Le jeu Furi vient de sortir sur Nintendo Switch (lire aussi notre test). Il a été développé par The Game Bakers, un studio français, siégeant à Montpellier (34). Et c’est le co-fondateur de ce dynamique studio, Emeric Thoa, qui se prête aujourd’hui au jeu de l’interview, pour répondre à nos questions. Développement de Furi, particularités de la version Switch, parcours du studio… Il nous dit tout ! Rencontre.

Pouvez-vous vous présenter ? Qui êtes-vous ? Quelles sont vos fonctions au sein du studio ?

Je suis Emeric Thoa, le directeur créatif et co-fondateur du studio The Game Bakers.

The Game Bakers est un studio français. Pouvez-vous nous en parler ?

Nous sommes un petit studio fondé en 2010 par Audrey Leprince et moi même. Nous avons commencé par développer des jeux sur mobile (Squids, Combo Crew). Puis nous sommes revenus à nos premières amours (consoles/PC) avec Furi. Nous sommes une grosse dizaine dans l’équipe.

Emeric Thoa et Audrey Leprince, co-fondateurs de The Games Bakers (photo : The Games Bakers)

Aujourd’hui, nous parlons de Furi. Un jeu qui est disponible depuis quelques mois sur PS4, PC et Xbox One. En combien de temps a-t-il été développé ? Par combien de personnes ? Comment a-t-il été accueilli par le public ?

Furi a été développé en 2 ans et demi, avec au départ une toute petite équipe de 4-5 personnes et au plus fort de la prod une vingtaine de personnes. Nous venons juste de sortir le jeu sur Switch et la réception est fantastique, par la presse comme par les joueurs. C’est surprenant que l’accueil soit aussi bon car ce n’est pas un jeu « pour tout le monde », a priori.

Lire aussi notre test de Furi, sur Switch

Le jeu est très différent des précédentes productions du studio (Squids, Combo Crew). Un challenge, et peut-être aussi une envie de faire autre chose ?

Un envie de faire autre chose oui, mais c’est aussi quelque chose qui est ancré dans l’ADN du studio : ne pas faire deux fois la même chose. On a des goûts éclectiques, on l’assume.

L’actualité de Furi est donc sa sortie sur Switch. Pourquoi un tel écart entre les versions PS4 et Switch ?

Avant de se lancer dans le portage du jeu sur Switch, on voulait voir ce que donnerait cette console. On a attendu qu’elle sorte, on a joué à Zelda… et on a plus trop hésité. C’est une super console, on était convaincu. Mais ensuite, le temps d’avoir les kits de développement et de faire le portage, il s’est passé 9 mois.

Justement, parlons un peu des contraintes techniques. Avez-vous rencontré des difficultés ou des contraintes à développer pour la Switch ?

Pas particulièrement de contrainte, si ce n’est que la Switch est un peu moins puissante que les consoles « pas hybrides » (PS4/XboxOne), du coup il a fallu optimiser pas mal. Ça nous a pris 5 mois. Mais maintenant le jeu est quasi-identique aux versions PS4 et XboxOne.

D’ailleurs, comment cela se passe-t-il lorsque l’on « propose » son jeu à Nintendo ? On sait que le constructeur est extrêmement regardant… Est-ce que Nintendo vous a imposé des changements, ou un cahier des charges plus précis que pour les autres supports ?

Nintendo n’a absolument rien imposé. Nintendo est très regardant sur ses propres jeux ou les jeux qui touchent à ses licences, mais là c’est vraiment un jeu développé et publié par nous. Au contraire, les guidelines techniques se sont allégées chez Nintendo, par rapport à la WiiU et je dirais même par rapport aux autres consoles.

Cette nouvelle version apporte-t-elle des nouveautés par rapport aux autres versions ?

La version Switch bénéficie d’un an et demi d’améliorations et de corrections de bugs. Elle inclut le DLC « One More Fight », et dispose aussi d’un mode Speedrun en difficulty Furi (normal) et Furier (difficile), ça c’est une exclu !

Furi est défini comme un « boss-rush »… Un terme qui sous-entend que l’on va souffrir ?

Je pense que ça sous-entend plutôt un rythme et une atmosphère. On ne va affronter que des boss, des adversaires uniques, formidables, variés. Contrairement à des niveaux remplis de petits ennemis répétitifs et relativement faciles à battre. Mais oui, on va forcément ramer un peu, sinon où serait le plaisir de vaincre ces boss ?

Furi est aussi un jeu qui se démarque par sa direction artistique, par ses choix musicaux. Pouvez-vous nous parler des personnes qui sont derrière cet aspect ô combien séduisant ? Comment les avez-vous rencontrées ?

Ha ha ! Déjà il y a toute l’équipe de Game Bakers, à l’origine du projet . Ce sont eux aussi les stars. Mais pour faire ce jeu, on savait qu’on avait besoin de talents particuliers en character design, et pour la soundtrack.

Côté chara design, on a travaillé avec Takashi Okazaki, le créateur d’Afro Samurai. Il est incroyablement doué pour imaginer les petits détails qui vont rendre un personnage intéressant et mémorable.

Pour l’OST, on voulait quelque chose qui supporte le rythme soutenu des combats. On voulait de l’electro avec une identité, de l’electro qui fasse penser à un combat épique. On a commencé à travailler avec Carpenter Brut, puis d’autres ont rejoint le projet : Danger, The Toxic Avenger, Kn1ght, Scattle, Lorn, Waveshaper.

Dans son esprit, dans sa philosophie, le jeu est très « Japonais » : on y parle de duels, et on vient de parler de Takashi Okazaki… Une volonté du studio ? Une passion pour le Japon ?

Plutôt une addiction ! Le Japon me passionne. La langue, la gastronomie, la nature, les villes… pas seulement les anime et les jeux vidéo ! Mais côté game design, il y avait en effet une vraie intention de faire un jeu « à la japonaise », avec des contrôles réactifs et des personnages surréalistes.

D’ailleurs, habituellement lorsque l’on parle d’un jeu, on évoque aussi ses influences. Pouvez-vous nous en citer quelques unes, dans le cinéma ou le jeu vidéo ?

Dans le cinéma il y avait Duel de Spielberg, Duellists de Ridley Scott. C’est amusant de voir que les premiers longs métrages de ces deux grands réalisateurs avaient pour thème le duel. L’histoire de Miyamoto Musashi, côté littérature m’a aussi beaucoup inspirée. Dans le jeu vidéo, Metal Gear Solid 3, No More Heroes, God Hand, mais aussi la série des Punch Out ! (qui sont en réalité de super boss fights).

Le premier Punch Out ! sur NES

Alors qu’aujourd’hui, le online est partout, il ne me semble pas présent dans Furi. Avez-vous prévu un mode permettant aux joueurs de s’affronter, pour plus tard ?

Non, ce serait un jeu complètement différent à développer. Je n’ai jamais vraiment cru aux jeux solos qui ajoutent un mode online. Quand on veut faire un jeu online, il faut que le multijoueur soit au cœur de l’expérience. Ça ne se greffe pas facilement.

On a déjà dû vous poser cette question, mais… Furi aura-t-il une suite ?

Sans doute pas. Furi a toujours été pensé comme un jeu unique, qui resterait unique.

Parlons un peu de vous. Pouvez-vous nous expliquer quel a été votre parcours dans l’univers du jeu vidéo ?

Avant de fonder Game Bakers, j’ai travaillé sept ans chez Ubisoft, à différent postes de conception et management, et en prod sur des jeux comme Splinter Cell ou Ghost Recon. Avant ça, j’ai fait des études de conception multimédia / web et de programmation. Mais j’ai toujours aimé bricoler des jeux dans mon coin.

Vos fonctions vous laissent-elles un peu de temps pour jouer ? Si oui, à quoi ?

Même si j’ai assez peu de temps, je dois prendre le temps de jouer, pour la culture. Mais pour le plaisir, je vais jouer principalement à des jeux d’aventure ou RPG japonais. Persona 5, Nier, Valkyria Chronicles, Bloodborne. Dernièrement j’ai beaucoup aimé Golf Story, sur Switch justement.

Nous parlions précédemment de vos influences pour Furi… Mais, s’il est un jeu que vous auriez aimé développer, quel serait-il ?

Je ne me suis jamais vraiment posé cette question… Mais je crois que j’aurais bien aimé être le bras droit de Yoko Taro sur le premier Nier. C’est un jeu bancal sur plein d’aspects mais avec énormément d’âme et une grosse variété de features. Et Yoko Taro est complètement mon style de designer.

Globalement, votre expérience de gaming vous a-t-elle déjà donné quelques idées pour le futur de The Game Bakers ? Des projets ?

Rien dont je puisse parler pour l’instant, mais si l’équipe de Golf Story veut faire un Tennis Story je suis partant !