Si vous êtes un fan du film Les Dents de la Mer (de Spielberg en 1975), alors ce test vous a interpellé. Vous êtes donc ici pour savoir si ManEater va satisfaire votre soif de sang, votre appétit intarissable. Car pour notre test du jour… Vous allez incarner un requin !

Baby Shark !

ManEater n’est pas le premier jeu vidéo dans lequel vous pouvez incarner un requin ! Car ce serait oublier un peu trop vite l’excellent Jaws Unleashed (inspiré par le film Les Dents de la Mer) sorti sur PS2, Xbox et PC en 2006, ou dans une certaine mesure Hungry Shark. Toujours est-il, et c’est un bon point pour le jeu de Tripwire, que le fait d’incarner un requin n’est pas si courant dans un jeu vidéo ! Alors dans un RPG… N’en parlons pas !

Dans ce qui nous a été vendu comme un R(equin)PG (ou shaRkPG dans la langue de Shakespeare), vous allez donc incarner un puissant monstre des profondeurs, capable de ravager tout ce qui peut être croqué, dans l’eau ou en dehors. Et ce ne sont pas ces satanés chasseurs de requins qui… Ah, tiens, si !! Oh, mince… Après une séquence de gameplay tutorielle et une cinématique que je vous laisse le soin de découvrir, le jeu débute enfin… Et vous voilà en réalité dans la peau d’un bébé requin bouledogue femelle (adieu au monstre adulte du début). Enfin, pas pour longtemps !

Le premier point que l’on appréciera dans ce ManEater est le ton du jeu. Afin de décomplexer un titre qui donne dans le gore et dans les mares de sang… Les développeurs de Tripwire ont pris le parti de choisir un ton décalé, un humour bien noir, avec parfois une touche de cynisme. Le jeu est raconté sous forme d’émission à mi-chemin entre le documentaire et la télé-réalité… Reprenant les codes de ces programmes complètement WTF où des Rednecks en mal de virilité vont aller chatouiller du silure en gonflant les biceps. Bienvenue dans une ambiance nanardesque assumée, à la façon d’un « Sharknator contre les oursins tueurs » !

Assassin’s Shark

ManEater est donc un RPG… Pardon, un R(equin)PG ! À l’instar d’un Assassin’s Creed, il se déroule dans un monde semi-ouvert (avec des limites, et 8 zones interconnectées, qui se débloquent au fur et à mesure)… Et le joueur devra accomplir de nombreuses missions, principales et annexes, matérialisées par des points d’intérêt sur la carte. D’une part pour faire progresser l’intrigue, d’autre part pour faire évoluer son personnage.

Notre créature débute donc en étant un bébé. Mais au fur et à mesure que vous allez gagner en expérience, vous pourrez voir votre avatar à aileron évoluer, de deux manières distinctes. La première évolution est tout simplement liée à son état, qui passera de bébé à adolescent, requin adulte puis requin âgé (et aussi un stade « mega » totalement pété). Avec évidemment les stats qui évoluent avec… La seconde forme d’évolution, concrètement, ce sont vos aptitudes que vous allez pouvoir optimiser avec des ressources obtenues en boulottant tout ce qui bouge (protéines, lipides, mutagène, minéraux)… Ces modifications vont non seulement améliorer le gameplay… Mais aussi complètement changer l’apparence de votre créature (couvert de plaques osseuses, ça peut surprendre).

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Bien évidemment, il y aura aussi des combats dans ManEater. Tout d’abord contre des créatures faibles (tortues, mérous, poissons chats), puis plus coriaces (tomber contre un alligator de niveau 8 quand vous êtes au niveau 1, ça pique). Et puis, il y aura les humains… Des inoffensifs baigneurs jusqu’aux chasseurs de primes, plongeurs ou bateaux de pêche… Plus vous serez considéré comme un danger public (plus votre rang d’infamie sera élevé), et plus des ennemis puissants seront à vos trousses. Et histoire de corser le challenge, chaque fin de niveau est gardée par un prédateur plus puissant, plus redoutable.

À coups de dents (la touche R2 pour serrer ou desserrer votre mâchoire, vous pouvez aussi secouer vos proies) ou en propulsant vos adversaires d’un coup de queue… En nageant furtivement sous l’eau, en bondissant tel Willy tout juste sauvé, ou en mode prédateur avec l’aileron qui dépasse de la surface… À vous de faire le ménage ! Et l’esquive ne sera jamais de trop, notamment face aux balles traçantes des pêcheurs ou aux adversaires plus forts que vous. Hélas, dans le feu de l’action, on ne cherche jamais la subtilité. Et les combats se soldent bien souvent par des phases bien bourrines, à spammer les touches d’action… Simple effet de la panique qui découle de soucis de caméra stressants, et d’une jouabilité parfois un peu rigide, et pas du tout évidente pour le déplacement sur l’axe vertical.

Une technique qui patauge ?

Il est temps d’aborder ce qui, selon moi, va constituer l’un des problèmes majeurs du jeu : son optimisation. Car sur ce point, il y a énormément de choses à redire. À commencer par une caméra qui fait un peu n’importe quoi, et que l’on doit souvent remettre dans le bon axe. Quand on se balade, c’est juste gênant… En plein combat, c’est un peu plus compliqué !

Le jeu montre vite ses limites dès lors qu’il faut simplement progresser dans l’aventure. Des bugs d’affichage, des soucis de collision, du lag et de gros ralentissements… Ça rame ! S’il y avait foule d’éléments à l’écran, on pourrait comprendre. Mais le pire, c’est que ces soucis surviennent souvent dans des situations que l’on pourrait qualifier de « basiques » comme un changement de zone, par exemple, ou avec de simples groupes de créatures à l’écran. On sent que le jeu tire parfois la langue, en témoignent des écrans de chargement longuets.

C’est d’autant plus dommage que le jeu, qui tourne sous Unreal 4, est bourré de bonnes intentions. L’animation des créatures est réaliste et particulièrement réussie, certains panoramas sont vraiment chouettes, et la bande-son colle parfaitement à l’ambiance. On pourrait aussi parler des jeux de lumière, très crédibles que vous soyez sous l’eau ou à la surface (avec en plus un cycle jour-nuit, on apprécie).

Les défauts qui font « plouf » …

Sur le papier, le jeu a tout pour plaire : un propos original, un « héros » charismatique (ou sharkrismatique), une vraie ambiance et une vraie personnalité. Pourtant, avec le recul, si l’expérience est globalement bonne, plusieurs aspects peuvent décevoir.

C’est ici que je pense par exemple aux quêtes annexes qui, d’une part ne sont pas toujours très intéressantes (manger 10 mérous ou 10 poissons chats dans une zone)… D’autre part, elles sont souvent répétitives. Et de ce fait, le joueur a deux réactions possibles : soit il se lasse et zappe totalement ces missions secondaires (donc une durée de vie plus courte)… Soit il subit, mais ne gardera pas un bon souvenir de ces passages, qui ont pourtant l’intérêt de looter des ressources pour évoluer.

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À mon sens, le jeu se loupe aussi sur sa partie explicative, et les objectifs ne sont pas toujours clairs. Alors, on tourne souvent en rond, sans savoir ce qu’il faut faire exactement pour progresser. Et tant que vous n’avez pas réalisé l’objectif demandé, il ne se passe pas grand chose. C’est d’autant plus dommage qu’il y a énormément d’objectifs à accomplir dans le jeu, je vous assure ! Mais ce n’est pas l’impression qu’il laisse.

Enfin, je terminerai sur le mauvais équilibrage de la difficulté, qui peut aussi gâcher l’expérience (et la durée de vie). Le jeu peut être difficile, et offre un bon challenge dans sa première moitié… Mais devient beaucoup trop facile sur ses dernières heures. Vos premiers pas risquent de vous freiner, face à des alligators plus puissants contre lesquels vous allez enchaîner les morts. Mais une fois que vous aurez suffisamment évolué, vous allez contrôler une machine à tuer surpuissante, qui mettra même les requins-marteaux et les orques en PLS. Plus vous avancerez, moins il y aura de challenge… Et plus vite vous allez rusher jusqu’à la fin.

Sans doute aussi parce que les améliorations possibles vont vous permettre de modifier votre requin fait initialement à 100% de cartilage et de chair… Avec des plaques osseuses, une mâchoire bio-électrique ou des nageoires cybernétiques. Certes, ça augmente vos stats… Mais vous allez finir par contrôler une version « poisson » de Terminator : le côté délirant du jeu est parti loin, là !

… Mais on aime quand même !

Malgré ces petits défauts d’ordre technique, le jeu vous laissera tout de même une impression globalement bonne… Notamment si vous êtes fans du Dents de la Mer de Spielberg, et plus particulièrement si vous êtes plutôt « team Bruce » que « team Brody » !

Tout d’abord, si vous passez outre les quêtes annexes souvent ennuyeuses, l’aventure principale est très sympa à suivre. On se prend vite au jeu, et d’empathie pour notre requin bouledogue… Tandis que l’on a cette envie permanente de défoncer cette enflure de Pete L’Écailleux (qui a peut-être de bonnes raisons de détester autant les squales). Avec toutefois un petit regret : celui de boucler ManEater en 15 heures grand max (si vous visez le 100%). Un peu court pour un RPG, bien qu’au delà, le jeu aurait sans doute tourné en rond.

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ManEater est clairement un plaisir coupable, qui ne se prend jamais au sérieux, et joue la carte du second degré jusqu’au bout ! C’est à la fois valable pour ses dialogues ou pour sa narration (dommage qu’il n’y ait pas de VF, mais les commentaires décalés de Chris Parnell, du Saturday Night Live, sont un régal)… Mais aussi pour la grande liberté d’action laissée aux joueurs. Ainsi, pour devenir l’ennemi public N°1, vous aurez plusieurs possibilités. Soit foncer dans le tas et faire des carnages sur les plages… Ou alors laisser parler votre sadisme, en épargnant vos victimes, en laissant s’enfuir de pauvres baigneurs amputés de leurs jambes ou de leurs bras… Le jeu vous le permet aussi.

Et puis, on ne manquera pas de saluer un modèle économique aujourd’hui devenu rare. D’une part, le titre est vendu à un prix plus qu’honorable, soit 39,99€ (et avec si peu de sorties en ce moment, ça peut convaincre)… D’autre part, les développeurs ont « oublié » de vous permettre de progresser en dépensant votre argent dans des micro-transactions, comme le font tant d’autres. À croire qu’il n’y a pas que des requins dans l’industrie du JV 😉

Au final

Le pari est réussi pour ce ManEater, dans son intention de nous plonger dans un RPG, dans la peau d’un terrifiant requin mangeur d’hommes (ou de tout ce qui bouge, d’ailleurs). Qui plus est, le jeu brille également par son ton décalé, par un petit coté « plaisir coupable » qui fait que l’on est obligé de s’y intéresser (à plus forte raison lorsque les grosses sorties ne sont pas légion dans les rayons).

Pourtant, plus on avance, et plus la curiosité est remplacée par de la frustration : une optimisation imparfaite, des missions secondaires très redondantes, une durée de vie qui s’affaiblit lorsque le challenge est en chute libre… Dommage ! ManEater est un titre avec un potentiel énorme, mais qui n’a visiblement pas été exploité à son maximum.

Vous craquerez si vous aimez l’originalité du propos, ou si vous avez toujours été pour le requin dans les films Les Dents de la Mer. Dans le cas contraire, ManEater est un bon jeu qui vous offrira de bons moments, à prendre comme un gros défouloir où vous faites régner votre loi en étant le plus puissant… Mais qui ne figurera certainement pas parmi les incontournables de l’année.


ManEater

Testé sur une version PS4, fournie par l’éditeur.
Dents de la mer :
  • L’originalité de ce RPG où l’on incarne un requin
  • L’évolution de votre avatar à aileron
  • Commentaires de Chris Parnell
  • Ça défoule et c’est fun !
  • La modélisation du requin
  • Les boss et les mid-boss
  • Un ton décalé, voire cynique
  • L’ambiance audio
  • Le modèle économique du jeu
Sharknado :
  • Manque de finitions sur des personnages humains aux traits grossiers
  • Parfois, ça rame beaucoup, gros soucis d’optimisation
  • Quêtes répétitives
  • Des combats bourrins, peu inspirés
  • Les longs écrans de chargement
  • Un requin bien trop pété après quelques heures de jeu
  • Durée de vie un peu chiche