Enfin disponible chez Kazé, en combo DVD+Bluray, Silent Voice est un petit bijou de l’animation à découvrir de toute urgence. On a craqué une première fois au cinéma… Et nous allons allègrement replonger aujourd’hui, avec cette version physique. Voici pourquoi !

Japanimation : un terreau fertile pour les émotions

C’est plus fort que moi, je n’ai jamais été touché par les films Disney, pourtant connus mondialement. En revanche, j’ai toujours préféré la japanimation aux longs métrages du géant américain. Car qu’on se le dise : dans les animes, il n’y a pas que des guerriers surpuissants qui rasent la planète avec des boules d’énergie… La japanimation sait aussi nous serrer la gorge !

Pendant très longtemps, les productions du studio Ghibli sont restées, pour moi, une référence en termes d’animation japonaise. Pour leur réalisation, pour l’émotion (ou LES émotions) qu’elles véhiculent, pour la qualité de leur narration… Les créations d’Hayao Miyazaki, et du studio plus globalement, m’ont toujours ému. Et puis, j’ai découvert d’autres pépites chargées d’émotion telles que Le Tombeau des Lucioles, Dans un recoin de ce monde, Les enfants loups, le Garçon et la bête… Ou plus récemment le superbe Your Name.

En 2018, c’est au cinéma que je découvrais Silent Voice (notre Tifa pourrait longuement vous parler de la version manga). Résultat : une claque ! Un anime qui, malgré ses thématiques pesantes, vous balance une tonne d’ondes positives à travers la figure. Et la sortie du film en DVD et bluray le 23 janvier, chez Kazé, est une bonne occasion d’y revenir.

Une histoire touchante

Si vous débarquez, et que vous ne connaissez pas encore Silent Voice, alors quelques petites explications s’imposent. Ce film, réalisé par Naoko Yamada (une talentueuse réalisatrice de 33 ans) et écrit par Reiko Yoshida, est l’adaptation à l’écran du manga A Silent Voice (Koe no katachi), de Yoshitoki Ōima, soit 7 volumes parus entre 2013 et 2014. L’anime (produit par Kyoto Animation) est sorti dans les salles japonaises le , puis dans le reste du monde entre février 2017 et août 2018.

On y fait la connaissance de Shōya Ishida, un jeune garçon en dernière année d’école primaire. Il est turbulent, toujours prêt à faire les 400 coups. Un jour, une nouvelle élève arrive dans la classe : Shōko Nishimiya. Celle-ci est sourde. Très vite, la petite fille bienveillante se lie d’amitié avec les autres élèves…

Mais le courant a beaucoup plus de mal à passer entre Shōko et Shōya. Et si la barrière du handicap constitue une curiosité dans un premier temps, les blagues de Shōya virent très vite au harcèlement, entraînant d’autres écoliers dans cette spirale néfaste… Jusqu’au jour où la jeune fille, à bout, ne revient pas à l’école, et change d’établissement. Les rôles s’inversent alors, et aux yeux de tous, Shōya devient un paria, rejeté par ses propres amis…

Des années plus tard, Shōya est devenu un jeune lycéen. Mais il porte toujours le poids de ses actes passés, et souffre toujours du regard négatif des autres. Pourtant, il s’est assagi, a appris le langage des signes, et envisage de retrouver Shōko, pour lui demander pardon… Et si, finalement, ils devenaient amis ?

Un récit engagé, osé

En Europe, le propos de Silent Voice ne pourra que vous attendrir, vous toucher, voire vous arracher une petite larme. Car c’est avec beaucoup de finesse et d’intelligence que le film aborde des questions délicates, telles que le handicap, le mal-être (voire pire) ou le harcèlement scolaire. Des propos qui nous parlent, qui nous touchent, et qui ne peuvent que créer ici une forte empathie pour les personnages.

Le harcèlement scolaire, bien qu’encore tabou, n’est pas vraiment une nouveauté à l’écran. Et j’ai envie de vous citer par exemple Carrie, ou encore l’excellente série 13 Reasons Why, deux références en la matière. Silent Voice ne va pas vous ménager : il dénonce par des actes forts, souvent insupportables… Mais toujours avec un propos qui ne donne pas dans la démesure.

Et parfois, comme le manga, le film crée ses propres codes pour décrire en une seconde ce qui aurait nécessité des phrases entières, avec des mots. Ainsi, le malaise de Shoya vis à vis du regard des autres, son enfermement, se matérialise par des croix bleues sur les visages de ces inconnus… Qui se dévoilent dès lors que la glace est brisée…

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Mais l’histoire nous parle aussi du handicap, et de l’intégration des personnes handicapées dans la société. Et pour expliquer le sens de mon intertitre, il faut bien comprendre qu’au Japon, les points de vue sont très différents de la perception occidentale du handicap. Et c’est en ce point que Silent Voice est engagé. Il dénonce une société japonaise où le handicap est perçu comme une tare, où la personne handicapée est considérée comme un fardeau. Bien que le porteur de handicap soit souvent accompagné par des auxiliaires, la discrimination y est encore très présente. L’attitude de Shōya choquera sans doute davantage en Europe qu’au Japon…

Il est aussi important de revenir sur la version française, et plus particulièrement sur un choix très pertinent qui a été fait concernant le doublage. Celui de Shōko a été confié à Mélanie Lemaistre, jeune femme de 23 ans elle-même malentendante, qui se destine à devenir enseignante de LSF (langue des signes française). Elle possède d’ailleurs une chaîne YouTube sur ce thème, qui cumule plus de 51 000 abonnés. Un choix intelligent, qui rend le propos encore plus crédible.

Le contenu du pack

On ne va pas se mentir, avec ce combo DVD+bluray, l’éditeur Kazé ne se moque pas de vous… On a vu des films d’animation seulement livrés avec deux bande-annonces, chez d’autres éditeurs… Mais Kazé soigne ce Silent Voice. Je vous disais que c’est un bijou, et il est donc livré dans un écrin qui respire la classe à plein nez.

Tout d’abord, comme vous avez pu le lire, c’est un combo ! Si le film est aussi disponible dans une version DVD épurée, notre choix se porte évidemment sur la version bluray, plus gourmande. Ici, vous aurez les deux d’un coup ! Mais… C’est un collector. Donc, il y aura bien plus que le film !

Et notamment un chouette livret de 64 pages, qui nous offre tour à tour des artworks des personnages, des storyboards, et des anecdotes… Si le contenu rédactionnel est plutôt maigre dans l’ensemble, il a le mérite d’être pertinent, et de nous apprendre des choses que l’on n’avait pas lu auparavant.

Reste donc le film, ici disponible sur deux disque : le premier pour la version bluray, l’autre pour le format DVD. L’éditeur nous gave de bonus (dans le bon sens du terme) tels que les bande-annonces, les clips des chansons Speed of Youth et Aiko – Koi o shita no wa… Sans oublier les entretiens avec la réalisatrice, le chara-designer, le directeur artistique et le compositeur.

Et techniquement ?

Bien évidemment, ce film de 129 minutes (qui passent très vite, croyez moi) est à la fois disponible en Français et en Japonais. Fait appréciable : quelle que soit la version, on trouve ici du 5.1 (et 5.1 DTS pour le bluray). Les sous-titres sont aussi disponibles.

Je ne puis que vous recommander, comme pour la plupart des animés, de regarder le film en VO. Si la version VF est de très bonne facture, certaines subtilités risquent de vous échapper dans la langue de Molière, notamment lors de passages forts.

Spoiler : Ici, je pense notamment à la scène où Shoko fait sa déclaration, et où Shoya croit qu’elle parle de la lune. Confusion entre notre satellite naturel (Tsuki en japonais) et le « tu me plais » (anata ga SUKIdesu) de la jeune fille…

Notez aussi que, sans surprise, l’image s’affiche au format 1920x1080p en bluray, contre un bon vieux 16/9 original pour le DVD. La réalisation est impeccable, les couleurs sont éclatantes…

Le livret inclus dans le pack nous avait prévenus : les sons ont été revus pour cette version bluray. Ou plus exactement, la bande-son de deux heures composée par Kensuke Ushio pendant la production du film (sous le nom Inner Silence) a été affinée et trouve enfin sa place dans le film.

S’ils écoutent Inner Silence après avoir regardé le film, je crois que les spectateurs pourront percevoir l’oeuvre d’une façon plus profonde. Ils ne vont pas seulement la regarder, l’écouter et la comprendre, mais aussi se poser des questions. Dans la vie, il arrive parfois qu’on pleure sans qu’on ne sache trop pourquoi. Je serais heureux de provoquer cet état chez le spectateur, ou au moins lui permettre de l’envisager.Kensuke Ushio, compositeur (dans le livret bonus).

Au final

C’est toujours un grand plaisir pour moi de vous parler de Japanimation lorsqu’il s’agit de films qui démontrent toute la force de l’animation japonaise. N’en déplaise à ses détracteurs, la Japanim’ est (pour moi) plus touchante qu’un Disney. Moins naïve aussi, mais aborde les problématiques avec un regard plus humain. Et le mot n’est pas innocent, car c’est bien là la très grande force de ce Silent Voice : son humanité, et ce que ses personnages ont de plus beau dans leurs imperfections.

Silent Voice est de ces films dont on a beaucoup de mal à décrocher une fois le générique de fin passé. Il est réussi parce qu’il est beau à tous les étages. Visuellement très réussi et très coloré (sa cover ou les visuels qui illustrent cet article en témoignent), Silent Voice est aussi beau dans son propos, dans son approche du handicap, dans la construction de son histoire. Et lorsqu’arrive la fin, au moment de se sécher la joue, on ne sait plus vraiment si on a préféré ses personnages, son récit, sa musique… On a kiffé, un point c’est tout !


Silent Voice

  • Par Naoko Yamada, écrit par Reiko Yoshida d’après le manga A Silent Voice (Koe no katachi), de Yoshitoki Ōima. Produit par Kyoto Animation.
  • En bluray (ici) et DVD (ici).
  • Disponible chez Kazé, depuis le 23 janvier.
  • Classification :
  • Prix : 34,95€ pour le combo DVD+bluray, 19,96€ pour le DVD.

 

On aime :

  • Une histoire touchante
  • Adaptation fidèle au manga
  • La bande-son réussie
  • Des personnages attachants
  • Contenu du collector satisfaisant
  • Très bonne réalisation

On n’aime pas :

  • Quelques scènes un peu clichés
  • On aurait aimé avoir aussi l’OST dans le collector
  • 129 minutes, c’est long, mais ici ça passe trop vite
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