ses codes, et ses règles. Comme l’unité de temps : le jeu se déroule l’année de sa sortie, soit 2021. Un fait que l’on retrouve dans une Kamurocho ou une Yokohama d’actualité, avec ses protagonistes pendus à leur portable en permanence…

Il vous faudra 40 heures environ pour voir le générique de fin (restez, la séquence est drôle). Soit une durée de vie très honorable, qui se prolonge avec un mode vous permettant d’explorer librement le jeu en gardant vos stats… Ne serait-ce que pour boucler la foultitude de missions annexes. Car non, je ne vous l’ai pas dit, mais le titre conserve le nombre indécent d’activités secondaires. Qui pourra d’ailleurs être encore complété avec quelques DLC. Autrement dit, et je me répète, mais ce Lost Judgment n’est pas qu’une suite. Il est aussi le titre qui installe Tak et Kaito dans une licence à part entière… Née d’un spin-off, mais qui a désormais son propre charisme, sa propre présence…

Au final

J’ai de plus en plus de mal à comprendre pourquoi les jeux de Ryu ga Gotoku Studio ne sont pas plus populaires ! Au fil des épisodes, la série Yakuza se bonifie. Et son spin-off Judgment, qui avait déjà frappé fort en 2019, connaît aujourd’hui une suite qui place la barre très haut ! Lost Judgment est pour moi l’un des meilleurs jeux de 2021 (peut-être même le meilleur), et est sans nul doute le meilleur polar de cette année sur consoles !

► LIRE AUSSI NOTRE TEST : Yakuza Kiwami 2 : l’énorme patate « dans ta face » de Sega !

Car outre son gameplay nerveux et ses situations ubuesques à la Yakuza, cet épisode bénéficie d’un scénario d’une richesse et d’une profondeur comme on aimerait en voir plus souvent ! Le titre de Sega touche à des sujets sensibles, et les traite sans les alourdir ! Yakuza 7 nous parlait des conditions de vie des SDF, Lost Judgment aborde le sujet ô combien d’actualité du harcèlement scolaire ! Un sujet inattendu dans un jeu vidéo !

On sait maintenant que Sonic n’est plus la licence forte de Sega. En revanche, l’éditeur dispose d’un solide joker avec la Ryu Ga Gotoku Team, qui « like a boss » pose chaque épisode de Yakuza/Judgment sur la table comme une valeur sure. Yakuza est désormais la nouvelle franchise phare de Sega, et sans doute la plus solide aussi. Et avec ce Lost Judgment, la marque tient beaucoup plus qu’un spin-off de Yakuza. Tak Yagami est le héros d’une nouvelle licence forte de Sega, et bien qu’il emprunte la mythologie et le cadre de son ainé… Judgment a su créer son identité, imposer sa personnalité qui joue merveilleusement bien la carte du polar. On a hâte de voir la suite, et de mener à nouveau l’enquête…


Lost Judgment

Testé sur PS4, sur une version fournie par l’éditeur.
Points positifs :
  • Le scénario encore plus profond et passionnant
  • Tak toujours aussi classe
  • L’ambiance sonore
  • Certains combats de boss et leurs chorégraphies
  • Toujours aussi riche
  • L’univers RGG continue à se développer
  • Le coté « polar » vraiment génial
  • Certaines animations de coups désopilantes
  • Le mode exploration libre (une fois le jeu fini)
  • Une très bonne durée de vie (40 heures en ligne droite)
Points négatifs :
  • Toujours les mêmes problèmes de collisions, et bugs qui trainent depuis 10 ans
  • Des soucis de caméra
  • Les textures qui mériteraient un p’tit coup de polish
  • Des mécaniques en moins
  • Les textes en blanc, sur fond blanc… Pas toujours facile à lire