Pour une fois, nous n’allons pas nous intéresser à un « triple A » signé par un grand studio japonais. Aujourd’hui, nous allons rester en France, avec la toute première production du tout-jeune studio Pandorica. C’est l’heure du test de How to Shoot a Criminal !
Lire aussi notre interview du studio Pandorica.
Tu vas plonger, mécréant !
Vous l’aurez compris si vous nous suivez régulièrement : How to shoot a criminal est un jeu d’enquête. C’est le moins que l’on puisse dire. Il se déroule à New York, dans les années 30, au sein d’un journal : The Revenge.
The Revenge a été créé par Aaron Williams, fils de Jack Williams, un ponte de la presse new-yorkaise. Mais le fiston, voyant plus grand que le journal The Commander de papa, a eu l’idée de créer son propre canard : the Anne Bonny’s Revenge (trahissant au passage sa grande passion pour les pirates). Son credo : écrire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ! L’intention est bonne. Mais les idées arrêtées du jeune rédac’chef vont quelque peu à l’encontre de la fameuse « liberté de penser » si chère à Florent Pagny.
Vous incarnez Scarlett, une jeune journaliste qui vient de démissionner du journal, avec six autres collaborateurs. Pas de gaieté de coeur, vous vous en doutez. Aussi, un poil revancharde, elle a désormais pour objectif de se plonger dans les archives du Revenge, afin de trouver de quoi faire plonger son (trop) utopique et de plus en plus dangereux ex-patron.
Car le bougre a pas mal de choses pas très jolies-jolies à se reprocher… Si vous voyez ce que je veux dire ! Il tourne mal, et The Revenge bascule peu à peu dans la presse à scandale et dans la délation.
Et Scarlett est persuadée qu’elle peut trouver de quoi faire éclater un bon gros scandale ! Visiblement, c’est le seul moyen de sauver l’intégrité de nos reporters…
C’est le bordel dans les archives !
Vous avez le pitch du jeu, passons au gameplay. Pour faire plonger votre camarade, vous allez donc devoir aller fouiller dans son passé, et dans celui du Revenge. Trouver des coupures de presse ou des documents irréfutables afin de ruiner sa vie. Non, ce n’est pas très chouette, mais le gaillard n’est pas un ange ! (je n’en dis pas plus, stop-spoil).
Vous voilà donc avec un total accès aux archives du journal. Le jeu se présente comme un moteur de recherches. En tapant les bons mots clés, vous allez avoir accès à de nombreux documents, notes, interviews sur disque vinyl, ou vidéos (oui, papy YouTube existait déjà en 1930 !). Il va vous falloir tout décortiquer minutieusement, trouver LE petit détail dans les vidéos, qui vous mettra sur la piste des prochains indices.
J’avoue que le principe peut sembler « pas évident » au premier abord. Face à votre moteur de recherche, la première fois, vous allez sans doute vous demander quel mot taper. Faire des recherches ? Mais sur quoi ? Au hasard, « The Revenge » ou « Aaron Williams » ? Les premiers documents s’affichent… C’est parti, Sherlock !
Certains indices n’apportent rien à votre enquête. Mais dans ce cas, ils apportent de la consistance à l’histoire générale. Un équilibre malin qui peut vous perdre, mais qui témoigne d’un scénario travaillé dans ses moindres détails. Pour sortir de l’impasse, n’hésitez pas à recouper les items en votre possession. Prenez des notes. Ou comme vous le rappelle sans cesse la voix-off, n’hésitez pas à associer des mots entre eux…
L’aventure se découpe en journées. Et à chaque nouveau jour, de nouveaux indices sont disponibles, et donc à trouver…
Durée de vie correcte
Dernière précision : mis à part les voix VF (disques ou vidéos), l’ensemble de l’interface est en Anglais. C’est donc dans la langue de Shakespeare que vous devrez taper vos mots-clé. Cet aspect ne nuit pas à la jouabilité, puisque vous trouverez la plupart des mots dans les sous-titres. Mais si vous ne maîtrisez que deux mots d’Anglais, cela risque d’être un peu plus compliqué…
Enfin, quelques mots sur la durée de vie. Lorsque les développeurs affirmaient qu’il faut compter cinq bonnes heures pour boucler l’aventure, je trouvais cela court. Mais après avoir terminé l’aventure (en un peu moins de temps), il s’avère que cette durée est plutôt correcte. Rallonger le jeu aurait sans doute été trop artificiel. Cinq heures, c’est une durée de vie idéale.
Une touche artistique séduisante
Je réalise en écrivant ces mots que je n’ai pas encore développé l’un des aspects qui m’a le plus séduit dans ce jeu : la direction artistique. Les amis, Pandorica nous confirme que le FMV (Full Motion Video) n’est pas mort !
Car le studio a fait le choix de nous proposer un jeu mêlant cinéma et jeu-vidéo. Le choix peut sembler culotté. Pourtant, ici, il est payant ! L’interface épurée au possible (il s’agit simplement d’un moteur de recherche, souvenez-vous) est complétée à merveille par les nombreuses vidéos, en noir et blanc, plutôt réussies. Et qui nous plongent de manière assez crédible dans une époque révolue.
Les développeurs nous confiaient avoir suivi les influences de L.A. Noire pour l’ambiance, et Her Story pour le gameplay ? Là encore, c’est une réussite ! Et plus qu’une influence, on y trouvera plutôt un hommage respectueux de ces deux oeuvres.
Pandorica a mouillé le maillot ! Plutôt que de dépenser de grosses sommes dans des cinématiques en 3D, les membres de l’équipe ont écrit, programmé… Mais ont aussi interprété les différents rôles, devant la caméra. How to Shoot a Criminal tient donc davantage de la performance que du simple développement. Respect !
Et comme nous ne testons pas tous les jours un jeu « filmé », j’ai comme une envie de vous lister le casting 😉
- Julie Cappe de Baillon (game design) est Scarlett Eppledore
- Alizée Veauvy (chef de projet, scénariste et graphiste) est Amy Moss
- Aurore Del Grande (actrice) est Junie Schmitt
- Loïc Janin (développeur) est Lance Aisnay
- Tom Rieu (acteur) est Aaron Williams
- Samuel Labrousse (acteur) est Mat Winsmay
- Pascal de Nicolo (acteur) est Allan Doyle
- Matthias Crévieaux (acteur) est Dimitri Ivanovitch Astrov
Les prises de vues sont assurées par la réalisatrice Mélanie Toubeau. Antoine Baconin (ingénieur du son) et Lila Marietta (éclairages) complètent l’équipe.
Quelques incohérences ?
Dans l’ensemble, l’intrigue est plutôt bien construite, et l’on appréciera de constater que les acteurs ont soigné leur jeu. De même, on sent tout au long du soft que les scénaristes se sont solidement documenté sur l’Amérique et sur le monde des années 30. Un bon point !
Pourtant, des petits détails m’ont interpellé, au départ de l’aventure ! Tout d’abord, dans ce journal qu’est The Revenge, il n’y a pas de « vieux » ! Tous les journalistes ont la vingtaine, ou quelques années de plus. En même temps me direz-vous, personne n’est choqué lorsque Tintin semble avoir débuté sa carrière de reporter pour le Petit Vingtième à l’âge de onze ans !
Autre petit détail : l’histoire se déroule donc à New York. Mais au Revenge, tout le monde parle un français impeccable, plutôt soutenu, sans le moindre accent américain !
Bon, OK ! Je rappelle toutefois que le jeu a été développé avec un budget de 2000 balles (lire notre interview) et que les développeurs sont à la fois devant et derrière la caméra. Un tel budget ne couvre ni les déplacements aux States, ni le salaire d’un J.K. Simmons ou d’un Hugh Laurie (il aurait été top dans le jeu).
On va donc passer outre ces détails ! D’autant que le récit proposé ici nous les fait vite oublier. Au bout d’une heure, une fois entré dans le soft, le joueur n’y prête plus attention (pour ne pas dire qu’il s’en fout royalement).
En revanche, un aspect du scénario m’a quelque peu surpris. Mais pourquoi Scarlett, collaboratrice d’Aaron depuis la création du journal, doit-elle chercher comme une damnée des dossiers pendant des heures, comme si elle était arrivée au Revenge il y a deux jours ? A moins d’être sérieusement amnésique, elle est censée se souvenir des événements qu’elle a, elle-même, vécus. Ou à défaut, savoir où trouver les documents qu’elle recherche… En même temps, si tel était le cas, il n’y aurait pas de jeu 😉
Au final
Peu de moyens, mais une bonne idée, et pas mal d’huile de coude… Pour son tout premier titre, le jeune studio parisien Pandorica transforme l’essai. Derrière son aspect sobre, How to Shoot a Criminal est une réussite, un titre que l’on démarre par curiosité, mais qui nous scotche devant l’écran, souris à la main.
On se laisse happer par une histoire qui peut sembler banale au premier abord, mais qui dévoile peu à peu un contexte beaucoup plus complexe. Si l’impression, parfois, de ne pas avancer, de tourner en rond, peut agacer, le soft vous lâche si besoin des indices ou des faits historiques qui viennent piquer votre curiosité. Vous n’en aurez que davantage envie de savoir pourquoi il faut couler Aaron.
Dernier petit détail, et non des moindres : le jeu est disponible sur Steam pour seulement 6,99€. Et le rapport qualité-prix y est ! How to Shoot a Criminal est donc un jeu que nous vous recommandons. D’une part pour soutenir un studio qui prouve qu’il y a du savoir-faire chez les indés français. D’autre part pour passer un bon moment, si vous êtes nostalgique de vos parties de Cluedo avec le cousin Didier…
Verdict
Un jeu d’enquête qui fait à la fois honneur aux jeux indés, et aux jeux « made in France » !
15/20
Les + :
- Un récit très intéressant
- On se prend facilement au jeu
- Le jeu d’acteurs
- Une bonne documentation sur le monde des années 30
- Sauvegarder quand on le souhaite
- Une musique simple, discrète, mais qui colle bien à l’ambiance
- Au niveau du gameplay, difficile de faire plus simple !
- Une durée de vie correcte
- Un prix attractif
Les – :
- Très peu de rejouabilité : connaître la fin nuit à l’intérêt du jeu
- Certains personnages intéressants manquent de background
- Interface en anglais
How to Shoot a Criminal, par Pandorica, sur Steam (achetez le jeu ici).
Test réalisé sur une version fournie par l’éditeur.
Site officiel