Quoi ? Encore un RPG japonais ? Encore un monde à sauver, un héros qui quitte son village et qui doit délivrer une princesse ? Je veux du neuf, de l’original !! Et bien justement : voici Persona 5 (Atlus) ! Un J-RPG qui bouleverse les canons du genre. Et qui risque aussi de vous bouleverser. Explications !
Le grand retour de Persona
Très clairement, pour les agendas des rédacteurs de tests de jeux vidéo, cette année 2017 est compliquée ! Depuis janvier, pas mal de hits se sont enchaînés, et pas vraiment des jeux que l’on termine en deux heures, croyez moi ! Ceci explique d’ailleurs la raison pour laquelle certains de nos tests arrivent avec un peu de retard, la plupart des jeux nous parvenant le jour de leur sortie…
Le dernier en date n’est autre qu’un certain Persona 5, qui marque le grand retour des épisodes numérotés de la franchise. En effet, Persona 4 est sorti en France sur PS2 en 2009 (réédité en 2013 sur PS-Vita). Entre temps, nous avions bien testé Persona 4 Arena, sur PS3 en 2013 (lire notre test ici), mais qui était en réalité un « versus fighting ».
Pour faire court sur la présentation de cette licence très populaire au Pays du Soleil Levant, Megami Tensei est apparu sur NES en 1987. Puis, la série a pris son envol avec Persona (Shin Megami Tensei : Persona au Japon) en 1992. Sur MegaCD, Super-Nintendo, GameBoy Advance, PC-Engine CD et Playstation.
Tous supports confondus, et si l’on compte les versions mobiles, on dénombre plus d’une vingtaine de jeux issus de cet univers !
Les voleurs fantômes
Persona 5 nous emmène dans un Tokyo contemporain, à la rencontre d’une bande de lycéens. Le jeu raconte les conflits intérieurs et extérieurs de ces héros qui mènent une double vie. En apparence, ce sont des lycéens tokyoïtes tout à fait ordinaires. Ils suivent leurs cours, sortent après les classes pour boire des coups, ou claquer leurs thunes dans les UFO Catchers.
Mais une fois que la fin des cours a sonné, ils deviennent surtout les « Voleurs Fantômes« . Ils participent à des aventures extraordinaires en utilisant leurs pouvoirs surnaturels pour pénétrer dans le cœur des gens. Et « faire tomber le masque » afin de les délivrer de leurs perversions, et les ramener dans la réalité.
« Bas les masques ! »
Ce pouvoir vient de leur Persona, du nom du concept psychologique décrit par Carl Jung. On parle donc de psychanalyse, pas évident à comprendre. Je résume ! Le mot « Persona » renvoie au masque que portaient les tragédiens de la Grèce antique. Mais il renvoie surtout (dans le contexte du jeu) à l’analyse de Jung disant que les individus doivent parfois adopter un rôle, un « masque social » pour rentrer dans le moule. Pour se conformer à la société.
Les héros du jeu découvrent ainsi que la société force les gens à porter des masques pour dissimuler leurs vulnérabilités. Et que ce n’est qu’en arrachant ces masques et en faisant face à leur véritable personnalité qu’ils sont capables de réveiller le pouvoir qui est enfoui en eux, dans le but de s’en servir pour aider ceux qui sont dans le besoin.
En fin de compte, les Voleurs Fantômes cherchent à altérer leur quotidien pour qu’il corresponde à leur nouvelle perception. Et qu’ils puissent voir à travers les masques de la société moderne.
Pour faire évoluer les héros, il leur faut un cadre. Et on appréciera la manière dont les développeurs retranscrivent l’ambiance, la vie, les rues de Tokyo. Ses boutiques, ses néons, ses métros bondés, son affluence à Shinjuku ou Shibuya…
En mode « anime » et « manga »
Etant un fan d’animes et de mangas, la première chose qui m’a sauté aux yeux, c’est la direction artistique de Persona 5. Franchement, je n’ai pas vraiment eu l’impression de lancer un jeu, mais de regarder une nouvelle série animée ! A contre-courant des cinématiques ultra-réalistes des triple A, Persona 5 offre des séquences dignes du meilleur de la japanimation. Et qu’est-ce que c’est bon !
D’ailleurs, pour aller plus loin, nous vous conseillons de regarder l’anime Persona 5 The Animation : The Day Breakers (A-1 Pictures), sorti au Japon juste avant le jeu. Il constitue en quelque sorte un prologue à l’aventure.
99,99% des J-RPG nous proposent des menus (in-game) classiques, pour ne pas dire trop académiques et trop sommaires, en mode « tableau Excel ». P5 en prend le contre-pied ! Les menus du titre d’Atlus adoptent une esthétique proche des vignettes de manga, avec ces gros caractères qui représentent les onomatopées dans les livres. Et pendant les combats, que dire des menus circulaires dynamiques ? Absolument génial !
« Une direction artistique soignée ! »
Cet aspect ‘comic-book » permanent est encore renforcé par un choix de couleurs où le noir et le rouge prédominent, et s’harmonisent avec l’ensemble. Tout en y apportant des nuances en accord avec le ton et le thème du jeu. Si l’on pense, à tort, qu’un beau jeu passe aujourd’hui par le photo-réalisme, Persona 5 nous prouve qu’un soft peut figurer parmi les plus beaux en optant pour une charte graphique plus artistique !
Les graphismes de Persona 5 n’ont rien de révolutionnaire ! Les décors sont parfois un peu vides et ternes. Et l’on constate quelques incohérences, comme des personnages qui disparaissent à travers les murs, ou traversent les portes sans que celles-ci ne s’ouvrent… Pourtant, pour sa charte graphique et le travail d’orfèvre des designers, il figure parmi les plus beaux jeux de cette année 2017. Persona 5 ne veut pas forcément faire plus beau, mais est indéniablement plus original !
Youpi… L’école est finie !
La scène d’ouverture vous fait faire connaissance avec notre protagoniste principal, lors d’un cambriolage au casino du coin, qui tourne mal. Après un interrogatoire musclé, flashback ! Le jeu débute un an plus tôt, avec l’arrivée du héros dans son nouveau logement « chez son agent de probation », et dans sa nouvelle école. Notre étudiant est visiblement un ado à problèmes ! Du moins, c’est ainsi qu’il est perçu, accusé d’une agression qu’il n’a pas commise…. Alors, nul besoin de le convaincre qu’il doit se tenir à carreau.
Dans Persona 5, l’aventure se découpe en journées. Avec parfois des sauts dans le temps (flashbacks ou flash-forwards)… Le temps file, et votre aventure va courir sur une année scolaire, afin de mieux comprendre comment notre héros a pu se faire prendre. Ce découpage calendaire pourrait nous faire craindre une certaine linéarité. Heureusement, vous pouvez accélérer les journées de classe.
Dans Persona 5, on trouve deux univers bien distincts : si les donjons sont plutôt axés « exploration » et surtout « combats », le monde réel a ses préoccupations plus… Terre à terre ! Ainsi, votre « délinquant » de héros aura à coeur de se faire des amis. Pour cela, il pourra accomplir des tâches qui lui permettront de booster ses stats de gentillesse, intelligence, charisme…
« Une durée de vie colossale »
Pour cela, il suffit de décrocher des petits boulots, réussir des défis… Un p’tit côté « graphic-novel » qui lui donne une touche de charme en plus. Elle est où la « première de la classe » qu’il faut séduire avant la fin du jeu ? Cela semble fun, dit comme cela, mais cet aspect est capital ! Et booster vos liens sociaux vous permettra d’obtenir des bonus très intéressants !
Si certains RPG peuvent se plier en quelques dizaines d’heures, en zappant les quêtes annexes (coucou Final Fantasy XV), Persona 5 est de ces titres qui vous poussent, malgré vous, à traîner et fouiller un peu partout avant d’aller vous coucher (et passer à la journée suivante). Et le résultat est là : comptez en moyenne une bonne centaine d’heures pour admirer la fin du jeu.
Ou plutôt l’une des fins. Car oui, sans vous spoiler, Persona 5 est un jeu à fins multiples. Heureusement, vous pourrez aussi refaire l’aventure grâce à un New Game + qui, étrangement, ne vous permet pas de garder tout.
Un système de combats nerveux et bien pensé
Lorsque le jeu ne vous entraîne pas dans de longues phases narratives, il vous propose d’explorer des « Palaces »… Des donjons quoi ! Ces palais sont, en quelque sorte, la matérialisation du monde illusoire et altéré, tel qu’il est vu par les protagonistes que vous devrez « libérer ». Avec aussi des ennemis à combattre, vous vous en doutez !
Dans ces palais, il existe deux manières de déclencher les combats. La première consiste tout simplement à aller au contact de l’ennemi, qui apparaît devant vous (suicidaire). La seconde vous demandera d’utiliser le décor pour vous en approcher furtivement, (à la manière d’un Snake dans MGS) pour le surprendre par derrière et lui arracher son masque. Dans les deux cas, un combat s’engage. Mais dans la deuxième situation, vous avez l’avantage !
Les combats se déroulent de manière assez classique : vous disposez d’une palette de commandes vous permettant d’attaquer, de vous mettre en garde, d’utiliser un objet, ou de sortir les guns. En martelant la touche d’attaque (croix), vous enchaînez les coups. Il en résulte des combats assez stylés et nerveux, illustrés de jolies onomatopées.
Quand beaucoup auraient cédé à la tentation de nous faire simplement enchaîner des commandes, P5 ajoute des mécaniques bien précises à déclencher à l’instant T. Avec vos flingues, vous pouvez même braquer certains ennemis pour les racketter… si si ! 😮 Ces mécaniques ont pour effet d’ajouter une dimension plus technique aux combats, tout en brisant une certaine routine.
« Récompenses à la hauteur de vos efforts »
La touche triangle vous permet d’engager sur le terrain votre « Persona », une créature beaucoup plus puissante, qui dispose de combos dévastateurs. Ces précieux alliés sont assez nombreux, et le jeu vous propose d’en débloquer une centaine environ.
En fin de combat vous gagnez, de manière très conventionnelle, des points d’XP qui vont booster votre niveau et celui de votre Persona. En franchissant certains seuils, vous débloquez de nouvelles compétences.
Dans les donjons, si les commandes sont assez simples à prendre en main, les combats n’en seront pas moins techniques. Et chaque fin de mois vous obligera à vous enfoncer au plus profond du donjon, pour y débusquer son boss. Pas vraiment compliqué, mais souvent assez long ! Il en résulte un formidable sentiment de satisfaction, pour ne pas dire d’accomplissement, lorsque vous battez cet ennemi redoutable ! Persona 5 est un jeu qui vous récompense à la hauteur de vos efforts !
Un gros bémol : pas de VF !
Et voici le moment d’aborder la douloureuse question d’un problème hélas récurent dans les J-RPG signés Atlus ou Nis America : une localisation qui, pour l’Europe, se limite à l’Anglais.
L’histoire a beau être passionnante, les vannes bien présentes… Vous ne pourrez en profiter que dans la langue de Shakespeare (voix et sous-titres). Un aspect vraiment fâcheux, d’autant que P5 utilise nombre de termes d’argot dont il vous sera parfois délicat de saisir le sens.
Notez cependant, pour les puristes, que la VO (en japonais donc), est disponible grâce à un DLC, depuis la sortie du jeu.
Mais qui dit « son » dit aussi « musiques » ! Et sur ce point, Persona 5 vous offre une bande-originale tout simplement magnifique. Signée Shôji Meguro, elle alterne les compositions rock, funk, acid jazz… Les thèmes vous restent en tête, et il n’est pas rare que vous battiez la mesure ou que vous chantonniez lorsque se déclenche un combat.
On vous laisse en juger avec l’extrait ci-dessous, « Life will change« , de Shôji Meguro, avec des paroles interprétées par Lyn. Pour trouver la BO complète, nous vous conseillons l’édition collector du jeu, assez copieuse !
Au final
Quelle surprise ! Je m’attendais à tester un bon jeu ! Mais clairement pas à un tel résultat ! Je ne vais pas vous mentir, Persona 5 est bien plus qu’un hit ! Il plante de nouvelles bases, que seule la licence pouvait oser !
Le ton est grave mais l’ambiance déjantée, les thématiques modernes, le contexte pas forcément fun mais le scénario est passionnant… Bref, le terrain était glissant, mais les développeurs parviennent à nous proposer un succulent mix de tout cela… Ils abordent avec intelligence et pertinence des problématiques contemporaines, matures, et qui parleront aux joueurs de tous horizons.
De plus, lorsque beaucoup seraient tombé dans une inévitable linéarité, les développeurs nous offrent ici un jeu d’une grande richesse. Le joueur est surpris en permanence par moult rebondissements. Et il y a foultitude de choses à faire, entre la quête principale, les sous-quêtes, les missions annexes, les sous-sous-quêtes… « 80h environ pour finir l’aventure » avait promis l’éditeur ? Dans Persona 5, ça s’appellerait un speedrun ! De toute manière, pour finir le jeu à 100%, vous devrez obligatoirement passer par le New Game +, alors…
Nous savions que 2017 allait être une grande année pour le jeu vidéo ! Et pourtant, on arrive encore à se laisser surprendre agréablement avec de telles perles ! Et nous ne sommes qu’au mois d’avril ! Mais que foutez-vous encore là à lire ce test ? Grouillez-vous de filer chez votre revendeur habituel, tant qu’il lui reste encore des copies de Persona 5 😉
Persona 5
Les + :
- Ses personnages charismatiques
- Des combats dynamiques
- Un scénario passionnant
- L’interface et les menus très stylés « manga »
- La retranscription de Tokyo
- Jeu d’une grande richesse
- La bande-son « groovy » fantastique
- Morgana
- Une centaine de Personas
- Excellente durée de vie
Les – :
- Encore un jeu en Anglais 🙁
- Beaucoup de texte