Sorti au Japon en septembre 2015, Jun : La Voix du Cœur est arrivé en France deux ans plus tard. Il est donc temps d’attirer aujourd’hui votre attention sur un film injustement trop discret. En effet, cet anime de Tatsuyuki Nagai vous réserve quelques belles surprises…

Mais tu vas fermer ta bouche ?

Jun Naruse est une petite fille dynamique, espiègle, et surtout très bavarde. Mais un jour, alors qu’elle rêve de voir surgir un beau prince à épouser, elle est témoin d’une scène qui va briser le couple de ses parents. Ceux-ci lui laissent croire que sa langue trop pendue est responsable de leur divorce. Alors, rongée par la culpabilité, Jun voit apparaître un personnage imaginaire, un curieux œuf qui la prive de la parole. Elle est devenue muette !

Et c’est ici que débute l’histoire. Quelques années plus tard, Jun est devenue lycéenne. Elle est choisie par son professeur pour créer le Comité Régional d’Échange et d’Amitié. Se dessine alors un collectif au mélange inattendu, composé de personnalités atteintes de troubles émotionnels, tout comme Jun. Elle devra faire équipe avec Takumi Sakagami, un ado effacé qui vit chez ses grands-parents ; Natsuki Nitou, amie d’enfance (et ex) de Takumi ; et Daiki Tasaki, star de baseball de l’école, sur les bancs des remplaçants depuis une blessure.

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Cet improbable comité est en charge de préparer le spectacle de fin d’année. Et malheureusement (ou heureusement, allez savoir) pour Jun, nos ados vont devoir plancher sur… Une comédie musicale.

Sachez aussi que cette histoire a été adaptée en manga, en quatre tomes parus au Japon entre juillet 2015 et juillet 2016. Hélas, le manga n’a pas été traduit en France.

Ce n’est pas ce que vous croyez !

Je suis la première à m’être fait avoir ! Lorsque j’ai vu, pour la première fois, le trailer de Jun : La Voix du Coeur, j’ai eu comme une impression de déjà vu… Un peu comme si Kazé nous resservait un Silent Voice low-cost. Mais autant vous le dire tout de suite, cette impression est doublement fausse ! D’une part parce que les deux histoires n’ont rien à voir… D’autre part parce que Jun n’a rien d’un anime bon marché, la qualité est au rendez-vous… On peut même dire qu’il surprend, et dans le bon sens du terme.

Rien à voir car dans le cas de Silent Voice, la surdité de Shōko est un handicap physique, de naissance, voire une maladie dégénérative. Dans Jun : La Voix du Cœur, notre jeune héroïne est muette suite à un traumatisme. Son handicap est donc d’ordre psychologique. Il n’a donc rien de définitif, en théorie. Quoi qu’il en soit, il existe néanmoins un point commun entre les deux films : le regard des autres sur le handicap, dans une société japonaise qui le considère comme une tare (au Japon, la personne handicapée est, bien souvent peu (ou pas du tout) assistée, étant considérée comme un fardeau pour la société.

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Toutefois, je tiens à modérer mes propos, dans la mesure où, si la notion de handicap est bien présente dans Jun… Elle est beaucoup plus light, plus édulcorée que dans Silent Voice. Même si cela amuse la galerie d’imaginer la « muette de service » chanter, la jeune adolescente parviendra très vite à obtenir le soutien de ses camarades…

Une animation réussie

Parmi les points forts du film, je me dois de vous parler de l’animation, particulièrement réussie. Elle est supervisée par Masayoshi Tanaka (Reborn, Ano Hana, Your Name…), dont le chara-design est reconnaissable dès les premiers instants. Belle performance aussi de Takashi Nakamura (Robot Carnival, Un été avec Coo…) qui signe des décors magnifiques, bourrés de petits détails… Donc très vivants. Pour ce qui est du bluray, il tourne en 16/9 anamorphique, avec un son Japonais ou Français en DTS-HD 5.1.

Petite mention particulière aussi pour quelques plans qui semblent tout droit tirés de livres de contes pour enfants. Oui, je sais, dit comme ça, cela peut sembler classique… Mais ces artworks sont utilisés à des moments justifiés. Cela tranche avec le reste de l’oeuvre, tout en apportant une petite touche originale.

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Et puisque l’on parle de technique, j’ai aussi envie de vous parler du doublage voix, et notamment de la performance de Inori Minase dans le rôle de Jun. Alors oui, elle double une ado muette, mais dans les sons, dans les intonations, la performance est là. Sans oublier un final très émouvant, ou l’actrice-doubleuse (et chanteuse) nous arrache quelques petites larmes…

Enfin, pour l’anecdote, les fans d’animes seront amusés de découvrir quelques références à Ano Hana, de Mari Okada, Masayoshi Tanaka et Tatsuyuki Nagai  (perso, j’en ai vu deux, mais je ne vous dis rien ^^).

Des thématiques plus profondes qu’il n’y paraît

Loin des animes fantastiques ou kawaï, ce Jun, La Voix du Cœur est une très belle représentation de la vie ordinaire d’adolescents très «terre à terre». Un peu trop d’ailleurs, ceux-ci faisant parfois preuve d’une grande maturité. Et si le mutisme de Jun (donc le regard des autres sur le handicap) est la thématique qui va vous sauter aux yeux, on apprécie de voir d’autres problématiques se dessiner petit à petit.

Le handicap de la jeune héroïne n’est en effet que la face cachée de l’iceberg. Et très vite, on découvre que le choix des quatre personnages principaux n’a pas été fait par hasard. Chacun est livré avec ses problèmes, ses propres tracas. Ainsi par exemple, le gentil Takumi est la démonstration parfaite du fait qu’il n’est pas nécessaire d’être handicapé pour s’isoler, pour s’enfermer et se couper du monde. Contrairement à Jun, il peut parler, mais comme il le dit lui-même, c’est aussi une forme de handicap.

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En réalité, le thème majeur du film est bien évidemment la façon d’exprimer ses sentiments… Et de sortir de sa bulle, avec l’omniprésence de la métaphore de l’œuf. Cette coquille qui vous protège mais vous isole, mais qui ne peut être brisée que de l’intérieur. Et bien entendu, on ne pourra pas éviter les thèmes que sont l’amour, la jeunesse, l’amitié… Des questions que l’on aurait presque oubliées, tant elles semblent évidentes dans un tel animé.

Tout pour la musique

Après mure réflexion, j’ai longtemps hésité à ranger cet anime dans la catégorie « comédies musicales » ! Ce qu’il n’est pas, mais ce que l’on pourrait penser tant la musique est centrale dans la narration. Comme le disait la scénariste Mari Okada, «il ne s’agit pas d’une comédie musicale mais d’une histoire où des lycéens en montent une».

Outre le fait que la musique constitue l’objet du final de l’anime, elle est surtout le traitement au handicap de Jun. «Ce que tu ne peux pas dire en parlant, dis-le en chantant», lui suggère Takumi. Le but de la jeune ado sera alors d’apprendre à relâcher sa culpabilité en trouvant un moyen de faire entendre sa voix, de s’exprimer par le chant…

La musique est omniprésente. Par les compositions très réussies de Mito (du trio Clammbon) et Masaru Yokoyama, avec un thème principal par le groupe d’Idols Nogizaka46, tout d’abord. Mais aussi par des partitions plus connues, comme Over The Rainbow, Around The World, La Pathétique (Sonate pour piano no 8 en do mineur, op. 13 de Beethoven).

Au final

Annoncé pour avril 2016 en France, ce film a été repoussé à décembre de la même année, puis encore décalé pour sortir finalement en septembre 2017. Au final, Jun : La Voix du Cœur est sorti dans un quasi-anonymat, « oublié » par les salles de cinéma. C’est dire si cette version physique, chez Kazé, a son importance. Elle est le seul moyen de découvrir cette perle de l’animation.

Alors au final, faut-il craquer pour ce Jun : La Voix du Cœur ? Si vous êtes fan de chouettes films d’animation, si vous aimez avoir un p’tit pincement au cœur, bien évidemment que oui ! D’autant que, comme je l’ai dit plus haut, le film souffre d’une confidentialité qui ne lui rend pas justice ! Et finalement, malgré ce que son trailer aurait pu laisser penser, il n’est pas un Silent Voice bis ! Avec ses propres codes, ses propres mots, il nous raconte une histoire bien différente, mais tout aussi touchante ! À voir, donc !


Jun : La Voix du Cœur

  • Titre originalKokoro ga Sakebitagatterunda
  • de Tatsuyuki Nagai, scénario de Mari Okada.
  • chez Kazé.
  • Genre : School-life / romance / drame.
  • Musique : Mito et Masaru Yokoyama.
  • Durée : 120 minutes.
  • Disponibilité : en DVD et bluray.

 

On a aimé :

  • Une histoire très touchante
  • Un quatuor attachant
  • La musique qui s’insère parfaitement dans l’anime
  • L’animation réussie
  • Quelques touches d’humour
  • Des thématiques profondes, amenées avec pertinence

On aime moins :

  • Une fin qui… surprend.
  • Des points de vue parfois un peu trop édulcorés.
  • On aurait aimé plus de bonus (pour l’édition standard).
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