Le roman de Bernard Werber, Les Fourmis (le premier d’une trilogie), est sorti en 1991. Il aura donc fallu attendre 33 ans pour voir notre hyménoptère préférée débarquer sur consoles et PC. Développé par le studio Rochelais Tower Five, et édité par Microids, le jeu nous promet un savant mélange d’aventure et de stratégie en temps réel. Une promesse qui fait autant envie que celle de retrouver la citadelle de Bel-o-Kan ! Le jeu est-il à la hauteur du roman ? Il est temps de répondre à cette question avec notre test.
Le remaster d’un jeu PC de 2000 ?
Je m’en souviens comme si c’était hier. Nous sommes dans les années 90. Une amie (qui se reconnaîtra sans doute à la lecture de ce test) me tend un roman, m’invitant à découvrir ce récit qui l’a visiblement bouleversée. Intitulé Les Fourmis, le livre est signé par un certain Bernard Werber. Après presque 15 ans de travail, et des dizaines de refus de la part d’éditeurs, ce jeune auteur est parvenu à faire éditer son étrange histoire en 1991. Elle sera en réalité le point de départ d’une passionnante trilogie… Qui ne tardera pas à devenir un best-seller.
Pour ma part, le livre est alors une incroyable découverte qui me rendra à la fois fan de cette fable moderne, mais aussi de la philosophie de son auteur. Je me souviens encore de ces soirées entière à refaire le monde et à débattre des écrits de Bernard Werber avec cette amie, de bon conseil. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts. Bernard Werber a sorti de nombreux autres romans, tous plus passionnants les uns que les autres. Et autant d’œuvres que l’on imagine sans mal devenir le théâtre d’un jeu vidéo. La vérité, c’est que j’ai toujours soupçonné Bernard Werber d’être un gamer !
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Et puis, le 29 mars 2022, Microids annonçait qu’un nouveau jeu Les Fourmis était en développement. Nouveau car un premier soft adapté du roman de Bernard Werber, et intitulé Les Fourmis (ou Empire of the Ants en Anglais), était sorti en 2000, sur PC. Déjà à l’époque, le jeu était développé et édité par Microids. Et déjà à cette époque, on parlait d’un jeu de stratégie 3D en temps réel. On y contrôlait des fourmis qui devaient étendre leur colonie tout en protégeant la fourmilière des autres espèces. Et qui devaient collecter de la nourriture, ou encore gérer la croissance de leur société… Les bases étaient donc déjà plantées. Le titre de 2024 comprend d’ailleurs 11 missions du jeu Empire of the Ants, et 15 missions spéciales de son extension The Western Frontier.
Les Fourmis de Bernard Werber reviennent donc sur le devant de la scène en 2024, avec ce nouveau jeu vidéo qui conserve l’aspect stratégique précédemment imaginé par Microids. Le développement a, cette fois, été confié à Tower Five, petit studio à taille humaine basé dans un appartement du centre de La Rochelle. Que l’on a pu voir à l’œuvre par exemple sur les versions récentes de Agatha Christie : The ABC Murders, ou le RPG/RTS Lornsword : Winter Chronicle.
La citadelle assiégée
Si vous êtes un fan de Bernard Werber, et si vous aviez dévoré la trilogie des Fourmis, alors vous devez vous préparer à évoluer dans une narration beaucoup plus basique. Et effet, les scénaristes ont fait l’impasse sur l’intrigue qu’il aurait été très difficile d’intégrer dans un jeu de stratégie : celle qui, dans le livre, tourne autour des Humains, de Jonathan Wells et de son oncle Edmond Wells. Le jeu vidéo se focalise exclusivement sur l’héroïne du roman, la fourmi-soldat 103 683e et sur la colonie de Bel-O-Kan, en pleine forêt de Fontainebleau. Sur le besoin de développement de la cité, son évolution, sa survie et ses combats contre d’autres espèces. Sociales comme les termites, ou plus solitaires comme les mantes religieuses, par exemple.
De ce point de vue, on pourrait aussi rapprocher le contexte du jeu de La Citadelle Assiégée, superbe film documentaire français de Philippe Calderon. Qui se construit autour de l’affrontement entre une cité de termites et des fourmis magnans africaines. Le point positif est que, de ce fait, le jeu est totalement compréhensible sans avoir lu une seule ligne des romans. Cependant, pour votre culture, on vous conseille de vous plonger dans la lecture des trois tomes, Les Fourmis, Le Jour des Fourmis et La Révolution des Fourmis. On est prêts à parier que vous ne le regretterez pas.
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Pour le joueur, le sentiment d’immersion est renforcé par une réalisation qui nous a laissés sur les fesses ! Les premiers trailers nous avaient dévoilé des images de toutes beauté, mais nous avions alors pensé qu’il s’agissait de cinématiques. Nous avions eu tort. Le jeu tourne sous Unreal Engine 5 et le résultat est bluffant. Le rendu photoréaliste nous fait parfois oublier que nous sommes dans un jeu vidéo, et nous donnerait presque l’impression de regarder un documentaire sur les insectes. Alors, osons dire les choses : Les Fourmis est sans doute parmi les plus beaux jeux vidéo de 2024 !
La technique souffre néanmoins de légers défauts. Comme par exemple une caméra qui s’affole et une fourmi difficilement jouable (avec des directions qui s’emballent) dès lors que vous êtes dans un endroit exigu. On garde par exemple un mauvais souvenir d’un passage dans un pneu, ou dans une bouteille, où les commandes s’inversent dès que votre fourmi a la tête en bas. Pour le reste, on valide à 200%. L’OST est juste magnifique, les voix sont en VF… Pour le petit studio rochelais, on est à deux doigts du sans-faute !
Stratégie en temps réel… Pour tous
Le jeu se partage en deux boucles de gameplay distinctes. La première vous propose des phases de plateforme/ aventure/ exploration en 3D, en vue à la 3e personne. Lors de ces phases, vous pouvez vous déplacer soit en marchant, soit en effectuant un bond prodigieux, dialoguer avec d’autres insectes, scanner des objets laissés en pleine nature par des humains… Vous disposez alors d’une barre de vie, qui diminue lorsque vous vous faites attaquer par un ennemi, ou lorsque vous tombez dans l’eau. Votre fourmi bénéficie aussi d’un dash, pour se déplacer plus vite. C’est aussi ici que l’on vous confiera des missions, qui nous amènent à la seconde boucle de gameplay…
Car Les Fourmis est surtout rangé dans la catégorie RTS, comme jeux de stratégie en temps réel (real time strategy), avec une pincée de Tower Defense (en même temps, c’est la spécialité de Tower Five). En tant que commandante, 103 683e doit ici gérer des ressources, construire des défenses, et guider des unités variées comme des soldats ou des archers. Lâché dans une zone, vous devez défendre votre ou vos base(s) contre des attaques de termites, de Pyrrhocoris (gendarmes), etc. Pour cela, vous pouvez passer d’une faction à une autre, et déterminer l’endroit où elle doit se positionner pour défendre. Plus le jeu avance et plus vous devez gérer de vagues ennemies, avec peu de temps entre chaque pour remettre de l’ordre dans vos rangs.
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Au fil de la progression, le jeu vous propose aussi des améliorations pour vos troupes et pour vos camps. Vous allez aussi débloquer de nouveaux pouvoirs et aptitudes, ajoutant encore plus de profondeur tactique. Dans l’ensemble, ça fonctionne plutôt bien, malgré quelques bugs dans les déplacements de certaines unités, qui peuvent parfois se coincer bêtement dans des endroits imprévus pour des raisons inconnues. Un bug qui, néanmoins, peut facilement être corrigé avec une mise à jour. Globalement, l’aspect stratégique est très abordable ! Les plus jeunes prendront un réel plaisir à jouer. Les plus anciens aussi, même si l’aspect RTS n’est pas aussi poussé que chez les ténors du genre.
Enfin, il faut signaler que le jeu propose aussi des éléments multijoueurs en crossplay. Comme des escarmouches en PVP 1v1, des matchs à mort en 3FFA (ou « 3 joueurs free-for-all » chacun pour soi)… Ou encore des salons privés personnalisables, contre des amis ou contre l’IA. L’intérêt étant que ce multijoueur apporte beaucoup au jeu en termes de durée de vie. Mais avec un gros bémol : le online ne sera solide que s’il bénéficie d’une bonne communauté de joueurs en ligne. Bien sûr, cet aspect ne dépend pas des développeurs, mais aura de l’importance sur le long terme.
Un travail de fourmis !
Les développeurs de Tower Five sont de grands malades ! Et on ne peut que saluer le travail incroyable réalisé pour donner vie à cette minuscule société. Par exemple, l’un des plus gros défis qu’ils auront eu à relever aura été de gérer une multitude d’intelligences artificielles à la fois. Des milliers d’insectes à afficher sans compromettre les performances de la machine. Ils parlent d’ailleurs d’un jeu conçu pour pouvoir recevoir jusqu’à 20 000 intervenants dans une même partie. C’est colossal !
Sans rentrer dans les détails, ils ont contourné ce problème en abandonnant l’animation squelettique habituelle pour lui préférer celle plus ancienne de l’animation Vertex. Méthode très proche de l’animation image par image, plus fastidieuse pour les développeurs… Mais plus économe en ressources pour les machines. Autrement dit, on évite à l’IA de se mettre à jour en permanence. Ce qui a pour effet de réduire la charge sur le processeur. C’est technique, mais cette idée montre à quel point l’équipe maîtrise sa copie, et son boulot…Et à quel point elle a eu à cœur de faire au mieux !
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Autre signe de perfectionnisme poussé à la limite, Tower Five s’est rendu en forêt de Fontainebleau, cadre de l’histoire des Fourmis. Ceci dans le but d’enregistrer une grande majorité des sons que vous entendrez dans le jeu ! Chants d’oiseaux, vent dans les feuilles ou dans les arbres, écoulement de l’eau… Tous ces sons auraient pu être capturés dans le premier sous-bois proche de La Rochelle. Mais l’équipe a souhaité que son jeu soit authentique. Et on imagine que ça n’a sans doute pas été simple d’enregistrer le vol d’un scarabée ou d’un bourdon. Les bruits fictifs (cris de fourmis ou de mante religieuse) sont eux-mêmes des sons naturels modifiés.
Enfin, puisque l’on parle de sons, le jeu bénéficie également d’une bande-originale très réussie. Elle est signée par Mark Choi (Path of Kami) pour les phases d’exploration, et Mathieu Alvado (Ghost of a Tale) pour les combats. Afin de sublimer ces musiques, le studio s’est rapproché d’un véritable orchestre professionnel. En l’occurrence le Bow Tie Orchestra de Moscou, ensemble musical fondé en 2013, et connu pour son approche innovante et éclectique de la musique orchestrale.
Au final
L’annonce d’un jeu Les Fourmis adapté du roman éponyme de Bernard Werber nous a tout d’abord laissé sceptiques : pour beaucoup de studios, adapter une licence connue du cinéma ou de la littérature est une solution de facilité. Mais aussi un exercice casse-gueule. Et si les visuels nous avaient rassurés, on attendait sérieusement de voir comment Tower Five allait rendre sexy la version vidéoludique de cet immense roman, avec son approche RTS. Bref, il y avait pas mal d’embûches sur le chemin. Mais visiblement, la petite équipe rochelaise était pleine de bonnes intentions et de passion… Et puis, Les Fourmis est arrivé dans vos boutiques préférées…
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Au final, le jeu est perfectible, et devra encore bénéficier de quelques légers ajustements. Mais il faut rendre à César ce qui lui appartient : Tower Five a réalisé un véritable tour de force ! Visuellement magnifique, une approche ludique originale, passionnante, agréable à prendre en main, avec un message écolo en filigrane… Les Fourmis est à ranger parmi les grosses claques de cette année 2024 ! S’il peut paraître un peu sommaire aux fans du RTS, il constitue une belle ouverture au genre à celles et ceux qui souhaiteraient le découvrir. Et que dire des fans de Bernard Werber qui trouveront ici un titre respectueux du matériau d’origine ! En résumé, et pour vous faire la version courte, Les Fourmis figure parmi les bangers de cette année 2024 ! Un chef d’œuvre !
Quelle version acheter
À choisir, on vous recommande de vous procurer l’édition limitée du jeu Les Fourmis. Dans certaines enseignes, elle est affichée à 39,99€, voire à moins de 35€. Avec le jeu complet, un steelbook, des lithographies, un artbook numérique et l’OST en version numérique. Bref, à nos yeux, c’est le meilleur compromis pour un jeu qui le vaut bien…
Les Fourmis
- Par : développé par Tower Five, édité par Microids
- Sur : PC, PS5 et XBox Series
- Genre : aventure/RTS
- Classification : PEGI 7
- Prix : 39,99€
- Conditions de test : testé sur une version digitale PS5, envoyée par l’éditeur
Les points positifs
- Un monde photoréaliste tellement contemplatif !! Visuellement, c’est une claque !
- Techniquement, c’est presque parfait
- Un tutoriel qui fait bien son job
- Les phases de RTS, très simplifiées, donc très accessibles
- L’OST !
- La difficulté croissante
- Pas besoin d’avoir lu la trilogie des Fourmis pour comprendre
- La narration rythmée par les saisons
- Une solide durée de vie
- Les cartes qui évoluent en fonction du moment de la journée
- Les modes online
- Du crossplay
- Un très bon jeu pour moins de 40€
Les points négatifs
- Dans les endroits exigus, gérer la caméra est un enfer !!
- Un récit beaucoup plus basique que dans le livre
- Quelques bugs avec les mouvements des unités et leurs interactions avec l’environnement