Fruit du travail du célèbre Éric Chahi, Paper Beast vous emmène dans un voyage contemplatif, dans un monde mystérieux peuplé de créatures de papier. Que vaut ce voyage en réalité virtuelle ? C’est la question à laquelle va répondre notre nouveau test.
LE nouveau jeu d’Éric Chahi
Si vous suivez l’actualité des jeux vidéo de loin, le nom d’Éric Chahi ne vous parlera peut-être pas. Pourtant, dans ce petit monde, l’homme est une véritable légende. Ce développeur Français, aujourd’hui âgé de 52 ans, a commencé très tôt à développer, sur Oric Atmos et Amstrad CPC.
Il se fait remarquer en 1984 avec le Sceptre d’Anubis, un jeu d’aventure en graphismes vectoriels. Il n’a alors que 17 ans. Mais c’est quelques années plus tard, en 1991, qu’il va entrer dans la légende du jeu vidéo, avec une incroyable aventure du nom d’Another World (aussi sorti sur SNES). Le petit Français Éric Chahi devient l’un des développeurs les plus courtisés. On lui devra aussi quelques hits comme Infernal Runner (1985), Heart of Darkness (PlayStation en 1998) ou encore From Dust en 2011, sur PS3, PC et X360.
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Aussi, lorsque Pixel Reef (studio d’Éric Chahi, créé en 2016) annonçait, pour 2020, son retour, qui plus est avec un jeu en VR… Inutile de vous préciser que l’attente était là. Comme il aime le faire, il nous emmène dans un monde surprenant, onirique… Comme son nom l’indique, Paper Beast nous invite au voyage dans un univers peuplé de créatures en papier…
Road trip en plein désert
Le jeu vous propose d’incarner un informaticien, plongé dans un univers virtuel, Quasar Computer. Mais pendant que le logiciel se charge, et vous fait patienter avec un mini-jeu musical (sur fond de rock japonais de TsuShiMaMiRe), vous êtes envoyé dans un autre monde virtuel, inconnu. Celui-ci, avec ses vastes étendues désertiques, vous fera sans doute penser au magnifique Journey. Si ce n’est qu’ici, la nature a ses propres lois. Météo, environnements… Le jeu va vous surprendre à de nombreuses reprises, ne vous fiez pas à vos connaissances de la physique terrestre.
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Très tôt, le joueur va faire la connaissance des animaux qui peuplent cet univers. Ceux-ci n’ont rien d’organique, et semblent avoir été façonnés à la manière d’origamis, en papier ou en carton ! Ces créatures sont, comme dans notre monde, de plusieurs sortes. On y croise des crabes, de gros insectes, des créatures pacifiques faisant penser à nos herbivores… Ou encore des prédateurs.
Le joueur va alors se lier à un petit groupe de pacifiques apyvorus, que l’on pourrait comparer à des chevaux. Et c’est parti pour un long voyage migratoire, un road trip à travers le sable, les grottes, les étendues glacées… Et quelques surprises que vous réserve le jeu…
Un niveau, une énigme
Paper Beast est donc un jeu qui se joue à la manette ou aux PlayStation-Moves, en réalité virtuelle (PlayStation VR nécessaire). Le titre est découpé en plusieurs niveaux. Les commandes sont simplifiées à l’extrême, avec une touche pour se déplacer (téléporter d’un point à un autre, un déplacement saccadé qui peut nuire à l’immersion), une autre pour saisir les objets à l’aide d’un pointeur. Le stick droit sert quant à lui à changer d’angle de vue. C’est tout ce dont vous aurez besoin.
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Le jeu suit un cheminement assez simple. Lorsque vous arrivez dans une nouvelle zone, votre progression est bloquée. Pour poursuivre le voyage, prenez de la hauteur grâce à un cristal rose qui vous permet de surplomber la zone, pour observer. La solution de l’énigme repose sur les éléments du décor, les créatures, ou les conditions climatiques avec lesquels vous allez devoir interagir, en jouant avec la physique de l’environnement. Lorsque vous aurez trouvé les bonnes manipulations (faire déborder un lac, aider vos amis à escalader une pente glissante en y mettant du sable…), une séquence débloque la voie, vers le niveau suivant.
Très tôt, vous allez aussi débloquer un mode bac-à-sable. De manière assez classique, il va vous permettre de créer votre propre monde en terraformant le terrain, en plaçant les ressources (animaux ou plantes) débloquées…
Une réalisation qui fait le job
Au premier abord, le jeu ne semble pas très beau, voire extrêmement simpliste dans sa direction artistique. Pourtant, il n’en est rien ! D’une part parce que voir des screens en 2D et voir tourner le jeu en VR, ce n’est pas du tout la même chose ! En 2D, ça date… Mais une fois le casque sur la tête, qu’importent les formes très géométriques, on est dedans, c’est beau, et on ne peut s’empêcher de s’arrêter pour contempler… Juste contempler !! On oublie vite la forme pour se laisser happer par le fond. C’est l’ambiance (très réussie) du jeu qui prime, sans doute aussi beaucoup aidée par une bande-son géniale !
Le level-design sert parfaitement le gameplay, et avec un peu d’observation, l’architecture même des niveaux vous donne des indices sur votre progression, sur les choses à faire pour pouvoir avancer. Encore une fois : observez, tout autour de vous !
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De même, on se laisse très facilement convaincre par les comportements de ces créatures de papier. À la fois complètement étranges, mais avec des comportements très réalistes, proches de nos animaux bien réels de chair et de sang. On peut ressentir leurs craintes, leur maladresse… Et on se prend vite d’empathie pour ces monstres bizarres lorsqu’un prédateur leur tombe dessus sans que vous n’ayez rien pu faire pour empêcher le carnage. Les animations elles-mêmes sont réalistes, et dans son casque, le joueur ressent vraiment l’impression de découvrir de nouvelles espèces vivantes.
J’ai comme une envie de revenir sur le level-design, avec ces mondes tout en formes géométriques, parfois colorées, ou ces nuages en formes de chiffres (vous comprendrez en avançant dans l’aventure). Une direction artistique qui, à plusieurs reprises, m’a beaucoup fait penser à Another World, autre génial titre d’Éric Chahi. Un peu comme une signature… Paper Beast est un jeu que le développeur ne pourra renier, tant son ADN est omniprésent.
Un jeu « pas très bavard »
Tout est dit dans cet intertitre ! Paper Beast manque parfois d’indications, de précisions, d’explications… Et ses fenêtres d’aides se limitent au plus simple appareil. Bien qu’il ne soit pas inaccessible, le jeu va souvent vous laisser livrés à vous-même, avec votre réflexion pour seule arme.
C’est par exemple le cas pour le scénario, qui n’ira pas beaucoup plus loin que les quelques éléments expliqués plus haut. Certes, le jeu propose une intrigue, qui se dévoile au fil de quelques scènes intrigantes… Mais dans l’ensemble, je ressens cette frustration liée au fait que sa fin me laisse plus de questions que de réponses. Que fait-on ici ? Pourquoi ? Finalement, on termine l’aventure avec une part de flou…
De même, en jeu, lorsque vous arrivez dans une nouvelle zone, vous allez devoir observer, et déduire par vous même la démarche à suivre pour continuer. Ne comptez pas voir poper le moindre indice. La seule indication qui pourra vous être précieuse sera l’attitude de vos compagnons en origami. Observez ce qu’ils regardent, la direction dans laquelle ils souhaitent aller, leur comportement… C’est un début de piste. Et en même temps, en situation réelle si vous êtes perdu dans la jungle, vous ne trouverez pas non plus de guides de survie aux quatre coins de la forêt.
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Pour continuer à vous parler des défauts du jeu, je pourrais aussi vous parler de quelques passages délicats en termes de jouabilité. Notamment lorsqu’il faut interagir avec deux éléments trop proches dans l’espace (on parle de VR et de 3D, je le rappelle). Et croyez-moi, ce jonglage n’est pas toujours évident, et vous obligera à y revenir à plusieurs fois (c’est du vécu).
Avec une durée de vie d’environ 6 heures si vous prenez votre temps (ou si vous butez sur des énigmes), la durée de vie du titre peut sembler courte. Pourtant, objectivement, elle reste dans la moyenne pour un jeu VR (à quelques exceptions près). Et si l’envie vous prend de revenir explorer ce monde fascinant une fois l’aventure pliée… Comme indiqué plus haut, il vous restera le mode bac à sable. Bien entendu, vous aurez vite l’impression de tourner en rond, tant le challenge est ici absent… Mais ce mode vous permettra de regarder les paysages ou les animaux, comme bon vous semble, en total mode détente.
Au final
La réalisation de Paper Beast n’est pas la plus dingue que l’on ait pu voir en VR ces dernières années. Pourtant, le jeu va vous aspirer par son ambiance tellement mystérieuse, par le comportement réaliste de ses créatures, par les défis qui vous sont posés ici et là. Au point que j’avoue l’avoir terminé quasiment d’une traite, avec beaucoup de difficultés pour décrocher ! Et ça, c’est plutôt bon signe.
Pour le coup, si le terme est souvent galvaudé dans le contexte des jeux en VR, Paper Beast est véritablement une « expérience » ! Un voyage entre de grandes explorations et un rêve étrange, dont on se réveille en se posant de nombreuses questions, des images encore plein la tête. Une fois terminée, l’aventure nous obsède, avec cette envie d’y revenir et d’y replonger. Perso, j’ai l’impression d’avoir relu du Jean-Pierre Andrevon ou du Moebius, ou d’avoir revu du René Laloux (les films d’animation Gandahar, La Planète Sauvage). Et je soupçonne fortement de partager ces références avec Éric Chahi 😉
Au final, ça passe ou ça casse ! Soit vous adhérez à 200%, soit l’ambiance du jeu va vous rebuter, si vous n’aimez pas les aventures contemplatives dans des univers étranges. Toujours est-il que Paper Beast est, selon moi, une très bonne surprise. Avec son invitation au voyage dans de vastes étendues exotiques, il tombe au bon moment pour nous sortir de notre confinement. Ce n’est pas le jeu VR du siècle, mais si vous accrochez au concept, le jeu vous laissera sur des impressions majoritairement positives.
Paper Beast
- Par : Pixel Reef.
- Sur : PlayStation 4 (PS-VR).
- Genre : Simulation/aventure/réflexion en VR.
- Classification : PEGI 7.
- Taille : 4,97 go.
- Prix : 29,99€.
Points positifs :
- Les animaux
- Les animations
- Une vraie ambiance
- Bien que très géométriques, les paysages superbes, comme sortis d’une BD
- Les énigmes qui vont vous faire cogiter
- Simple à prendre en main
- Pas de motion sickness
- Les jeux de lumière
- L’OST
- Un bac à sable
- Un prix correct
Points négatifs :
- Quelques imprécisions dans le gameplay
- Pas d’indices… On cherche souvent, on tourne parfois en rond
- Le déplacement d’un point à un autre, beaucoup moins immersif qu’un déplacement libre
- Des énigmes qui finissent par se répéter.