C’est désormais devenu une tradition : chaque année, le mois d’octobre s’achève avec la sortie d’un nouvel Assassin’s Creed. La série d’Ubisoft nous emmène cette année en Angleterre, en pleine révolution industrielle, dans une Londres gouvernée par la reine Victoria. Vous ne dirigez plus un, mais deux assassins : les jumeaux Evie et Jacob Frye !

Londres, capitale du Monde moderne

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Dans le dernier Assassin’s Creed, nous prenions le contrôle d’Arno, plongé en pleine Révolution française. Une révolte qui a répandu des idées de liberté de par le monde, et un événement qui a changé indéniablement le visage de notre Vieille Europe. Les hommes se sont émancipés, la science et les technologies ont connu une véritable expansion… Les années ont passé, et Ubisoft nous propose aujourd’hui de traverser la Manche.

Nous sommes désormais à Londres, en 1868. Le monde a bien changé ! L’industrie a connu un développement sans pareil, et la science mise au service du quotidien offre désormais de nouveaux modes de vie, de nouveaux moyens de transport… La Couronne est portée par la reine Victoria, et Londres est devenue la capitale du monde, pesant de tout son poids sur l’économie de toute la planète.

Mais de là à penser que les hommes vivent plus heureux… La liberté était une utopie. Dans les faits, les riches s’enrichissent plus encore sur le dos des classes les plus basses. Dans les usines, les ouvriers se tuent au travail, certains industriels n’hésitant pas à exploiter des enfants, faisant fi des lois. Au quotidien, la prospérité va de paire avec la pauvreté, avec la misère.

Pour couronner le tout, la toute puissante Londres est désormais aux mains des Templiers. A leur tête, Crawford Starrick nourrit des ambitions démesurées. Plus que le contrôle de la Métropole, il entend dominer le Monde. Dans les rues de la capitale, Starrick est aidé par le gang des Blighters, des hommes et des femmes sans limite, sans morale.

Révoltés par ces conditions, deux Assassins jumeaux s’installent à Londres et entendent bien combattre l’oppression, libérer la ville des Templiers et faire tomber Starrick. L’honneur de leur père est en jeu. Ainsi débute l’aventure de l’impétueux Jacob, et de sa soeur plus posée, la subtile Evie.

Deux pour le prix d’un

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La première nouveauté de cet épisode est tout simplement la possibilité de pouvoir incarner les jumeaux. Lorsqu’Ubisoft a dévoilé l’existence d’Evie, on pouvait craindre que la jeune femme ne soit là que pour accomplir des missions secondaires, évincée par 11 ans de chromosomes XY dans la série, la femme n’ayant que peu de place dans le monde des Assassins (bien qu’Aveline de Grandpré, dans Assassin’s Creed III Liberation sur PS-Vita, n’ait pas à rougir face à ses homologues masculins).

Il n’en est rien ! La parité est respectée, ou plutôt, elle dépendra du joueur, puisque par une simple pression du bouton « options » de la manette, il est possible à chaque instant de switcher entre Jacob et Evie dans l’openworld (dans le mode story, chacun a ses missions). Une liberté que nous offre l’éditeur, une de plus ! Car si plusieurs chemins s’offrent à vous pour atteindre votre but, vous bénéficiez de plus de deux personnalités différentes, de deux gameplays bien distincts.

Car Jacob représente la force brute. Impulsif, voire sanguin, le jeune homme affectionne le combat rapproché, le contact. L’impétueux Jacob est du style à frapper et à réfléchir ensuite, à foncer tête baissée même lorsque le piège est évident. Son dada est de trucider du Templier, au revolver, au poing américain ou au kukri (une courte lame recourbée indienne, l’épée étant interdite dans les rues de Londres à cette époque).

Evie est plus posée. Moins puissante que son frère, elle privilégie la discrétion, l’approche tactique, n’hésite pas à se servir des éléments du décor pour refroidir ses adversaires (vous pouvez faire chuter des tonneaux sur vos ennemis). Son truc à elle, c’est la subtilité et l’infiltration. Moins impliquée dans le combat anti-Templiers que son frère, Evie se focalise davantage sur la mission première des Assassins : enquêter pour retrouver les fragments d’Eden. Mais ne la qualifiez pas pour autant de « faible femme », car lorsqu’elle sort les armes, Evie peut faire preuve d’une violence qui ferait frémir son propre frère.

Au fil de l’histoire, le joueur s’attache à cette fratrie touchante, sublimée par une complicité très forte et palpable entre ce frère et sa soeur prêts à tout pour protéger l’autre. De l’autre coté de la manette, ce duo offre deux jouabilités très complémentaires. Au fil de votre périple, chacun devra développer son propre arbre de compétences, grâce aux points d’XP acquis. Inutile d’épiloguer sur le gameplay du jeu, sensiblement identique à Unity, avec quelques subtilités en plus.

Guerre des gangs

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L’autre idée géniale d’Ubisoft est d’avoir autant poussé l’idée de guerre des gangs. Une réalité dans le Londres victorien, une formidable opportunité pour le joueur du XXIe siècle.

Car si les précédents volets vous permettaient de recruter et de former des assassins, voire de payer des voleurs ou des mercenaires pour vous aider ponctuellement, ici l’éditeur va plus loin ! Emporté par son envie bouillonnante de libérer la ville, Jacob décide de créer son propre « syndicat » (d’où le titre), au service des Assassins : les Rooks.

Vêtus de vert, les Rooks sont parsemés un peu partout sur la map, et il vous suffit de presser R1 pour les recruter. Pratique lorsque vous devez attaquer un groupe d’ennemis. De la même manière que vous pourrez booster votre personnage grâce aux points de compétence, vous pourrez optimiser votre gang en débloquant des capacités au fur et à mesure, dans une arborescence de skills : formation, Rooks en calèche, Rooks équipés d’armes à feu… De « petites frappes », vous allez vite leur apprendre à devenir de redoutables bandes organisées.

D’autant qu’il y a du boulot ! Jacob n’entreprend pas moins que de libérer tous les quartiers de Londres du joug des Blighters. Quartier par quartier, vous allez devoir attaquer les bases ennemies, afin d’ôter la teinte rouge de la map. Une quête annexe parmi les nombreuses qui parsèment le jeu !

Si je puis vous donner un conseil : n’hésitez pas à accomplir un maximum de missions de gangs, car les deux derniers chapitres du jeu ne seront accessibles qu’une fois que vous aurez libéré trois quartiers de la ville.

Des quêtes à gogo

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Au niveau des missions annexes, le jeu vous en donne pour votre argent ! Outre le mode story, il va falloir vous accrocher sérieusement si vous comptez boucler le jeu à 100%. D’autant que la map est immense. Ubisoft est parvenu à recréer fidèlement les quartiers emblématiques de Londres : Whitechapel, The Strand, Westminster, La Tamise, La City, Southwark, Lambeth…

Comme dans tous les Assassin’s Creed, vous devrez retrouver des feuilles disséminées sur la carte, ou encore résoudre les énigmes liées à la confrérie : comme dans Unity, des lieux seront à trouver grâce à des indices laissés dans la crypte des Assassins.

Outre la guerre des gangs évoquée plus haut, vous devrez également libérer des enfants exploités dans des usines, trouver des bouteilles de bière, remporter des courses de calèches, ou vous plonger dans une vieille tradition du Londres victorien : les matches de boxe clandestins (oui, comme dans le film Sherlock Holmes)… Bref, vous l’aurez compris : la map est constellée de missions à boucler !

Depuis le début de la série, Ubisoft nous a habitué à des scénarii qui collent au maximum à l’Histoire (le magazine Historia a d’ailleurs consacré un numéro spécial à cet opus). Et comme dans les volets précédents, vous allez croiser au fil de l’aventure des personnages en lien avec la période visitée : on retrouve ainsi la reine Victoria, Graham Bell, Charles Darwin, Charles Dickens… Voire Jack l’Eventreur pour ceux qui ont souscrit au season-pass.

Du nouveau qui tatonne

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Au chapitre des nouveautés, on relèvera tout d’abord l’apparition du grappin (qui fait aussi office de tyrolienne). Si de prime abord, j’ai craint de voir ici une repompe de Batman Arkham Knight, force est de constater que ce nouvel élément est amené de manière plutôt efficace : son utilisation est réaliste (on ne s’accroche pas n’importe où ni n’importe quand), tout comme l’animation des personnages qui l’utilisent. Une fois bien pris en main, le grappin est un délice, qui vous sortira de situations délicates à plus d’une reprise. Seul bémol : comme dans Batman, on a tendance à l’utiliser à outrance, ce qui peut parfois gâcher l’aspect « exploration ».

Autre nouveauté : les déplacements en calèche ! Ils collent à l’ambiance victorienne et vous permettent des déplacements plus rapides dans cette ville immense… Une fois leur jouabilité apprivoisée, l’idée est géniale ! A quelques détails près : les calèches manquent parfois de réalisme ! Tout d’abord par leur physique (elles pèsent 12 grammes ?), mais également par le fait qu’elles peuvent détruire tout ce qu’elles touchent sur la route (cheval vs lampadaire en acier : c’est le canasson qui gagne à chaque fois)… Sans parler du fait que vous réalisez, avec votre calèche, des marches-arrières aussi facilement qu’avec une Clio.

Enfin, je pourrais aussi vous parler des « enlèvements ». Désormais, vous avez la possibilité d’aider la Police, non pas en tuant des criminels, mais en les livrant au commissariat. Pour cela, il vous suffit de vous glisser furtivement dans le dos d’un bandit recherché, de presser « O » pour l’obliger à vous suivre, de l’emmener dans une calèche et enfin de le conduire à votre ami inspecteur… L’idée est intéressante, mais est hélas utilisée à outrance, donnant un coté rébarbatif à ces missions de chasseur de primes.

Bref, les nouveautés sont bien là ! Elles manquent sans doute juste de finition, et pour certaines de mise en valeur… Mais elles existent !

Quelques bugs gênants

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Ce Assassin’s Creed est assez déstabilisant, graphiquement parlant ! D’un coté, les développeurs font preuve d’une incroyable maîtrise lorsqu’il s’agit de faire vivre le gigantesque openworld qu’est Londres, avec ses calèches, ses rues somptueuses ou crades, ses palaces ou ses maisons à colombages… Une lumière incroyable, de la vie (feuilles qui volettent dans la rue, pluie, habitants qui dialoguent entre eux…), la ville, enfumée par les nombreuses cheminées des usines, est plus crédible que jamais ! La reconstitution du Londres victorien est tout simplement fantastique, mais…

… à coté de cela, nous sommes les témoins de quelques petites maladresses. A commencer par ces bugs récurrents dans la série, à savoir ces ennemis qui, une fois exécutés, tombent comme des pantins désarticulés et sans aucune cohérence physique. Et je ne parle même pas des corps qui viennent fusionner avec les décors. Un classique depuis le premier épisode !

Si le phénomène reste anecdotique, il peut arriver également que des PNJ se bloquent dans un mur, ou ne trouvent pas la porte qu’ils souhaitaient emprunter. Le jeu devient alors une véritable campagne de promotion pour le « moonwalk ». Autre bug assez amusant : après un combat, éloignez vous de la scène du crime, puis revenez-y… Les corps auront disparu, mais les armes ou chapeaux melons restent là, parfois en lévitation. Magique !

Avec une telle maîtrise graphique, et les capacités des consoles new-gen, j’ai toujours du mal à comprendre pourquoi les ennemis de base sont toujours les mêmes ! Il doit exister à tout casser six modèles différents répétés en boucle tout au long du jeu… Lors des combats, la scène est cocasse : face à vous, ce ne sont plus des jumeaux ou des triplés, mais une véritable « guerre des clones » !

Au chapitre des bugs, même si ce n’en est pas un en soi, j’aurais presque envie de parler des soucis de caméra lors des combats : si les phases de baston sont simples (défense, brise garde, combos avec les touches qui s’affichent), c’est parfois le « boxon » avec une caméra qui s’affole et ne vous offre pas toujours l’angle le plus pertinent, ou le plus favorable à la parade. D’ailleurs, au passage, sachez qu’un ennemi qui a quelques « levels » de plus que vous ne sera pas plus fort ; il sera juste plus long à achever…

Et comme dans les autres épisodes, si vous décidez de prendre la fuite, votre avatar aura une fâcheuse tendance à s’accrocher au moindre obstacle en pleine course, vous faisant perdre du temps et vous livrant aux mains vengeresses de vos agresseurs.

Retour vers le futur

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S’il est un aspect qui me laisse dubitatif depuis Assassin’s Creed : Black Flag, c’est le scénario contemporain. Autant l’histoire est accrocheuse lorsqu’il s’agit de nos assassins du passé, autant le scénario me semble plat lorsqu’il s’agit du présent.

Dans les trois premiers épisodes, l’histoire (du présent), qui vous faisait incarner Desmond Miles, était tout simplement passionnante. Elle était bien construite, et assurait une continuité, une suite logique entre les épisodes. Certes, Desmond n’est plus (désolé pour ceux qui ne savaient pas), mais soyons franc : depuis Black Flag, le « présent » a du mal à convaincre. Pour la suite, je pense que c’est un aspect qu’Ubisoft devra approfondir, pour ne pas dire réformer.

Toujours est-il que l’on accroche à cette histoire « so british », cette relation frère-soeur basée sur une forte complicité mais aussi une certaine rivalité (notamment concernant les objectifs de chaque personnage). Le scénario n’est pas extraordinaire, mais il tient la route et apporte un plus aux fans.

Au final

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Reprenant les bonnes idées de Unity (le volet précédent), Assassin’s Creed Syndicate s’inscrit timidement dans la continuité d’une série qui continue encore à nous émouvoir. Bien évidemment, on pourra lui reprocher quelques imperfections, quelques bugs (corrigés dans les volets précédents avec des mises à jour).

Certes, certaines missions peuvent sembler rébarbatives sur la durée (refaites le premier AC, pourtant génial, et on en reparle 😉 ), mais elles sont tellement nombreuses et variées qu’il appartiendra à chacun de moduler leur  ordre, afin de varier les plaisirs et briser la routine.

Au final, Assassin’s Creed Syndicate est un titre qui s’adresse à un très large public (attention au Pegi 18 quand même !) : les débutants découvriront une longue aventure assez simple à prendre en main (avec beaucoup d’éléments qui vous simplifient la vie), sublimée par de somptueux graphismes… Pour les fans, c’est une nouvelle pierre à l’édifice, avec de nouveaux éléments, des clins d’oeil aux épisodes passés (le manoir Kenway, tiens tiens !) : certainement pas l’épisode qui va les transcender, mais un volet à coté duquel il est impossible de passer.


Verdict

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Dans la lignée d’AC Unity, ce Syndicate privilégie la continuité plutôt que la véritable révolution. Toujours est-il que, malgré quelques petits défauts, il fait son taff et propose une aventure longue et dépaysante, servie par des graphismes tout simplement sublimes.

16/20

Les + :

  • Le binôme Jacob-Evie qui fonctionne bien
  • Des quêtes annexes fortement inspirées par Unity
  • L’openworld est tout simplement sublime… Et immense
  • Les jeux de lumière superbes
  • L’ambiance victorienne, limite steampunk, très prenante
  • La bande-originale
  • Gros effort sur les costumes
  • Les déplacements (grappin, calèche…)
  • Enorme durée de vie
  • Des clins d’oeil aux opus précédents
  • L’arborescence des capacités a été simplifiée
  • Le saut de la foi toujours aussi jouissif
  • Commandes simplifiées pour les combats

Les – :

  • Les combats un peu fouillis (caméra notamment)
  • Les temps de chargement (longs pour un jeu qui pèse près de 50 go sur votre disque dur)
  • Des bugs devenus familiers dans la série
  • Du « clonage » intensif chez les ennemis
  • La disparition du mode multijoueurs
  • Les calèches pas toujours réalistes
  • Le grappin vous facilite un peu trop la vie
  • Les missions « enlèvement » qui tournent en boucle
  • Je n’accroche toujours pas au scénario du « présent »

Assassin’s Creed Syndicate, par Ubisoft, dispo sur PS4, Xbox One, et le 19 novembre sur PC. Pegi : 18+