Il y a deux ans, Microids changeait le look de son Hercule Poirot, avec un Crime de l’Orient-Express qui nous avait franchement convaincus. En cette rentrée 2025, tandis que les hits s’enchaînent, le studio français nous invite à nous poser, pour replonger dans les enquêtes imaginées par Agatha Christie. Et après le train le plus mythique du monde, c’est le deuxième fleuve le plus long du monde (après l’Amazone) qui va être le théâtre d’une nouvelle enquête du plus moustachu des détectives belges. Sous vos applaudissements, Hercule Poirot est prêt à débusquer l’assassin… À trouver qui est l’auteur de cette Mort sur le Nil !
Une moustache de plus dans la collection
Les droits d’adaptation des œuvres d’Agatha Christie (dont les aventures d’Hercule Poirot), sont détenus par Agatha Christie Limited. Une société dirigée par les descendants de l’auteure, notamment son arrière-petit-fils James Prichard. Cette société gère les licences pour les livres, films, séries, pièces de théâtre, audio, produits dérivés et jeux vidéo. Elle a accordé à l’éditeur français Microids les droits d’adaptation de ses romans pour les jeux vidéo.
Avec les enquêtes d’Hercule Poirot, l’éditeur parisien Microids a trouvé le bon filon : entre 1920 et 1975, le détective belge inventé par Agatha Christie apparaît dans pas moins de 33 romans et 51 nouvelles. Autant dire qu’avec seulement cinq jeux (The ABC Murders, The First Cases, The London Case, Le Crime de l’Orient-Express et Mort sur le Nil), Microids a encore de la marge ! Et risque donc de nous faire encore mener l’enquête pendant un bon moment. Et pour tout vous dire, ce n’est pas pour nous déplaire.
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Si Microids a expérimenté plusieurs looks pour notre détective belge, on retrouve ici celui découvert avec Le Crime de l’Orient Express, sorti il y a deux ans. Avec un Hercule Poirot plus moderne, plus sculpté… Et qui semble être en résonnance avec les films de/avec Kenneth Branagh. Dont les développeurs se sont incontestablement inspirés, tant la ressemblance est frappante. Films qui sont d’ailleurs Le Crime de L’Orient Express (2017), Mort sur le Nil (2022), et Mystère à Venise (2023). Un indice pour le prochain jeu vidéo ?
Toutefois, il faut modérer la remarque précédente. Si le studio de Lyon s’inspire probablement du look de Poirot dans les films, l’influence s’arrête là ! Pour ce qui est du récit, les développeurs restent libres, et ne puisent que dans le texte original d’Agatha Christie. Qui sert de base à une réécriture originale, inédite, avec un contenu enrichi. Pour le dire autrement, l’intrigue est la même que dans le roman, mais avec plein de trucs en plus. Afin que, si vous êtes un fan de polar et que vous connaissez par cœur l’œuvre de la romancière anglaise… Vous soyez quand même surpris ! Une réécriture que vous aviez déjà pu expérimenter avec le Crime de l’Orient Express…
Retour vers les années 70



C’est sans doute la première grosse différence qui va vous sauter aux yeux, entre le roman et le jeu vidéo. Le polar d’Agatha Christie se déroule en 1937. Dans le jeu de Microids, on est en 1975 ! L’époque du disco, des cravates larges, des chemises colorées aux cols « pelle à tarte » et des pantalons patte d’eph, des coiffes volumineuses pour les dames… L’histoire débute dans une discothèque de Londres, Chez ma Tante. Et rien que le cadre de ce prologue plante le décor : néons partout, grosses formes géométriques orange aux murs, disques vinyles et ball chairs… Globalement, le cadre est très réussi, quel que soit le passage du jeu. Des vêtements jusqu’à la typographie des titres des chapitres, on est vraiment dans les années 70.
La base du scénario est celle du roman. Lors d’un voyage en Égypte, Hercule Poirot embarque à bord du Karnak, pour une croisière sur le Nil. Parmi les nombreux passagers, on trouve aussi Linnet Ridgeway, une riche héritière qui vient tout juste d’épouser Simon Doyle, son ancien employé. Mais la lune de miel du jeune couple vire au cauchemar lorsque s’invite Jacqueline de Bellefort, ancienne meilleure amie de Linnet et ex-fiancée de Simon. Elle accuse Linnet de lui avoir volé son fiancé, et réclame vengeance. D’autres personnages plus truculents les uns que les autres complètent le casting. Et forcément, la balade jusqu’à Abou Simbel vire rapidement au fait divers. Chacun devient alors un suspect…
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Le jeu vidéo ajoute un personnage inédit, pour un arc narratif qui n’existe pas dans le roman. En l’occurrence une détective répondant au nom de Jane Royce. Que vous allez incarner en alternance avec Poirot. Suite au meurtre de son amie, celle-ci traque une mystérieuse organisation à Londres, Majorque, New York… Jusqu’à ce que ces deux enquêtes parallèles ne se rejoignent en Égypte. Amenant les deux enquêteurs à joindre leurs efforts. Si cette mécanique vous dit quelque chose, c’est tout à fait normal. Microids a déjà utilisé cette ficelle avec Joanna Locke, pour rallonger l’intrigue du Crime de l’Orient Express, il y a deux ans. D’ailleurs, les développeurs ont aussi pris des libertés par rapport à l’opus précédent, puisque le jeu l’Orient Express se déroulait en 2023, et Mort sur le Nil en 1975… On en déduit donc que ce jeu n’est pas une suite… Poirot est intemporel !
De même, et sans rien vous révéler de l’intrigue du jeu, celui-ci est prolongé par un final dont on n’avait pas vu venir le twist final. Fins alternatives et épilogues… Bien que la durée de vie ne soit pas colossale, le titre de Microids Studio Lyon vous en donne pour votre argent. Si vous aimez les jeux d’enquête, et les jeux qui vous font utiliser votre cervelle, Agatha Christie : Mort sur le Nil est sans doute le jeu qui va vous faire le plus chauffer les neurones cette année !
Point and click, logique et petites cellules grises !



Si vous recherchez un jeu à l’action frénétique, avec des combats épiques, des gunfights mémorables ou des phases de stress intense… Vous êtes sur le mauvais test, et vous pouvez passer votre chemin. Avec les jeux Agatha Christie de Microids, on est dans l’enquête en point & click, la réflexion à grands coups de confrontations, la logique pour résoudre de nombreux puzzles et énigmes, l’observation, la déduction… Et la satisfaction d’avoir « fait travailler ses petites cellules grises » (comme dirait Poirot) pour résoudre les mystères. Bref, tout comme Le Crime de l’Orient Express, Mort sur le Nil est un jeu chill. Un soft où l’on fait travailler sa cervelle plutôt que ses doigts. D’autant que trois niveaux de difficulté sont proposés : avec le premier, vous allez rouler jusqu’à la fin ; Avec le troisième, préparez l’aspirine.
La grande force de ce nouvel épisode est de varier les plaisirs, du début à la fin. L’alternance entre Poirot et Jane Royce permet de varier les types de jouabilité. Les phases avec Jane étant davantage orientées « action » avec, notamment, des phases de filature, de crochetage de serrures ou d’infiltration. C’est un énorme bon point : au fil des chapitres du jeu, on découvre de nouvelles énigmes, très variées. Sans en dire davantage, pour atteindre son objectif, Poirot devra par exemple réparer des appareils, résoudre des casse-têtes, faire de la chimie… Si certains types de puzzles reviennent régulièrement, on a aussi de l’originalité et de la nouveauté jusqu’au tout dernier chapitre. Ce qui s’ajoute aux mécaniques centrales telles que la carte mentale (où vous devez relier les éléments d’enquête entre eux) ou les fiches de personnages à compléter… Bref, on ne s’ennuie jamais.
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Et puis, bien entendu, Hercule Poirot étant un enquêteur, vous allez aussi passer beaucoup de temps à interroger les différents protagonistes. Soit pour débloquer de nouveaux indices, soit pour les confronter ensuite. La confrontation étant cette phase d’interrogatoire où vous devez déduire l’instant où la personne vous a menti, et la remettre sur la voie de la vérité. Si le jeu ne compte pas le temps que vous mettrez à résoudre ses énigmes, il compte vos erreurs. Cela ne freine pas votre progression (Poirot vous rappelant alors à l’ordre, vous invitant à mieux réfléchir)… Mais terminer les chapitres sans se tromper vous octroiera l’un des 31 trophées/achievements du jeu. Vous pouvez vous aider à tout moment d’indices. Mais là encore, finir le jeu sans utiliser d’indice débloque un trophée.
Le jeu n’est pas franchement compliqué, et vous irez jusqu’à sa fin sans aucun soucis ! En revanche, on peut parfois se perdre très longtemps sur certaines énigmes. Et encore plus si l’on n’utilise aucun indice (pour moi, le « mur des preuves » de Jane, lors de son épilogue, a été un cauchemar). Mais histoire de faire durer le plaisir (et rallonger sa durée de vie), le jeu propose aussi des collectibles à débusquer. En l’occurrence des disques vinyles et 100 moustaches dorées. Tous les deux ont leur utilité dans Le Musée. Mais on vous laisse le soin de le découvrir. Et si vous en avez loupé, pas de panique : un mode « chapitres » vous permet de revenir dans chacun des différents actes du jeu, pour compléter ce que vous aviez raté…
Une technique minimaliste, mais efficace



Du côté de la technique, les images parlent d’elles mêmes. C’est plutôt joli à regarder, avec un style graphique crayonné qui nous donnerait presque l’impression de regarder un film d’animation. Les décors sont assez bien détaillés, donc crédibles et immersifs (la visite d’Abou Simbel est jouissive). Mais l’aspect visuel le plus réussi est le chara-design. Car si l’intérêt du jeu repose justement sur la pertinence et sur la crédibilité de ses personnages, pas un seul n’est raté ! Principaux, secondaires ou simples figurants, tous sont réussis. Les méchants ont la gueule de l’emploi, et chaque personnage est travaillé dans les moindres détails. Tant physiquement que psychologiquement. C’est un régal de les interroger pour découvrir leurs petits secrets.
Côté son, c’est là aussi du tout bon ! Le doublage VF est succulent, avec des personnages (encore une fois) crédibles, tantôt tragiques, tantôt amusants… Et un Poirot désopilant lorsqu’il parle de lui à la troisième personne, ou qu’il envoie gratuitement des fleurs à ses « petites cellules grises ». Grosse performance également du côté de la musique. Le studio de Lyon a fait appel à un collectif de jazz lui aussi lyonnais, que vous connaissez déjà… Puisqu’il s’agit d’Abigoba. Qui signait déjà l’OST de l’Orient Express il y a deux ans. La musique est une pépite, qui alterne entre jazz et disco en totale liberté, avec des morceaux qui font mouche à chaque fois, et correspondent parfaitement à la situation. On vous conseille d’ailleurs, comme d’habitude avec Microids, de vous procurer la version physique Deluxe, qui embarque un code pour télécharger l’OST. Midnight Storm, Concret Pulse ou Silent Horizons… On est fan !
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Bien entendu, la technique a quand même ses limites. On n’est pas sur un jeu à gros budget, et c’est sur ce point que cela se ressent. Comme des déplacements trop rigides et lents des personnages (même Jane quand elle court donne parfois l’impression de se traîner). Pour rester sur les protagonistes, on aurait aimé lire plus d’expressions sur les visages, notamment lors de scènes clés. L’immersion peut aussi parfois être entachée par les nombreux murs invisibles qui stoppent net votre exploration, là où on ne voit aucun obstacle devant nous. Enfin, on a aussi constaté des transitions parfois longues entre les chapitres (temps de chargement). Et quelques bugs mineurs (désynchronisation lors de dialogues, bugs sonores divers…).
Petite curiosité du côté du chara-design : entre le début et la fin du jeu, pas un personnage ne change de vêtements, excepté Poirot. Les gros crados ! Alors certes, pour les développeurs, c’est un moyen de nous aider à identifier au premier coup d’œil les protagonistes principaux… Mais du point de vue de l’immersion, on a parfois davantage l’impression d’être dans un épisode de Scooby-Doo que dans un polar, avec ses tragédies (le dîner chic avec la chemise bigarrée, ça se remarque)… Cela ne va aucunement nuire à l’expérience. Mais l’observation m’a tellement amusé que je ne pouvais pas passer à côté dans ce test…
Au final



Avec un petit budget, Microids Studio Lyon est parvenu à créer un jeu qui répond à une attente évidente, mais pas pour autant systématique : nous faire passer un bon moment ! Ce Agatha Christie : Mort sur le Nil n’est pas le plus beau jeu que l’on ait vu sur PS5. Mais bon sang qu’il est addictif ! Et je pèse mes mots : alors que je testais ce jeu, est arrivé le sublime Ghost of Yotei (le test arrive bientôt)… Que j’ai eu du mal à lancer tant que mon enquête avec Poirot n’était pas terminée ! C’est dire !
Alors certes, le jeu a ses défauts, et reste perfectible. Mais, on sait très bien ce qu’il manque désormais au studio pour faire plus beau, plus fort : des moyens ! Encore que… À bien y réfléchir, souhaite t-on vraiment un jeu AAA autour de Poirot ? Pour ma part, paradoxalement, la réponse est non ! Les défauts du jeu de Microids sont ce qui fait sa singularité, ce qui le rend si plaisant. Faire mieux techniquement lui apporterait sans doute beaucoup… Mais lui enlèverait aussi certains aspects qui nous ont séduit ! En l’état, donc, c’est bien évidemment validé ! Entre deux Triple A en cette période chargée, Mort sur le Nil est le p’tit jeu chill dont on avait besoin !
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Une chose semble aujourd’hui évidente : Microids Lyon a trouvé sa voie avec Hercule Poirot, et ne fait que confirmer notre impression après le Crime de l’Orient Express ! Mort sur le Nil est un essai superbement transformé. Il est tout aussi bon, sinon meilleur que son aîné…Et si les Lyonnais gardent le rythme, on espère retrouver Hercule Poirot dans deux ans, pour se plonger dans un 3e opus ! Avec plaisir même ! Mais en attendant, si vous aimez les enquêtes, les polars, et les romans d’Agatha Christie… Mort sur le Nil est une proposition à ne pas manquer. Et on vous conseille même de privilégier la version physique en édition limitée (avec l’artbook et l’OST), que l’on peut trouver entre 40 et 45€…
Agatha Christie : Mort sur le Nil

- Par : Microids Studio Lyon
- Sur : PS5, XBox Series, Switch, PC
- Genre : enquête
- Classification : PEGI 12
- Prix : 39,99€
- Conditions de test : jeu terminé sur une version PS5 envoyée par l’éditeur
Les points positifs
- Hercule Poirot est toujours aussi délicieux
- L’ambiance générale et le sentiment de voyager
- La bande-son : les musiques qui collent parfaitement à l’ambiance 70’s
- Le rythme
- L’intrigue croisée : deux histoires qui s’imbriquent bien
- Hercule et Jane, deux gameplays différents qui se complètent
- Des personnages travaillés
- Les mécaniques d’enquête (carte mentale, fiches de personnages…)
- Des énigmes variées tout au long de l’aventure, et certaines corsées
- Trois niveaux de difficulté
- Une VF de qualité
- Bonne durée de vie
- La chasse aux moustaches et aux vinyles
- Après la fin du roman, encore des choses à découvrir
- Le prix
Les points négatifs
- Énormément de murs invisibles
- De légers bugs sonores
- Les personnages trop rigides et peu expressifs
- Déplacements lents
- Quelques textures plus datées, certains décors vides
- Des temps de chargement
- Certains doublages VF au trait caricatural un peu trop forcé
