Développé par les Espagnols de Nomada Studio, et paru en 2018, Gris vous propose un étrange voyage. Au delà du jeu de plate-formes à énigmes, l’éditeur Devolver nous propose surtout un voyage introspectif plein de poésie. Plus qu’un jeu vidéo, nous allons aujourd’hui vous parler d’une véritable œuvre d’art !

Un (bel) OVNI dans le catalogue de Devolver

Le jeu dont je vais vous parler aujourd’hui n’est pas vraiment une nouveauté, puisqu’il est sorti sur Switch et PC en 2018 (et PS4 fin 2019). Date à laquelle, pour sa direction artistique originale, il m’a littéralement tapé dans l’œil. Et puis, les tests s’enchaînant, je l’avais laissé de coté… Jusqu’à ce que, en plein confinement, je me décide à l’installer sur ma Switch. Et malgré son ancienneté aujourd’hui… Je me suis senti obligé de vous en parler…

Dès les premiers visuels, on s’aperçoit que le jeu édité par Devolver tranche avec le catalogue habituel de l’éditeur. Ici, pas de gros pixels, pas d’ambiance survoltée ou déjantée… Et encore moins d’humour ou de jurons 😉 Gris, par le studio espagnol Nomada (dont c’est le premier jeu, il faut le dire), joue dans une autre cour, plus mélancolique, plus poétique.

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Et pour cause, puisque le jeu aborde une thématique aussi forte que pesante. Jeune fille optimiste, mais hantée par une expérience douloureuse qui a ébranlé sa vie, Gris s’est égarée dans les tréfonds d’un monde qu’elle a créé de toutes pièces. Son périple à travers les méandres du chagrin se reflète sur sa robe, vêtement éthéré lui conférant de nouvelles capacités qui l’aideront à se frayer un chemin au cœur de cette réalité estompée. Au fil de l’histoire, Gris évolue et ressent une gamme d’émotions différentes.

Celle-ci a perdu sa voix, qu’elle va devoir évidemment retrouver, tout en restaurant également les couleurs du monde, désormais devenu monochrome. Gris va devoir traverser différents niveaux, d’étranges temples en ruines, au milieu de statues de femmes (on sent venir les métaphores sur sa propre introspection) ébréchées… Pour sortir de ce chagrin destructeur.

Puzzle, exploration et progression

Gris est apparenté aux jeux de plate-formes. Avec cependant, une grosse part de réflexion au fil de votre progression. Car bien souvent, votre progression sera stoppée par un obstacle environnemental qu’il faudra résoudre en observant… Et en trouvant le mécanisme, la manipulation permettant de débloquer la voie. Chaque fin de chapitre vous permet de retrouver une couleur, associée à un élément (rouge pour le désert, l’air ou les tempêtes, vert pour le règne végétal, ou encore bleu pour le monde aquatique).

Si votre héroïne ne peut que courir et sauter au début de l’aventure, elle obtiendra par la suite différentes aptitudes. Elles lui permettront de franchir ces obstacles, et d’atteindre ces orbes lumineuses que vous devrez retrouver (afin de former des constellations). Devenir plus lourde en se changeant en bloc de pierre, obtenir un double saut ou la faculté de nager… Autant de pouvoirs qui vont, à la fois, avoir des conséquences sur votre façon de jouer, et sur l’environnement.

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Bien que les énigmes ne soient pas difficiles à résoudre avec un peu de réflexion, elles vont parfois vous obliger à vous poser pour observer, réfléchir. Et quasiment à chaque fois, elles provoquent ce même sentiment extrêmement satisfaisant, lorsque vous avez trouvé la solution, et que votre héroïne peut reprendre son chemin…

Un level-design génial

Inutile d’épiloguer sur la direction artistique, tout en dessins peints à la main… Qui s’animent sous vos yeux vous faisant parfois oublier que vous êtes dans un jeu vidéo. Avec leurs teintes pastel et ce rendu crayonné, on comprend que le jeu ait eu, en 2018, le « prix de la direction artistique » à la Gamescom. Oui, on peut être un jeu à petit budget et vous mettre une claque, ce n’est pas incompatible ! Sur ce point, Gris n’est plus un simple jeu vidéo, mais un tableau… Une œuvre d’art !

Si le jeu joue, tout au long de l’aventure, sur les mêmes teintes, les mêmes environnements… On ne peut qu’aimer ces plans qui tuent la répétitivité, avec par exemple votre héroïne, soudainement minuscule, qui glisse le long d’une gigantesque pente (pour mieux renforcer l’impression de gigantisme du décor). Et c’est là que le level-design devient génial. Il sert à la fois la narration, mais aussi le gameplay. Et il est fréquent de déduire la solution d’une énigme en observant simplement l’architecture du niveau. Quand certains vous auraient popé des indices, Nomada parle non plus avec des mots, mais avec la structure même de ses tableaux.

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Enfin, pour terminer sur la technique du jeu, on pourrait aussi parler de sa musique, signée Berlinist. Violons ou piano (voire orgue)… L’OST du jeu est à l’image de sa direction artistique : juste magnifique ! Planante, onirique ou mélancolique… Elle contribue à vous plonger dans l’ambiance si particulière du titre, en s’intégrant au level-design : l’instrumentalité change lorsqu’un événement va se produire, ou lorsque vous devez interagir avec certains éléments de l’environnement (lorsqu’une tempête arrive par exemple).

Au final

Il n’est pas nécessaire d’être un jeu triple A pour vous en balancer plein la figure. Et avec Gris, son premier jeu, le studio de Barcelone Nomada signe un véritable chef-d’œuvre ! Une claque que je n’hésite pas à qualifier d’œuvre d’art plutôt que de jeu vidéo… Et qui fait un joli pied de nez à tous ceux qui pensent que les jeux vidéo sont abrutissants et stupides.

Bien sûr, le jeu n’est pas exempt de défauts. Comme par exemple sa narration à mon sens trop minimaliste : aucun texte, aucun dialogue, juste des scènes suggestives. On a envie d’en savoir plus sur cette mystérieuse Gris, mais il faut reconnaître que sur ce point, le jeu nous laisse avec une certaine frustration. De même, avec 5 ou 6h pour boucler l’aventure, le jeu est un tantinet court. Cependant, Tout est dit, et je pense que le titre de Nomada deviendrait redondant s’il prolongeait artificiellement son récit…

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Gris est de ces jeux que l’on est peu habitués à voir dans le catalogue de Devolver… Il ne révolutionne en rien le monde du jeu vidéo, mais vous promet une véritable expérience sensorielle. Si vous adhérez au concept, comme moi après avoir terminé le jeu… Vous aurez cette furieuse envie d’en parler autour de vous. Car Gris n’est pas de ces expériences que l’on garde pour soi, mais plutôt de ceux que l’on a envie de partager.


Gris

Testé sur une version dématérialisée, sur Switch
Points positifs :
  • La direction artistique
  • La bande-son
  • Le level-design
  • Les cut-scenes et leur style film d’animation
  • Gameplay simple et intuitif
  • Des énigmes avec une difficulté parfaitement dosée
  • Une progression qui coule toute seule
Points négatifs :
  • La narration trop en retrait
  • Durée de vie
  • Contenu (on aurait aimé quelques bonus, comme des artworks ou autres)