Aujourd’hui, nous allons prendre « l’accent qui chante » ! Après plus de deux ans de développement, le français Eko Software nous emmène fouler la pelouse, pour pratiquer ce « sport de brutes joué par des gentlemen » qu’est le rugby. Amoureux de chandelles, de bouchons, de caramels et de troisième mi-temps, sortez les manettes ! Notre test de Rugby 18 vous attend !

L’Ovalie est de retour sur consoles

S’il est un genre sportif clairement sous-représenté sur consoles, à mon grand regret, c’est bien le rugby. Sport pourtant très populaire, et spectaculaire ! Aussi, le fan que je suis (pour l’anecdote, j’ai joué au poste de Deuxième Ligne lors de ma prime jeunesse) ne peut que se réjouir de voir arriver aujourd’hui un Rugby 18 plein de promesses. Le jeu est signé Eko Software (Handball 16) pour le compte de Big Ben. Je ne l’ai pas précisé, mais nous allons évidemment parler ici de rugby à 15 !

Au premier abord, la page d’accueil du jeu va vous proposer des menus classiques, que vous retrouverez dans tous les jeux de sport. Match rapide (contre l’IA, en local ou en ligne), Championnat, Carrière (mode dans lequel vous devez manager une équipe recrutée par vos soins… Un Rugby-Manager, quoi) ou Défi Hebdomadaire (match du week-end)… Ainsi qu’un menu Extra qui regroupe les options et autres réglages divers. Et puis, il y a aussi le mode MySquad, mais j’y reviens plus bas.

Les puristes du ballon ovale apprécieront le fait que le jeu regroupe un gros panel de joueurs professionnels. Soit 65 équipes et plus de 2000 pros de la saison 2017-2018. Joueurs dont les statistiques (à jour) sont fournies par Opta, leader mondial en la matière. Dans Rugby 18, nous allons donc parler de Top 14, de Pro D2, de Pro 14, ou encore d’Aviva Premiership Rugby… Sans oublier le fait de pouvoir jouer des matches en incarnant des sélections internationales. Le jeu balaye large, pour offrir aux fans de quoi s’occuper un bon moment.

Un gameplay très technique…

Pas de temps à perdre avec les présentations, entrons dans le vif du sujet ! Concrètement sur le terrain, le gameplay va se jouer en deux temps, et avec deux approches très différentes dans leur conception.

D’une part, vous allez trouver les phases que j’aurais tendance à qualifier de phases d’action. Ces phases durant lesquelles vous allez mener une attaque, ou défendre votre zone de jeu. Elles se jouent de manière assez classique. Comme dans tous les jeux de sport collectif, vous dirigez un joueur qui aura la possibilité de passer la balle, ou d’attaquer le possesseur du cuir. Avec quelques petites variantes bienvenues pour les amateurs de chandelles, ou de chisteras. Ces phases se jouent donc comme n’importe quel jeu de sport. Parfois tendu, mais très accessible.

Et puis viennent les phases arrêtées. Et c’est ici que le jeu devient intéressant, mais aussi très technique. Car toutes ces phases (mêlées, pénalités, mauls, touches…) utilisent des mécaniques qui leur sont propres, où tout sera question de bon dosage et de bon timing pour sortir la balle du ruck. De vraies bonnes idées qu’il va donc falloir assimiler. Et si vous connaissez un tantinet le rugby, vous savez comme moi que ces phases sont capitales !

Difficile de construire !

Le jeu en devient alors plus technique, sans pour autant fermer la porte à ceux qui étaient simplement venus pour se détendre. En revanche, un simple match va tellement faire perler de sueur sur votre front que marquer un essai dans Rugby 18 est une réelle récompense. On est très loin d’un Fifa avec ses scores de basket. Ici, la victoire se mérite réellement. Et gagner un match constitue une véritable fierté !

Paradoxalement, si la construction est la clé, il est compliqué de construire ses conquêtes. Car l’adversaire va tellement baliser le terrain que faire plus de dix mètres sans se faire choper est un exploit. Le porteur de balle va donc passer fréquemment en mode « survival » , guettant la moindre occasion de refiler la patate chaude à un camarade ! De même, il est frustrant de ne pas pouvoir terminer une action pourtant bien ficelée. La faute à une jauge de fatigue mal dosée, qui fait qu’après une percée, votre joueur n’a plus de jus pour aller au bout de l’action.

… Mais un gameplay trop superficiel

Dès que l’on entre un peu plus dans les détails, on remarque que la jouabilité de Rugby 18 est très limitée. Sans doute parce que trop simplifiée. Et de nombreuses actions, pourtant fondamentales dans le rugby, seront tout simplement impossibles à réaliser. Foncer vers l’embut adverse c’est possible, mais placer un « cadrage débordement » risque d’être un peu plus compliqué !

Le gameplay souffre de lacunes, et parfois d’un manque de logique. Je pense par exemple aux « avantages » laissés en retrait, ou aux plaquages, que vous ne pourrez exécuter qu’en relâchant la touche d’accélération. En pleine phase défensive dans un jeu de sport, je vous promet que devoir relâcher l’accélération pour attaquer est une manipulation contre-nature ! Plaquage qui, soit dit en passant, est totalement aléatoire puisque vous ne pouvez pas le doser. Aussi, c’est le jeu qui décidera, à son bon vouloir, si votre plaquage est correct ou s’il constitue un jeu dangereux. Impossible d’anticiper sur vos défenses, donc.

Une IA aux fraises

De même, l’aléatoire s’invite sur les pénalités. On est bien d’accord : au rugby, lorsqu’une équipe commet une faute, l’adversaire a le libre choix de construire sa remise en jeu. Ici, le jeu vous oblige à botter le cuir quasi-systématiquement, avec un temps limité. Et encore, je ne parle pas des fois où c’est le fautif du hors-jeu qui réengage, comme si rien ne s’était passé !

Je pourrais aussi longuement parler de l’IA, notamment de vos équipiers, clairement aux fraises. Vos petits camarades sont incapables de faire preuve de jugeote, et n’iront pas étendre le jeu en profondeur, en allant chercher le coté fermé par exemple. Ils vont donc souvent vous obliger à vous prendre de plein fouet le rideau défensif. Ou vous envoyer au « casse-pipe » comme le disent les rugbymen. Faire une percée spectaculaire est ici un fait rare !

Résultat : le gameplay fermant ainsi la porte à de nombreuses actions capitales, cela impacte aussi le respect des règles du rugby ! Certes, les bases sont respectées (notamment les en-avants)… Mais pour le reste, les puristes risquent de faire des bonds de quinze mètres sur leur canapé (tiens, je n’ai pas non plus parlé de l’arbitrage, parfois à la ramasse : ici, le terme spécifique d’arbitre « chef de gare » prend tout son sens).

Une technique passable

Au niveau de la technique, le jeu fait son job. Les animations sont plutôt sympas à regarder. Et si la modélisation des joueurs est loin du niveau d’un PES2018, ils restent crédibles et réalistes (les joueurs transpirent, se salissent, le terrain se dégrade…). Il faut rappeler que ce sont les joueurs d’Oxford qui ont servi de modèles pour les captures de mouvements.

En revanche, une fois en jeu, j’ai hélas dû subir quelques bugs d’affichage récurrents. Ou pire encore, de freezes du jeu. Je ne sais pas si c’est lié, mais mon jeu s’est bloqué à plusieurs reprises en pleine partie suite à l’affichage de la fenêtre tutorielle. Que j’ai donc très vite désactivée, par sécurité.

Au niveau des sons, les commentaires sont assurés sans grande conviction par Thomas Lombard et Eric Bayle (commentateurs sur Canal+). Hélas, on ne pourra que déplorer des commentaires pas toujours raccords avec l’action qui se déroule à l’écran. On aura vite fait de les zapper.

Où sont les fans ?

De même, l’ambiance dans les stades est à des années lumières de ce qui peut se faire dans les jeux sportifs. Où sont les bandas, les fanfares et les supporters qui caractérisent tant l’ambiance des stades de rugby ? Certes, les développeurs ont plaqué des textures de public dans les gradins. Mais vous aurez vite l’impression que les tribunes sont remplies par des fans sourds-muets. Et j’avoue ne pas avoir pensé à regarder si les essais étaient suivis d’exclamations en langage des signes dans les gradins.

Le jeu vous offre des petites attentions bienvenues, comme ces quiz qui, pour patienter pendant les chargements, vous feront réviser votre culture du ballon ovale. En revanche, on aurait aimé d’autres petits détails aujourd’hui devenus des standards. Comme une météo dynamique. Ici, vous devrez vous contenter de jouer de jour ou de nuit.

Le syndrome PES ?

Avec un tel intertitre, je pense que vous avez compris où je veux en venir ! Des licences manquent à l’appel ! Oui, le jeu affiche des licences majeures, avec des sélections pas dégueu (Top 14 notamment). Mais… On comprend très facilement que, malgré sa bonne volonté, Eko Software ne bénéficie pas des moyens financiers d’un gros éditeur. Et sans cette puissance de feu, il est évident que nous n’aurons pas ici le « Fifa du Rugby » !

Aussi, comme dans PES, le fan remarquera très vite que des licences manquent à l’appel. Un exemple concret ? Si vous comptiez refaire le dernier Tournoi des Six Nations, il faudra composer sans l’Irlande ! Aberrant ! De même pour l’équipe d’Argentine, aussi aux abonnés absents. C’est donc aussi loupé, si vous comptiez vous faire une Coupe du Monde (le soft loupe au passage l’occasion de jouer sur la prochaine CdM, qui aura lieu en 2019 au Japon).

Au sein même des différentes équipes, vous remarquerez que des joueurs sont absents, ou qu’une silhouette noire remplace leur photo de profil. Ces joueurs n’ont-ils pas eu le temps de passer au photomaton du coin ? Ou l’éditeur n’a t-il pas eu les droits ?

Enfin, déjà peu nombreux à la base (j’en ai compté six), les stades sont trop génériques. Il aurait été bon de pouvoir jouer au Stade de France, au Parc des Princes, à l’Orange Vélodrome, au stade Ernest Wallon, ou au stade Marcel Deflandre, par exemple…

MySquad, votre équipe à la carte

Paradoxalement, voici le mode qui m’attirait le moins dans le jeu, mais qui est de loin le plus intéressant. Et celui qui va offrir à Rugby 18 le plus de chances de tenir sur la durée. En résumé, en beaucoup moins élaboré, MySquad est en quelque sorte le « mode Fut » de Rugby 18. Vous allez y composer votre équipe de rêve, en achetant les meilleurs joueurs. Ce pour aller notamment défier d’autres joueurs en online.

Pour cela, vous allez devoir gagner des crédits, ou plutôt des étoiles, qui constituent la monnaie virtuelle du jeu. Chaque joueur que vous allez recruter ayant un coût spécifique.

Je tiens d’ailleurs à saluer sur ce point Eko Software, qui ne se laisse pas polluer par la politique des micro-transactions. Ici, pas d’achat en boutique ! Les étoiles ne s’obtiennent qu’en jouant (et en gagnant, de préférence) des matches. Rien ne sert de sortir la carte bleue, dans Rugby 18 il faut mouiller le maillot !

Au final

Adapter le rugby en jeu vidéo n’est pas un exercice facile, tant ce sport peut s’avérer complexe. Trop technique pour en faire un jeu d’arcade ! Et nous en avons ici la démonstration par l’exemple ! Le pire dans cette histoire, c’est que le jeu est bourré de bonnes intentions, mais ne les exploite pas jusqu’au bout, et semble se contenter du minimum syndical. Le gameplay est lent, on ne ressent pas la violence des chocs, et le manque de mise en scène en match prive vos parties de rythme.

Au final, Rugby 18 risque d’avoir beaucoup de mal à trouver son public. Trop technique et pas assez fun pour le joueur casual… Il ne parlera pas non plus au fan de rugby, qui tranchera rapidement en défaveur du jeu à cause de son approche trop approximative. D’autant que la galette est tout de même vendue 60€ : à ce prix, on en attend beaucoup plus !

Comme le dit si bien l’expression rugbystique : « la cabane est tombée sur le chien, mais le chien n’est pas mort ! » On ne peut donc qu’espérer qu’Eko conservera ses points positifs, en améliorant tout ce qui doit l’être… Pour nous livrer un futur jeu enfin à la hauteur de nos attentes. Aujourd’hui, l’essai n’est pas transformé… Mais bien que les développeurs soient encore au tout début du chemin, ils sont cependant sur la bonne voie… Alors, on se remet au boulot et on ne lâche rien !


Rugby 18

Par Eko Software pour Big Ben Interactive. Sur PS4, Xbox One et PC. Pegi : 3. Prix : 60€.

 

Essai transformé :

  • Les licences majeures présentes, et des stats à jour
  • Le moteur du jeu fait le café
  • Les passes après-contact (ou offloads)
  • Marquer un essai est la récompense méritée d’un gros boulot
  • Le mode MySquad bien pensé, et addictif
  • La technique poussée assez loin (notamment lors des phases arrêtées)
  • Les temps de chargements qui proposent des QCM (questions à choix multiples)

Renvoi dans les 22 mètres :

  • Interface trop sobre
  • Des équipes absentes
  • Jouabilité qui manque de pêche
  • Pas de météo dynamique
  • Zone de ruck pas évidente à assimiler
  • Trop peu d’ambiance dans les stades
  • Barre de fatigue parfois mal dosée
  • Des bugs
  • L’IA à la ramasse, placement des joueurs aléatoire
  • Constructions quasi impossibles à élaborer
  • Le minimum syndical en termes de contenu
  • Son prix (60€)
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