Voilà une idée que l’on entend, voire qu’on lit, assez souvent : « le jeu vidéo », c’était bien mieux avant ! » Une phrase qui appelle une certaine nostalgie de la part de son auteur, qui vous sort généralement sa vieille Atari ou sa NES, qui fonctionnent toujours… Mais cette affirmation se vérifie t-elle ?
Et cette phrase, on se l’est tous dit au moins une fois devant son écran ! Je suis le premier concerné : que de souvenirs féeriques de Secret of Mana, Final Fantasy VII, ou mes premières gamelles sur Tony Hawks.
Oui, le jeu vidéo, c’était bien mieux avant ! Pas forcément plus beau, mais tant de jeux ont laissé leur empreinte dans notre mémoire de gamer ! Oh, comme j’aimerais les revoir, y rejouer encore une fois !
Alors, par défaut, je ressors ces dinosaures de leur cimetière. Premières notes de musique, premières images, mais aussi les premiers frissons qui vont avec ! L’émotion est grande… Puis, vient… La réalité !!
« Le jeu vidéo, c’était bien mieux avant ? » Je n’en suis plus tout à fait sûr, et j’ai les arguments qui vont avec cette prise de conscience !
1 – La nostalgie embellit toujours
Et oui, c’est un fait avéré ! Et si vous comprenez ce premier point, alors le reste de ce dossier va devenir plus limpide !
Tous ces jeux qui nous ont marqué sont restés comme des références dans notre mémoire (je l’ai déjà dit). La nostalgie aidant, nous ne les voyons pas tels qu’ils sont aujourd’hui, ou tels qu’ils sont véritablement ! Mais tels que nous les percevions à l’époque, découvrant des techniques qui, à l’époque, étaient au summum. Mais pas que !
Car en jouant à ces titres, nous avons écrit nos propres histoires. Nous avons tissé des liens privilégiés avec ces jeux. Notre premier RPG… Notre premier jeu terminé… Ce n’est pas rien !
Alors, le temps aidant, nous avons mis ces jeux sur un piédestal, parvenant même à nous convaincre de leur statut de hit intemporel. La mémoire embellit toujours les souvenirs agréables. Mais comme je l’ai dit, la réalité nous rappelle vite à l’ordre…
Rejouez par exemple à Final Fantasy VII sur une PS1. Sans doute l’un des meilleurs épisodes pour son scénario et son système de « matérias », on sera tous d’accord sur ce point. Mais vous risquez une belle conjonctivite ! Final Fantasy VII avait été initialement pensé pour la N64, et cela se ressent…
2 – Avant, c’était moins beau !
Voilà le premier aspect, tellement évident qu’il semble presque hors-concours ! Et pour cause : les consoles de l’époque ne bénéficiaient pas de la technologie d’aujourd’hui. Autrefois, le joueur évoluait dans des tableaux constitués de pixels, avec une palette chromatique se limitant aux bases.
Si aujourd’hui, le jeu vidéo représente des décors ou des personnages avec une fidélité allant bien au delà de notre imagination, cela n’a pas toujours été le cas.
Au tout début de l’Histoire (du jeu vidéo), le joueur devait être très imaginatif. Un cube était une voiture, un carré représentait une balle de tennis. Puis, les consoles ont affiché les couleurs par dizaines, par milliers… Avant de nous faire passer à la 3D !
Souvenez-vous de votre première partie sur NES, Super-Nintendo ou PlayStation ! Que d’étoiles dans les yeux, la technologie de l’époque nous semblant incroyable ! Du jamais vu ! Avec ses polygones aujourd’hui grossiers, Starfox était ên son temps une révolution. De même pour Super Mario 64 (deux hits intemporels ! J’aurais aussi pu parler de Bubsy 3D qui était déjà un ratage obsolète à sa sortie ^^) Allez essayer de faire comprendre cela aux joueurs d’aujourd’hui 😉
3 – Avant, le challenge était plus épicé !
Et oui ! Certains l’oublient, mais le joueur d’antan était un vrai guerrier, un combattant hors-pair, et il n’avait pas vraiment le choix en fait : les jeux vidéo du siècle dernier étaient particulièrement difficiles !
Tout d’abord parce que le système de « sauvegarde » est apparu avec les RPG comme Final Fantasy. Mais le standard de l’époque consistait à vous lâcher sur un jeu avec trois vie et deux « continues ». Mais il ne vous permettait pas encore de sauvegarder où bon vous semble pour reprendre votre partie plus tard ! « Game over » signifiait « recommence depuis le début » .
Certains laissaient d’ailleurs leur console allumée en « pause », pour reprendre la partie au petit matin… Pour terminer Super Mario Bros, il fallait faire le jeu d’une traite. Encore plus difficile sur Rush’n Attack (NES), jeu particulièrement dur dans lequel vous n’aviez que trois vies et un couteau pour éliminer des hordes de mercenaires…
La sauvegarde a changé beaucoup de choses, les modèles économiques aussi : les développeurs ont tendance, aujourd’hui à simplifier leurs jeux pour des raisons économiques, car plus vite vous terminez le soft, plus vite vous serez prêt à acheter sa suite, déjà à un stade bien avancé de développement au moment où vous achetez le premier opus.
Avant, les jeux étaient donc plus difficile, mais…
4 – Avant, il n’y avait pas tous ces tricheurs !!
Moins de cheateurs dans les années 80-90 ? En êtes-vous vraiment sûrs ? Et oui, car voilà une notion qui a quasiment disparu de nos jeux vidéo (excepté dans les jeux Lego ^^) ! Avant, les jeux étaient peut-être plus difficiles, mais nous avions les « cheat codes » !
Autrement dit, des manips à faire à l’aide de la manette, qui permettaient de débuguer les jeux. Vies infinies, continues illimités, power à fond, changer de niveaux, invincibilité… Il y en avait pour tous les goûts, et pour tous les jeux !
Les plus anciens revoient alors leur adolescence, sans internet à l’époque, à camper chez le libraire pour apprendre par coeur les codes publiés dans les magazines comme Console +, Joypad ou Player One. Ne le niez pas, on l’a tous fait 😉 On se souvient tous du plus célèbre, le fameux « code Konami« , à entrer à la page de présentation du jeu. Il consistait à faire rapidement « haut, haut, bas, bas, gauche, droite, gauche, droite, B, A, start » .
Il existait une alternative consistant en une cartouche (plus tard un CD) qui s’intercalait entre la console et la cartouche de jeu. Plusieurs marques s’y sont essayées, mais les plus connues restent Game Genie ou Action Replay. Ces interfaces proposaient de trèèès nombreux codes de triche. Il suffisait de rentrer des lignes de codes, elles aussi publiées dans la presse spécialisée.
Aujourd’hui, les cheats ont quasiment disparu des jeux vidéo. Certains demeurent, comme dans la série GTA (attention, ils bloquent les trophées), mais on est loin de l’époque où chaque jeu avait ses cheat-codes…
5 – Avant, c’était plus jouable, il n’y avait pas autant de boutons !
Aaah, la jouabilité ! La question est délicate, car la différence de jouabilité entre les générations repose sur deux aspects bien distincts.
Premier point : tout simplement le pad ! Cinq boutons sur un pad NES (croix, select, start, A et B) contre 11+2 sticks et un pavé tactile sur la PS4… Ce n’est pas la même chose ! Et autant de touches, cela représente tout autant de possibilités (voire plus si l’on combine les touches), et des manipulations à apprendre par coeur. D’où le souhait de Nintendo de réduire le Wii-mote, ou aujourd’hui les Joy-Cons de la Switch, au plus simple !
Ensuite, une jouabilité peut être pourrie tout simplement parce que le jeu a été mal développé. Que l’on soit sur une NES ou sur une PS4/Xbox One, il y a (ou il y a eu) des jeux totalement jouables, comme des jouabilités atroces. Cet aspect est variable, je le concède !
Les bugs existaient déjà !
Mais il faut reconnaître que la plupart des jeux d’antan nous sembleraient aujourd’hui totalement injouables ! Nous avions l’habitude à l’époque, mais y revenir aujourd’hui, avec les standards actuels en tête, nous fait sauter aux yeux cet aspect. Moins de possibilités, donc la fermeture à tous les jeux aux mécaniques complexes…
Les « hit-box » étaient parfois délirantes et la jouabilité se limitait souvent à deux axes : vertical et horizontal. C’est encore plus choquant dans les premiers jeux en 3D, censés offrir plus de liberté, mais avec des commandes qui n’étaient pas « naturelles »…
Exemple avec mon propre test de Tony Hawk’s 5, qui m’a beaucoup déçu par ses bugs et sa jouabilité un peu trop déconnante à mon goût. Clairement, j’ai rapidement compris que je ne passerai pas autant de temps sur le cinquième volet que sur le premier. Des journées entières à claquer du trick sur ma PS1.
Pourtant, je relativise. Si je n’y prêtais pas attention à l’époque, je me garderai bien de dire que THPS était moins bugué et plus jouable ! Ce serait un gros mensonge. Le jeu reste une référence pour moi. Pourtant, soyons objectif : il est moche, les bugs se comptent par dizaine, et y jouer aujourd’hui se terminerait par une manette passant avec fracas à travers la baie vitrée !
6 – Avant, c’était moins cher !
Mine de rien, c’est aussi un argument qui revient souvent ! « Autrefois, acheter un jeu coûtait moins cher qu’aujourd’hui, un jeu PS4 ou Xbox One se vendant autour de 70€. Les éditeurs ont sans doute profité du passage à l’euro pour s’en foutre plein les poches, pour se gaver sur notre dos !«
A bien y regarder, ce n’est pas si évident ! D’une part parce que la facture de 69€ ne concerne bien souvent que les triple A, et que de nombreux jeux sont aussi vendus à 49€ voire à 19€.
D’autre part parce que la culbute n’est pas si prononcée que cela ! J’achetais moi-même mes jeux, avec mon argent de poche. Un jeu Super-Nintendo coûtait alors autour de 450F. Autrement dit environ 68€ aujourd’hui. CQFD ! (et je ne compte pas l’inflation !) Je me souviens même avoir acheté Chrono Trigger en import à près de 700F (soit plus de 100€).
Et les consoles ? J’ai acheté ma Super-Nintendo (avec deux manettes et Street Fighter 2) très exactement 1290F. Soit environ 196€. Pour une console qui n’était pas multimédia…
Dans ce chapitre, je ne vous parle même pas de la Neo-Geo, la fameuse « Roll’s des consoles », avec ses cartouches à plus de 1000 F, soit environ 300€ en moyenne pour un seul jeu !
7 – Avant, nous n’avions pas autant de DLC !
C’est un argument que j’attendais plus tôt ! Voici LE gros point noir des jeux d’aujourd’hui ! La connectivité internet aidant, les éditeurs mettent du beurre dans les épinards en nous vendant des DLC qui viennent s’ajouter au prix de base !
Pour ce point, je suis d’accord, le DLC n’existait pas dans les années 90 ! Mais cela ne signifie pas que le joueur avait moins l’impression d’être considéré comme une vache à lait !
Car pour ajouter du contenu à un jeu, si le développeur ne publiait pas de DLC… Il sortait un nouveau jeu, vendu plein pot, évidemment ! Voir ci-dessous !
Les joueurs sur PC ajouteront que leur bécane favorite n’a pas attendu les années 2010 pour proposer du contenu additionnel. Ils connaissent cette manip’ très courante depuis beaucoup plus longtemps (les add-on), notamment avec la série des Sim’s, pour ne citer qu’elle. Ce n’est pas du DLC, mais l’intention de vous vendre du contenu après la sortie du jeu était déjà là !
8 – Aujourd’hui, on a des « suites » tous les ans !
Call of Duty 25, Fifa 2028, NFL 2042… Aujourd’hui c’est bien simple ! Chaque année, les grosses licences ont une suite qui s’apparente davantage à une mise à jour qu’à un vrai nouveau jeu ! Et il faut parfois être un puriste de la licence pour faire la différence entre deux opus ! Mais êtes-vous vraiment sûr que cela n’existait pas avant ?
Je citerai par exemple l’un de mes jeux cultes : Street Fighter 2. Rien que sur Super-Nintendo, nous aurons eu Street Fighter 2, puis Street Fighter 2 turbo l’année suivante. Pensant avoir le SF2 ultime, quelle ne fut pas ma surprise de voir arriver Super Street Fighter 2 un an plus tard ! (les joueurs MegaDrive auront aussi eu Street Fighter 2 ‘ (prime). Un DLC m’aurait coûté 9,99€, pas 450F à chaque nouvel épisode !
La remarque est aussi valable pour d’autres titres, tels que les Megaman sur NES (six épisodes visuellement identiques en six ans) NBA Jam, Sonic, Dragon Ball Z Butôden 1, 2, et 3 avec des différences pas si flagrantes entre chaque épisode. Par exemple ! Les joueurs Neo-Geo (avec leurs cartouches à 1000 balles) n’étaient pas oubliés non plus avec les Art of Fighting, Metal Slug, Fatal Fury, King of the Fighters, Samurai Shodown…
Et j’en oublie Pokémon qui, depuis le début, repose sur un modèle économique qui divise son contenu en deux cartouches. Et oui, ça existait déjà du temps de la GameBoy et de son écran monochrome !
9 – Avant, il y avait moins de remakes et plus d’originalité !
Je vous entends déjà me dire qu’autrefois, les jeux étaient plus originaux, et que Sony (qui n’existait pas encore) ne remasterisait pas ses jeux en HD à tour de bras !
Le « remake » n’avait pas encore été inventé… Vraiment ? Dans ce cas, comment qualifier Super Mario All Stars (sur Super-Nintendo) ? Et que dire de Contra/Probotector qui n’est autre qu’un remake « consoles » de Gryzor (Amstrad CPC) ? Ou Bonk, le remake Super-Nintendo de PC-Kid (PC-Engine) ?
« Oui, mais avant, les développeurs en mal d’inspiration ne se contentaient pas de nous pondre des adaptations foirées de films ou de séries ! » Nous ne serons pas d’accord non plus sur ce point !
Car dans ce cas, que dire des Goonies sur NES, d’Airwolf (Supercopter en VF), de Batman, de Retour vers le Futur, de Terminator, Predator, Last Action Hero, Toy Story… Avec toutefois de bons jeux dans la liste ci-dessus…
Et avec parfois des adaptations tellement loupées qu’elles demeurent des légendes à leur niveau. Oui, je pense à E.T. The Extra-terrestrial (Atari 2600), considéré comme le pire jeu vidéo de tous les temps, et qui a failli couler l’industrie du jeu vidéo.
10 – Avant, on n’avait pas cette dominance de certains genres !
Je le concède ! Aujourd’hui, une grande majorité des jeux sont des FPS, ou des « action/aventure/RPG/monde ouvert » à forte construction hollywoodienne ! Ces genres cartonnent, et donc, tout le monde le fait ! Pour certains, c’est lassant, et c’était mieux avant, car plus diversifié ! Et bien, là encore, je vais vous prouver que non !
Certes, les limites techniques des NES, Megadrive ou Super-Nes ne permettaient pas de développer des FPS (ou alors quelques uns mais pas terribles). Mais ces générations 8 et 16 bits avaient aussi des genres qui écrasaient tout le monde !
Le début des années 90 était l’âge d’or de la Plate-forme ! C’est très simple : pendant que Mario et Sonic se tiraient la bourre, tout le monde essayait de les imiter ! Pas en sortant des jeux de plate-formes, mais en publiant carrément des clones de Mario ou Sonic !! A l’époque, il sortait un plate-former toutes les semaines, avec toujours un même schéma : un héros animal (ou humain) plutôt coloré traversant des mondes végétaux, de glace, de feu… Mister Nutz, Ristar, Rocket Knight Adventure, PC Kid, James Pond, Chuck Rock, ou encore Bubsy qui essayait d’imiter jusqu’à la vitesse de Sonic !
Et je ne parle même pas de la baston, avec son armée de copies de Street Fighter II, des Shoot’m up eux aussi très présents (Gradius, Thunder Force, Galaga, Super Aleste, Parodius, R-Type…). Au début des années 90, à l’exception des jeux de sport, de quelques J-RPG, jeux de course en fausse 3D et quelques puzzle-games, dans 90% des cas, le choix se limitait à plate-former, versus-fighter ou à shooter !
Conclusion : pas si différent en fait…
Les différences entre les années 90 et aujourd’hui sont essentiellement techniques. La 3D est arrivée, et les bécanes actuelles permettent des affichages en haute définition purement hallucinants.
Mais étrangement, on remarque que sur le fond, les jeux vidéo d’antan n’étaient finalement pas si différents, dans l’esprit. Les développeurs proposaient déjà des suites, se jetaient sur les adaptations de films… Et plus surprenant : le prix des jeux n’a sensiblement pas augmenté en 20 ans !
Pour conclure, on admettra qu’il est bien difficile de dire si le jeu vidéo était mieux avant, ou non. Il nous a marqué, dans notre jeunesse, comme il marquera la génération actuelle de joueurs, avec les titres de leur époque. Mais pour le reste, c’est avant tout une question de sensibilité… Et il appartient à chacun de se faire son propre avis…