Quand Universal Studios a voulu adapter son nouveau Jurassic World en jeu vidéo, il a eu l’excellente idée de confier la tache à Frontier (Planet Coaster). Il en résulte un Jurassic World Evolution à des années lumières du scénario niais au possible du second film ! Et forcément, s’il y a de la gestion, on est partants pour un test !

L’espace d’un instant, on a eu très peur !

Bien qu’ayant été marqué par le tout premier Jurassic Park (de Steven Spielberg, en 1993), j’avoue que mon intérêt pour la licence a, par la suite décliné. Jusqu’au jour du renouveau : la franchise allait connaître une nouvelle jeunesse (pleine d’effets spéciaux) avec Jurassic World ! Un film sympatoche à regarder, mais qui retombe vite dans le cliché, pour une fin un peu trop bâclée à mon goût.

Aussi, c’est avec une très grosse appréhension que je découvrais sa suite dernièrement : un Jurassic World : Fallen Kingdom hélas à la hauteur de mes attentes. À savoir 20 minutes excellentes, puis 1h40 de clichés, incohérences et autres débilités qui laissent à penser que le studio s’est bien payé notre tête ! Comme les dinosaures qu’elle met en scène, la franchise cinématographique « Jurassic » semble en voie d’extinction ; le talent des scénaristes, lui, est mort depuis bien longtemps !

Je vous laisse donc imaginer mon angoisse, en apprenant que Universal Studios voulait adapter son prochain film en jeu vidéo ! Les jeux adaptés de films sont rarement des pépites, croyez-moi… Alors, lorsqu’il s’agit d’adapter un nanard, je vous laisse imaginer la catastrophe !

Puis, ma frayeur s’est estompée, en découvrant que la mission avait été confiée à Frontier. Un studio plutôt à l’aise lorsqu’il s’agit de créer des jeux de gestion de parcs (on lui doit l’excellent Planet Coaster). Alors, je me sentais rassuré de constater que Frontier n’envisageait aucunement d’adapter les mésaventures dans un manoir, en mode Resident Evil, de Owen Grady et Claire Dearing ! Jurassic World Evolution serait… Un jeu de gestion de parc d’attraction ! Qui plus est, il s’inspire du film de 2015 ! Ouf !

Retour à Jurassic World !

C’est donc avec un soupir de soulagement, et un plaisir non dissimulé, que l’on constate que Jurassic World Evolution s’éloigne considérablement du scénario du film. Et ce malgré le fait que le jeu soit une commande d’Universal. Un jeu de commande, késako ? Grosso-modo, Universal donne de l’argent et les droits de la licence (personnages, dinos, musiques) au studio, pour qu’il lui développe un jeu officiel…

Et sans surprise, Frontier s’engage sur le terrain qu’il maîtrise le mieux : la gestion ! Jurassic World Evolution est un Planet Coaster avec des dinos (42 en tout), pour vous la faire courte ! Vous y incarnez un directeur de parc d’attraction, dont la mission est de développer un parc en y installant des dinosaures, et en ouvrant des boutiques (vêtements, goodies, restaurants…) pour soulager les visiteurs de leur argent. Mais comme nous sommes dans un jeu Jurassic World, vous devrez aussi parfaire vos attractions en finançant la recherche, pour perfectionner vos génomes et créer de nouvelles espèces !

Les amateurs de gestion de dinos ne seront pas dépaysés, puisque Frontier reprend ici le principe de l’une des références du genre, Jurassic Park Operation Genesis, sorti en 2003 chez BlueTongue. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le jeu de Frontier en est vraiment très proche !

Qu’est-ce qu’ils ont là dedans ? King Kong ?

En tant que gérant de parc jurassique, vous allez devoir conquérir les six « Islas de la Muerte » ! Ce fameux archipel où se déroulent les films Jurassic Park et World. Et votre périple débute sur Isla Matanceros. Un univers verdoyant, pas trop de tempêtes tropicales… Ce niveau assez simple fait office de tutoriel. Mais au fur et à mesure que vous allez gagner en notoriété, en boostant la popularité de votre parc, vous allez débloquer les suivantes (en conservant l’évolution de vos recherches).

Les choses vont se compliquer dès votre deuxième destination : Isla Muerte, plus sujette aux tornades tropicales… Suivront Isla Sorna (encore plus de calamités, mais île la plus grande), Isla Tacano (et ses cyclones), Isla Pena, puis la fameuse Isla Nublar de Jurassic Park (le mode bac à sable du jeu) ! Chacune a donc ses particularités, et apporte de la diversité, dans les situations comme dans les possibilités de construction. De quoi briser le coté redondant, qui s’installe assez rapidement.

Trois pôles, trois priorités

Les différents défis qui vous seront proposés s’articulent autour de trois pôles. Et il vous faudra choisir l’une de ces orientations pour chaque île. Le premier pôle est le divertissement. Il consiste à optimiser vos enclos en offrant du dino aux visiteurs, mais aussi à les pousser à dépenser dans les boutiques (fast-food, souvenirs, vêtements, etc).

Le second pôle est la recherche. Ici, vous devrez envoyer des expéditions sur des sites de fouilles, sur les cinq continents afin de déterrer des fossiles. Vos scientifiques pourront alors compléter les génomes de vos dinosaures, afin de booster leurs aptitudes, leur durée de vie, etc. Et le jeu s’inspirant de Jurassic World, vous pourrez aussi modifier ces génomes, pour créer des bestioles avec « plus de dents » ! Vos laborantins auront aussi pour fonction d’améliorer votre équipement.

Enfin, le troisième point est la sécurité. Faites régulièrement des exercices pour permettre à vos gardes de devenir plus réactifs, plus efficaces… D’autant qu’ils devront à la fois réparer la casse lorsque des dinos s’échappent de leurs enclos… Mais aussi entrer dans ces derniers pour administrer des soins aux créatures malades. Rattachée à la sécurité, la section UC assure le transfert des dinosaures, capture les fugueurs, et sort l’hélico pour évacuer les cadavres, afin d’éviter les épidémies.

Dépensez sans compter !

Maintenant que vous avez compris les bases du jeu, il est temps de s’attaquer au gros morceau : votre efficacité à devenir multi-millionnaire en passionnant l’opinion publique. Mais pour cela, vous allez devoir mettre la main à la poche !

Une fois les premières structures construites, votre compte en banque est au plus mal ! Seule solution pour regonfler votre porte-feuilles : accepter les missions qui vous sont proposées par le référent de la catégorie que vous aurez choisie en début de partie (divertissement, sécurité, recherche). Soigner un dinosaure… Prendre une photo… Compléter un génome… Créer une clôture électrifiée… Participer à un exercice de sécurité… Faire combattre deux dinosaures pour faire kiffer vos visiteurs (bravo la morale)… Vous n’aurez pas le temps de vous ennuyer !

Très vite, vous allez aussi comprendre que vos boutiques vous coûtent un bras, pour une rentabilité médiocre. N’hésitez pas à reconsidérer leurs produits phares, en montant la note ! Vous vous souvenez sans doute de Theme Park ? Du sel à foison dans les frites pour donner envie aux visiteurs d’acheter à boire ? Et bien, ressortez ici votre coté vénal ! Des lunettes à vision nocturne, c’est beaucoup mieux qu’un t-shirt ! Et encore plus lorsque ces lunettes sont vendues deux ou trois fois au dessus de leur prix de production (attention quand même à ne pas viser trop haut).

Un jeu chouette à regarder

Au niveau de sa réalisation, Jurassic World Evolution est un très chouette jeu ! On dézoome et on zoome à loisir sur les zones, finement détaillées. Lorsque tombent les premières averses, on est admiratif en remarquant des flaques se former, les dinos reluire, ou les visiteurs se couvrir la tête et accélérer le pas. De même, l’animation des (nombreux) végétaux est très réaliste et très crédible. Bien sûr, on n’échappera pas à quelques bugs d’affichage, comme les gros dinos qui passent à travers les textures des arbres, par exemple !

Mention spéciale pour l’animation des dinosaures, très réaliste. Ou plutôt devrais-je dire calquée sur les films. Et pour chaque incubation réussie, on se surprend à rester admirer les dinos, lâchés dans leur enclos. Ils bénéficient alors d’une animation très agréable. Le fait de prendre le contrôle d’une jeep des gardes vous permettra de conduire dans votre parc en mode GTA (mais vous ne pouvez écraser personne, hein)… Ou encore de prendre des photos des dinos, que vous pouvez revendre (ah bah bravo ! Rien ne se perd, hein ?).

Bien que le jeu s’éloigne du film dont il est le produit officiel, il assure néanmoins sa part de fan-service. À commencer par la bande-originale officielle, et le thème légendaire créé par John Williams. Lors de certains dialogues qui font intervenir des personnages de Jurassic World, vous entendrez les voix (en VO, ou alors les doubleurs VF), de Chris Pratt, Jeff Goldblum ou Bryce Dallas-Howard.

Plus complexe qu’il n’y parait : la théorie du chaos ?

Au premier abord, le jeu semble simple à prendre en main. Peut-être même un peu trop simpliste pour les amateurs de jeux de gestion. Un « parc-creator » low cost, en quelque sorte ? Pourtant, il ne faut pas se fier à l’apparente simplicité de Jurassic World Evolution ! Plus complexe qu’il n’y parait, il pourrait vous réserver quelques surprises.

À commencer par un lien assez poussé de causes à effets. Gardez un oeil sur les statistiques de vos dinos. Car un animal malheureux aura deux réactions : soit il cherche à s’évader, soit il meurt. Et s’il meurt, si vous ne vous dépêchez pas d’évacuer son cadavre, une épidémie menace votre enclos… Donc la mort d’autres animaux… Donc une perte de bénéfices… D’où l’intérêt de ne pas négliger la recherche, afin d’optimiser les génomes : un génome de dinosaure complet à 50% fera naître des créatures faibles… Un ADN complet à 100% vous assure un animal d’une longévité et d’une résistance incomparables.

Si l’animal s’échappe… Pensez déjà à demander à vos gardes de réparer la clôture ! Et maîtrisez vite le fuyard, avant qu’il ne fasse des victimes parmi les visiteurs. Auquel cas votre cote chuterait, et vous écoperiez d’une lourde amende… Mais paradoxalement, l’humain étant ce qu’il est… De nombreux curieux pourraient avoir envie de pousser les portes du parc afin de voir le dinosaure « qui a tué tant d’humains » !

Un conseil pour réussir : pensez à tout ! Imaginez une centrale électrique dont vous auriez négligé le développement. Que se passe t-il à la moindre panne, avec les clôtures électrifiées des prédateurs ? Que se passe t-il si une tornade approche mais que vous n’avez pas construit de centre météo ? Et que se passe t-il si un carnassier s’échappe mais que vous n’avez pas prévu d’abris pour les visiteurs ? Chacune de vos négligences se paie cash !

Des aspect « gestion » qui manquent

Étrangement, si l’on sent la volonté du studio de nous proposer un aspect « gestion » très poussé, la mayonnaise retombe dès lors que l’on regarde du coté des dinosaures. Alors oui, il faudra garder un oeil sur leurs statistiques, car un dino mal à l’aise, trop à l’étroit n’a qu’une idée en tête : se tirer. Et un carnivore en liberté, ça peut faire mal ! Et oui, il faudra veiller à leur état de santé, les créatures pouvant choper des maladies plus que de raison… Mais…

Il manque quand même quelques petits détails pour que tout soit parfait ! Ainsi par exemple, vous dinosaures ne dorment jamais ! Normal me direz-vous, le public ne doit pas s’ennuyer… De mêmes, vos animaux semblent ne pas connaître l’effet de troupeaux. Pourtant, on sait que certaines espèces avaient une organisation sociale. Surtout chez les petits herbivores, pour qui c’était là un bon moyen de faire face aux prédateurs. Ici, on ne ressent pas cet « effet troupeau » ! Certes, les animaux se « sociabilisent » dans le jeu, mais… Cette caractéristique manque encore de consistance, pour vite retomber dans le générique.

Le casting est copieux avec ses 42 dinosaures ! Pourtant, les développeurs ont réussi à en oublier, faisant l’impasse sur les ptérodactyles, ou les dinosaures aquatiques… Et puisque l’on parle des « oublis » des développeurs, il aurait été pratique de simplifier certaines commandes de base. Ou de pouvoir accélérer le temps, par exemple !

Enfin, si le jeu vous offre le spectacle d’une météo dynamique du plus bel effet (quand il pleut, des flaques se dessinent sur le sol, les gens courent pour s’abriter…)… J’avoue que l’on aurait apprécié d’avoir aussi un cycle jour-nuit. La nuit aurait alors pu offrir tant de nouvelles possibilités…

Des voix off et un guide à la ramasse ?

Autre point légèrement frustrant dans le jeu : le tutoriel qui semble se déclencher sans tenir compte des actions du joueur ! Je m’explique : sur la première île, votre interlocuteur vous aidera à agir en vous donnant de précieuses informations. C’est un tutoriel, quoi !

Mais au bout d’un moment, une fois que vous aurez le jeu en main, il continue à vous soumettre des missions consistant à construire des édifices, ou à créer des espèces que vous avez déjà créées. Ne prenant pas en compte le fait que vous l’ayez déjà anticipé par vous même, vous voilà obligé de construire un deuxième fast-food, ou d’incuber un second tricératops !

Du coté des voix-off, le joueur fan de Jurassic sera ravi de retrouver, en VF, les voix de Ian Malcom (Jeff Goldblum) ou Owen Grady (Chris Pratt). Ils apparaissent soudainement dans une petite fenêtre de dialogue, pour vous sortir deux ou trois répliques en lien avec les films. Oui, mais… Si l’idée est excellente à la base, il devient vite fatiguant d’entendre une même réplique pour la cinquième fois ! OK Owen ! On a compris qu’il faut parfois lâcher la bride de nos dinos !

Au final

Fan de jeux de gestion, autant vous dire que j’ai accroché quasi instantanément à ce Jurassic World Evolution ! Pour tout vous dire, lors de ma première partie en plein après-midi, pensant avoir joué trois heures… Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir qu’il était déjà presque 21h. Si vous aimez le genre, et si vous tombez dedans… Ça va être compliqué de décrocher !

Bien sûr, on pourra lui reprocher une certaine redondance dans ses missions, ou encore un nombre de structures finalement assez limité… Mais la routine est rapidement brisée par les imprévus : dino qui se fait la malle, épidémie qui survient sans crier gare… Finalement, on ne s’ennuie pas !

Au final, le meilleur qui pouvait arriver à la licence était d’être confiée à Frontier ! Le studio maîtrise d’une part l’aspect gestion, et son savoir-faire rend le jeu à la fois accessible aux néophytes, tout en restant une base solide pour les puristes. D’autre part, Frontier reste fidèle à l’esprit inculqué par les premiers Jurassic Park, pour le grand bonheur des fans. Jurassic World Evolution est à la fois un bon park-builder, et un bon Jurassic World !


Jurassic World Evolution

 

T-Rex !! :

  • La bande-originale officielle
  • Le jeu n’a rien à voir avec le film Jurassic World II
  • Des effets visuels vraiment chouettes
  • Du challenge à tous les étages
  • Accessible à un large public
  • Missions, imprévus… On ne s’ennuie jamais
  • La modélisation des 42 dinosaures
  • Une ambiance réussie
  • Le casting voix
  • La vue « 3e personne » en jeep
  • Un jeu qui va aspirer votre temps libre

Gallimimus :

  • Le coté simulation manque parfois encore de profondeur
  • Le sandbox disponible une fois qu’on a tout terminé
  • Les mêmes dialogues qui reviennent régulièrement
  • Quelques bugs
  • De gros bâtiments, pas toujours faciles à placer
  • Où sont les dinos volants ou aquatiques ?
  • On ne peut pas accélérer le temps
  • Le tuto qui ne sert pas à grand chose
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