L’éditeur toulousain Third Editions continue à nous replonger dans les mangas cultissimes qui ont marqué la culture populaire. Et aujourd’hui, nous devions vous parler de Dans les arcanes de Hokuto no Ken : L’héritier de l’Apocalypse, par Paul Gaussem et Guillaume Lopez. Comme son nom l’indique, ce nouvel ouvrage nous plonge dans l’univers post-apo créé par Tetsuo Hara et Buronson, connu un temps sous nos latitudes sous le nom Ken le Survivant.

« Omae wa mō shinde iru ! »

C’est sans doute l’une des répliques les plus connues du manga Hokuto no Ken : おまえは もう 死んでる !! Que l’on peut traduire par « tu es déjà mort » !! C’est la phrase emblématique que notre héros lance à ses victimes alors qu’elles viennent d’encaisser ses techniques les plus secrètes. Et qu’il ne leur reste que « cinq secondes à vivre ! » L’ennemi hilare se met alors à imploser dans de grandes gerbes de sang.

Le « Poing du Grand Charriot » (ou Hokuto no Ken, en référence aux sept étoiles de la Grande Ourse, ou encore Fist of the North Star dans la langue de Donald Trump) est un manga en 27 volumes. Il est dessiné par Tetsuo Hara, et scénarisé par Buronson. Le manga a été initialement prépublié entre 1983 et 1988 dans le magazine japonais Weekly Shōnen Jump de l’éditeur Shūeisha. Il sera aussi publié en France entre 1999 et 2001 aux éditions J’ai Lu. Le manga connaîtra ensuite plusieurs rééditions, la dernière en date étant la Edition Extrême, chez Crunchyroll. Hokuto no Ken a aussi été décliné en anime à partir de 1984. Et c’est pas ce biais que nous l’avons connu en France dans le Club Dorothée, sous le nom Ken le Survivant, sur TF1 dès 1988.

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Une série vite censurée pour sa trop grande violence : tout d’abord gâchée par d’énormes cuts et une traduction à coups de jeux de mots foireux… Puis simplement supprimée de l’antenne. Voilà qui va nuire à cette saga, mais plus globalement à toute la japanimation, Ken devenant l’étendard des séries archi-violentes exposées à nos enfants. Pour rétablir la vérité, Hokuto no Ken est un anime pour les adultes, qui avait été acheté par les équipes d’AB Productions, en raison d’un prix de vente défiant toute concurrence. Les acheteurs n’ayant pas vraiment vérifié au préalable ce qu’ils venaient d’acquérir…

En résumé, Hokuto no Ken est un manga qui se déroule dans un univers post-apocalyptique. Sur une Terre ravagée par une guerre nucléaire, dans les années 199X. On y suit Kenshiro, un maître en arts martiaux reconnaissable aux sept cicatrices qui forment la constellation de la Grande Ourse sur son torse. Il est présenté comme l’héritier du Hokuto, un art martial séculaire. Qui permet de faire imploser ses adversaire par simple pression de ses points vitaux. Kenshiro se bat pour protéger les villageois des brutes qui ont pris le contrôle du monde. Il erre dans ce monde à la recherche de Shin, un maître du style rival, le Nantô, qui lui a fait ses cicatrices et a enlevé sa fiancée, Yuria.

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Dans cette série, on aime la façon dont la pop-culture de l’époque intègre l’imaginaire des deux créateurs de la saga. On y croisera tour à tour des copies de Stallone, Schwarzenegger, Jean-Claude Van Damme, David Bowie, Dolph Lundgren, Mister T… Avec des références à peine cachées à Mad Max ou au western italien… Mais le nouvel ouvrage de Third Editions, Dans les arcanes de Hokuto no Ken : L’héritier de l’Apocalypse, va en parler beaucoup mieux que nous… Alors place à notre critique !

Ce que nous dit l’éditeur

Voici ce qu’indique le 4e de couverture du livre :

Dans les années 1980, les mondes du manga et de l’animation sont bouleversés par le surgissement d’un univers impitoyable, celui de Kenshiro, le sauveur aux sept cicatrices. Hokuto no Ken, ou Ken le Survivant pour les francophones, apparaît alors comme une oeuvre inédite, influencée à la fois par le genre post-apocalyptique et celui des arts martiaux. Oscillant entre le manga shônen, catégorie destinée aux plus jeunes, et le gekiga, genre plus mature et sombre, le parcours du justicier à l’art meurtrier constitue un tournant dans l’histoire de la pop culture nippone.

Dans cet ouvrage, les auteurs Paul Gaussem et Guillaume Lopez explorent chaque recoin de cette oeuvre intemporelle, passant au crible ce qui en fait la substantifique moelle. La vie de ses créateurs Tetsuo Hara et Buronson, leurs influences et aspirations, mais aussi les thématiques et sous-textes de cette histoire y sont examinés, afin de rendre des honneurs mérités à une saga aujourd’hui quadragénaire.

Les auteurs

Toujours selon Third Editions :

Passionné depuis sa plus tendre enfance par les films d’arts martiaux, l’animation japonaise et le cinéma en général, Paul Gaussem est chroniqueur et rédacteur pour divers sites et magazines (Dark Side Reviews [anciennement HK-Mania], MaG – Movie and Game, AnimeLand…), pour lesquels il écrit sur ces sujets. Permanent sur le podcast Raging Fire Club aux côtés de Max Pereira et Jonathan Asia, et membre de l’équipe La 36e Chambre du cinéphage, il intervient aussi souvent dans diverses émissions (Stop-Motion, Clique – Dans la légende…).

Créateur de la chaîne YouTube Hokuto no Run, spécialisée dans l’analyse de la série d’animation Hokuto no Ken, Guillaume Lopez est aussi, en tant que membre de l’association ANI Grenoble, l’un des organisateurs du Japan Alpes Festival, événement dédié à la pop culture japonaise. Aimant par-dessus tout partager sa passion, il a collaboré avec des magazines (Animascope) et des émissions (Retrokaz, Clique – Dans la légende…), mais il intervient, présente et anime aussi des séances spéciales dans de nombreux cinémas. Japan Expo l’a également convié à plusieurs reprises en vue d’accompagner sur scène certaines stars de l’animation japonaise (Mamoru Yokota, Junichi Hayama, Takuya Wada…) lors de leurs venues en France.

Ce qu’on en a pensé

D’un point de vue esthétique (mais chacun a son propre avis), et comme pour Au cœur de Gunnm : la chair et l’acier, la couverture de l’édition standard (par Nicolas Côme) me semble plus réussie que celle de la first print (par Daniel Warren Johnson). Bien que, rappelons-le, la first-print embarque aussi, en plus du livre : une couverture exclusive de Daniel Warren Johnson ; Une jaquette réversible reprenant la couverture de l’édition classique ; Un ex-libris de Daniel Warren Johnson ; Le livre au format numérique (ePub).

Le livre, découpé en trois parties, nous transporte ! Pas que dans l’univers de Kenshiro… Mais aussi dans les années 80-90, afin de mieux contextualiser cette œuvre qui a véritablement fait évoluer le manga à cette époque. Et pour mieux nous expliquer comment Hokuto no Ken a fait évoluer un genre en particulier : le gekiga (littéralement : dessin dramatique). Qui est aux adultes ce que le shonen est aux ados. Plus que les autres mangas du genre, Hokuto no Ken transcende les notions de sacrifice, de moralité… Voire de morale, le tout sur fond de monde redevenu sauvage. Angle incontournable, on nous explique ici notamment le parcours, la vie ou encore les influences de Tetsuo Hara et Buronson. Tant culturelles, de Go Nagaï à George Miller en passant par Katsuhiro Otomo, que pour les arts martiaux.

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Une double analyse qui converge vers la genèse de Hokuto no Ken. Derrière la lecture au premier degré, derrière un héros qui protège les faibles et défonce les méchants… Les deux auteurs nous expliquent que le fil rouge de l’œuvre de Hara et Buronson est avant tout l’instinct de survie. Et la façon don Kenshiro doit en permanence évoluer en confrontant sa morale à la bestialité et la cruauté de son univers. Une longue explication de texte (ou plutôt d’une scène du manga) est d’ailleurs consacrée à cet aspect. En d’autres termes, Paul Gaussem et Guillaume Lopez nous expliquent que Hokuto no Ken est un récit beaucoup plus complexe. Plus psychologique et beaucoup plus riche qu’on ne le pense. Le manga fait aussi passer des messages, nous fait la morale… Et d’une certaine manière, est aussi un récit politique et géopolitique.

On réalise rapidement que l’ouvrage est dense, et d’une très grande richesse ! C’est une qualité, mais aussi un défaut. Car s’il parlera aux fans du manga ou de l’anime, il s’avère un peu moins accessible à ceux qui le connaissent de loin. Voire pas du tout. Ultra-référencé et plongeant parfois très profond dans le détail et les analyses, il est conseillé de connaître un minimum Hokuto no Ken. Ou bien de relire le manga, avant d’attaquer cet ouvrage de Third Editions. Mais si vous êtes un fan, ou si vous êtes nostalgique de l’anime, alors cette lecture est indispensable et incontournable. Il y a fort à parier que vous appreniez des choses sur la saga. Alors que vous pensiez tout savoir de Ken et ses amis…

Au final

Il ne fallait pas moins de deux experts pour nous rédiger un livre sur une saga qui, à l’image de Dragon Ball ou Saint-Seiya, a bercé notre adolescence… Mais trône toujours en 2023 dans les rayons de vos vendeurs de mangas préférés ! Deux auteurs qui nous démontrent que, au delà d’une œuvre qui a gardé son aura de violence gratuite et abusive dans la conscience populaire… Est beaucoup plus riche que cela. Derrière les gerbes de sang, il y a une réflexion, un message, une morale… Mais tout cela se mérite au prix d’une lecture minutieuse. Le diable se cache dans les détails, comme le dit l’expression !

Dans les arcanes de Hokuto no Ken : L’héritier de l’Apocalypse est un très bon cru dans le catalogue de Third ! L’ouvrage est très complet. Il analyse en profondeur le manga culte et ses dérivés, comme les OAV, les spin-off. Bien que Sôten no Ken ou Regenesis ne soient abordés qu’en surface… Un régal pour le fan qui, malgré toutes ses connaissances, va encore apprendre pas mal de choses ici. Attention néanmoins : pour se plonger dans cette lecture, il est quand même nécessaire de connaître un minimum Hokuto no Ken. Si ce n’est pas le cas, voilà l’occasion de se replonger dedans…


Dans les arcanes de Hokuto no Ken : L’héritier de l’Apocalypse

Les points positifs :

  • Encore une fois, un ouvrage très complet, un contenu ultra-généreux
  • Une mise en page agréable
  • Un contenu abordable
  • Le livre nous apporte de nouvelles lectures de Hokuto no Ken
  • Une approche intelligente et perspicace du manga dans son contexte de l’époque
  • Un bon rapport qualité-prix

Les points négatifs :

  • L’artwork de la couv’ de la first-print, que je trouve moins jolie (mais c’est une question de goût)
  • Parfois trop pointu pour celui qui ne connaît pas du tout l’œuvre de Tetsuo Hara et Buronson