Le jeudi 30 août sortira Just Beat’em Up : World of Fury (test à lire ici), après deux ans de gestation. Avec ses graphismes en pixel-art, ce side-scroller en 2D a pour ambition de rendre hommage à l’âge d’or du beat’em up sur consoles 16 bits. Ce nouveau titre est porté par un tout jeune studio indépendant français, Zudenan Digital… Et par un homme, David Étienne, qui se prête au jeu des questions-réponses à quelques jours du lancement sur Steam de Just Beat’em Up

Bonjour David. Pouvez-vous vous présenter ?

David Étienne, 31 ans, marié et jeune père de famille depuis quelques mois à peine. Passionné d’informatique et de jeux vidéo depuis mon enfance.

David Étienne

David Étienne, à gauche sur la photo, en compagnie de Livio Ricchini, graphiste.

Quel a été votre parcours dans le monde de la programmation ? Du jeu vidéo ?

J’ai suivi un parcours assez classique en informatique générale : un DUT info, une licence info puis deux alternances : la première spécialisée dans le développement web. Et la deuxième m’octroyant un Bac+5 me permettant d’exercer le métier d’ingénieur.

En ce qui concerne le domaine du jeu vidéo, je n’ai reçu aucune formation en particulier. Et j’ai appris les différents outils spécifiques au développement de jeux en autodidacte.

Pouvez-vous maintenant nous présenter Zudenan Digital (éditeur du jeu) ?

Zudenan Digital est une très grande micro-entreprise d’une personne : moi-même 🙂 . Elle est créée depuis novembre 2017, date à laquelle la décision de commercialiser le projet a été prise, et qui, à l’heure actuelle, n’a pas encore fait le moindre bénéfice. J’espère qu’elle pourra me servir de tremplin vers la création d’un vrai studio de développement.

L’actualité de Zudenan, c’est la sortie sur Steam, le 30 août, de Just Beat’em Up : World of Fury… Pouvez-vous nous expliquer ce dont il s’agit ?

Just Beat Em Up : World of Fury est un side-scrolling-beat-them-up en 2D typé arcade, jouable entièrement à la manette, bien que le clavier soit supporté.

World of Fury

Comment est né le projet ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de développer le jeu ?

Le projet a beaucoup de signification pour moi. C’est avant tout mon premier projet de développement de jeu vidéo, du moins le premier pris avec assez de sérieux pour le mener à bien. Je cherchais tout d’abord à réaliser un jeu amusant, rapide à prendre en main, où il est possible de jouer avec un ami, et qui soit réalisable avec mes moyens. Le Beat-em-up en 2D rassemblait tous ces critères, et avait en plus l’avantage de proposer de l’action en permanence, où l’on ne s’ennuie jamais.

Par ses graphismes et ses mécaniques, le jeu fait penser à Final Fight, Streets of Rage, Golden Axe (des références que vous citez vous même)… Doit-on voir en vous un fan de l’âge d’or des beat’em up sur consoles 16 bits ?

Absolument ! Je possède chez moi une vingtaine de consoles, dont mes préférées restent celles de l’ère 8-bits et 16-bits. Je ne dis pas que leurs jeux sont meilleurs que maintenant, mais ils offrent une expérience différente. Pour un beat’em-up 16-bits, on a juste à mettre sa pièce dans la machine d’arcade ou à insérer une cartouche, et à allumer sa console pour que la partie commence : pas de téléchargements, quasiment pas de temps de chargement, pas de tutoriels interminables. Du fun concentré et immédiat !

Dans les beat’em-up de l’époque, on a souvent droit à des ambiances très musclées, avec des clichés et des situations extravagantes. Just Beat’Em Up tente de garder cet esprit, et vous pourrez, par exemple, avoir le plaisir de dégommer un hélicoptère militaire à coups de pieds ou de manchettes.

Le beat’em up old-school plaît-il encore, à une époque où beaucoup de joueurs ne jurent que par les mondes ouverts ou les battle-royale ?

Je pense que, tant que les joueurs aimeront se battre ensemble dans la joie et la bonne humeur, il y aura des amateurs du genre. En ce qui concerne le côté old-school, tout le monde n’accroche pas. Le style vise en particulier les nostalgiques qui ont connu les anciens titres, les jeunes joueurs qui apprécient souvent le style cartoon et épuré du jeu, ou encore tous ceux qui aiment le pixel-art. Un genre qui favorise la subjectivité et l’imagination.

Le rétro a t-il une carte à jouer ? Un public nostalgique et demandeur ? On pense par exemple au succès des jeux indés en pixel-art, voire au retour des machines rétro (mini ou non)…

La nostalgie des anciens joueurs est évidemment un aspect important. Mais je pense que c’est plus une question d’expérience vidéoludique que de nostalgie. Les créateurs et artistes indépendants se servent de techniques de création des jeux rétro, moins exigeantes que celles d’un jeu AAA, pour pouvoir s’exprimer et créer des oeuvres originales avec des équipes plus réduites. Il y a beaucoup de jeux rétros de très grande qualité, ainsi que de nombreux jeux indépendants qui s’en inspirent, qui continuent à paraître. Avec tant d’expériences vidéoludiques réussies, ces qualités se sont naturellement associées aux pixels dans l’esprit de bon nombre de joueurs, dont je fais partie.

Parlez-nous un peu du développement. Quel moteur avez-vous utilisé ? Avez-vous créé vous même les ressources, les différents assets ?

Le jeu est développé avec Unity, une solution populaire chez les indépendants car c’est un moteur gratuit, qui permet de faire à peu près tout ce qu’on veut en 2D ou en 3D. Mon cousin, Livio Ricchini, a participé comme bénévole au projet, et m’a énormément aidé pour tout l’aspect artistique du jeu. C’est lui qui a tout dessiné, et m’a fourni les ressources. Je me suis alors chargé de transformer ce tas d’images en un jeu vidéo. Cela paraît si facile, dit comme ça !

J’ai cru comprendre que vous étiez seul sur le projet (avec quelques petits coups de main). Le développement du jeu a t-il été contraignant ? Combien de temps a t-il fallu pour le développer ?

La création du jeu n’a pas été une mince affaire ! D’une part, parce que je manquais de technique au début du projet, et d’autre part, parce qu’il m’a fallu faire des sacrifices en acceptant de travailler sur une longue durée sans avoir de rentrée d’argent. J’ai donc consacré un an à temps plein au développement du jeu, puis j’ai dû me résoudre à trouver un travail à côté. Et j’ai donc passé une autre année à travailler le soir, en rentrant du travail, et pendant les congés et les week-ends.

Le produit final est-il conforme à ce que vous imaginiez au départ ?

Plutôt oui. Les graphismes et les animations correspondent à ce que je souhaitais, les musiques collent bien à l’ambiance et j’ai travaillé le gameplay jusqu’à avoir une version qui me convienne. Mais sans avis extérieur, je me suis souvent demandé si ce projet pourrait susciter l’intérêt des joueurs.

Il a fallu attendre les nombreux retours positifs que j’ai reçu en faisant essayer le jeu lors de différents salons, pour être soulagé et enthousiaste. À vrai dire, je ne m’attendais pas à autant d’encouragements. Le verdict final tombera cependant après la sortie du jeu.

Le jeu est, pour le moment, annoncé sur PC (Steam). Avez-vous eu des contacts pour une sortie sur consoles ? D’ailleurs, comment cela se passe t-il ?

Le jeu n’est prévu que sur PC pour le moment. Des versions consoles ne sont pas exclues, mais rien n’est sûr pour le moment, et aucune démarche n’a encore été entamée.

Peut-on parler de la musique du jeu ? Qui l’a composée ?

Absolument ! Je suis très chanceux d’avoir pour ami quelqu’un d’aussi talentueux qu’Henri Foucher aka Raven, l’auteur des musiques du jeu. Henri mérite d’être plus connu, car je trouve que ses compositions sont d’une grande qualité.

Que va t-il se passer pour le jeu après sa sortie ? Avez-vous prévu du contenu supplémentaire pour la suite ? Des mises à jour ?

Tout dépendra du succès du jeu. Je ferai évidemment des mises à jour si des correctifs sont nécessaires, mais je ne pourrai développer du contenu additionnel que s’il y a une demande.

► Lire aussi : Le 30 août : Zudenan Digital revisite la baston rétro avec Just Beat’Em Up : World of Fury

Et du côté de Zudenan ? D’autres projets à venir ?

Je suis en train d’y réfléchir. Mais je ne compte pas arrêter les créations vidéoludiques. Je souhaite proposer, la prochaine fois, un jeu encore plus travaillé, proposant une expérience de jeu encore meilleure, avec un grand nombre d’innovations. J’ai plein d’idées en tête, le tout étant de pouvoir s’organiser. Ce sera évidemment plus simple si Just Beat Em Up : World of Fury m’en donne les moyens financiers.

Parlons maintenant un peu de vous. Non plus du développeur, mais du gamer. Vous souvenez-vous de vos premiers contacts avec le jeu vidéo ?

Oui, cela m’a marqué. Si on oublie les quelques jeux d’éveil qui étaient sur le PC de mon père durant ma plus tendre enfance, mes premières expériences se sont faites avec la Master System qui m’a été offerte à Noël lorsque j’avais 5 ans. Et mes premiers contacts ont été rudes. Je mourais très rapidement dans presque tous les jeux, la difficulté des titres de l’époque était très élevée. Depuis j’ai toujours eu une console en ma possession.

Des jeux qui vous ont marqué, outre les beat’em up cités plus haut ? Est-ce l’un d’entre-eux qui vous a donné envie de « passer de l’autre côté du miroir » ?

Pour la plupart ce sont des jeux qui me permettaient de m’évader et sollicitaient beaucoup mon imaginaire. Ce fut le cas de The Legend of Zelda : A link to the Past sur SNES, et puis de la série des Final Fantasy sur PS1.

Plus tard la série de Hack’n Slash, Dark Alliance et Champions of Norrath sur PS2 allaient me procurer, ce qui reste encore pour moi aujourd’hui, les meilleures expériences de jeu que j’ai passé : des vacances scolaires entières avec des amis, à faire et refaire ces titres en entier. Je crois que c’est depuis cette période que je rêve de faire des jeux vidéo, et le virus n’a fait que s’intensifier.

The Legend of Zelda : A Link to the Past, sur Super-Nintendo (photo : Nintendo)

Quelle a été (ou quelle est) la machine de vos rêves ?

Très dur à dire ! J’hésite entre une Megadrive, une SNES, une Neo-geo, une PS4 et une Switch, mais je pense que le meilleur reste à venir.

Et aujourd’hui ? Quelles sont vos références ? Le dernier jeu qui vous a marqué ? (voire que vous auriez aimé développer)

Je suis devenu, avec le temps, un grand amateur de versus fighting. J’adore doser sur Street Fighter V. Je suis également un adorateur de la série des Dark Souls dont le Level design et le côté artistique sont géniaux.

En parallèle je continue à découvrir des jeux rétros et des jeux indés, des beat-em-up, des shooters, des point’n’click, des RPG, des FPS, des jeux de stratégies, je touche vraiment à tous les genres, il y a tant de choses à dire.

La Gamescom s’achève. Elle a fait rêver les joueurs avec des images superbes des prochains triple A… Mais aussi dans une certaine mesure les petits développeurs indés, au regard de la place que certains constructeurs ou éditeurs leur laissent. Avez-vous l’impression que la scène indé évolue, trouve sa place ?

Ce que je peux dire avec mon expérience personnelle, c’est qu’il y a de plus en plus d’organismes spécialisés et compétents pour suivre et accompagner les studios, ainsi que des événements annuels qui se développent bien en Europe, où les indépendants ont la possibilité de montrer leurs réalisations au public.

Le 30 août, ça va arriver très vite maintenant… Êtes vous prêt pour le grand jour ?

Presque, j’y travaille d’arrache pied ! Quand on est indépendant, on doit tout faire. J’ai de plus en plus d’heures de sommeil à rattraper.

Pour terminer, si vous pouviez glisser un mot aux jeunes développeurs indépendants, qui veulent se lancer dans l’aventure, que leur diriez-vous ?

L’expérience est tout simplement unique, pour peu que vous soyez passionné, acharné, et que vous n’ayez pas peur d’aller de l’avant. Passer de l’autre côté du miroir et faire partager ses oeuvres est comme un rêve. L’expérience humaine et la rencontre avec les gens du milieu est également très gratifiante.

Je dois cependant vous mettre en garde : arriver à vivre de ses propres créations est un processus très complexe et de longue haleine, que je n’ai moi-même pas encore fini de mettre en place. Ceux qui pensent faire ça uniquement pour l’argent, vous pouvez d’ores et déjà laisser tomber…

Page Steam de Just Beat’em Up : World of Fury