Un logo ou une marque qui apparaît dans un jeu vidéo, pour faire un peu de pub… Cela vous choque ? Vous n’avez rien vu ! Il fut une époque où les marques faisaient la promo de leurs produits en développant carrément des jeux vidéo. Et c’est ce que nous allons voir aujourd’hui avec quelques exemples…

Techniquement, on appelle ça des « Brand games« , ou plus fréquemment des « advergames » (advertisement + game, le développement est financé par la marque qui veut un jeu à son nom). A ne pas confondre avec des « branded content« , qui font quant à eux référence très brièvement à des marques ou des logos apparaissant dans le jeu, sur des panneaux, dans le décor, lors de scènes très courtes (les marques sont juste citées rapidement, autrement dit le fameux « placement de produit »).

Ce second sujet, très fréquent, pourrait faire l’objet d’un prochain dossier. Mais ne nous éparpillons pas : soyons clairs, nous allons aujourd’hui parler des advergames, ces jeux uniquement développés pour vendre une marque de boisson, de nourriture, etc. Nous ne parlerons pas non plus ici d’une autre catégorie assez vaste : les adaptations de films en jeux vidéo puisque, d’une certaine manière, ils sont eux aussi des advergames, non plus pour vous vendre de la nourriture, mais pour vous donner envie d’aller en salle. C’est parti pour un tour d’horizon des plus mémorables d’entre eux…

1992 : Zool

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On commence « soft », avec un jeu qui est à mi-chemin entre le brand-game et le simple « placement de produit » (mais assez maouss’ quand même). En 1992, Gremlins Graphics veut répondre au Sonic de Sega en développant un jeu de plate-formes dont le personnage est, lui aussi, très rapide ! Le concept de « Zool » est né, mettant en scène un ninja survolté.

Le jeu sortira tout d’abord sur Amiga 500, Atari ST et Dos, avant d’être porté sur Arcade, Amiga 1200 Amiga CD32, Master System, Megadrive, Super Nintendo et Gameboy. Il aura même une suite deux ans plus tard : Zool 2 !

Mais Zool est aussi connu pour être l’un des premiers jeux à avoir été développé avec un partenariat de grande ampleur avec une marque, en l’occurrence Chupa Chups. Et quasiment dans chaque niveau, le logo de la marque, ou des sucettes, apparaissent. Les conditions du partenariat vont même jusqu’à offrir une sucette Chupa Chups avec le jeu, pour les acheteurs des versions micro-ordinateurs…

1993 : Cool Spot

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Derrière ce jeu vidéo, signé Virgin Interactive, on retrouve un véritable génie de la programmation, une légende appelée David Perry (Earthworm Jim, Smash TV, Paperboy 2…).

Sorti en 1993 sur Sega Megadrive, puis sur Master System, Gameboy, Super-Nintendo, Cool Spot est un titre qui a été ouvertement créé pour nous inciter à boire du 7-Up jusqu’à plus soif ! Le héros de ce jeu de plate-formes n’est pas la mascotte européenne de la marque, Fido Dido (qui aura d’ailleurs aussi son jeu sur MegaDrive), mais une petite capsule rouge : la mascotte américaine de la marque, en fait, celle-là même que vous trouvez sur le logo de la marque.

Avec ses lunettes de soleil, la démarche très « cool attitude », Spot traverse des niveaux pour libérer ses amis, en éliminant ses ennemis grâce à des projectiles, et non sans ramasser des capsules ou bouteilles de 7-up au passage ! Il aura une suite, « Spot goes to Hollywood » !

1992 : Mick & Mack as The Global Gladiators

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Un an plus tôt, également sur Megadrive, David Perry et Virgin Interactive (à croire que c’était, à cette époque, leur spécialité) s’étaient déjà essayé à la pub en jeu vidéo, en sortant Mick & Mack as Global Gladiators. Un autre jeu de plates formes, cette fois vantant une marque qui ne fabrique pas de boisson gazeuse, mais en vend à tire-larigot.

Et cette marque, quelle est-elle ? Si je vous dit que sa mascotte (qui intervient dans le jeu) est un clown appelé Ronald, qui vous propose ses hamburgers et ses frites dans des Happy-Meals, vous pensez à ?

Vu le nombre de « M » (le logo de la marque) que nos héros ramassent dans les niveaux, il n’y a aucun doute : jouez dix minutes à Global Gladiators, et vous foncez sans demander votre reste chez McDonald’s ! Ici, on ne combat pas la malbouffe, mais la vilaine pollution qui a envahi le monde. Et oui, « McDo » rime avec « Ecolo » !

1992 : Chester Cheetah

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Inconnu sous nos lattitudes (puisque sorti uniquement aux Etats Unis), le plate-formes Chester Cheetah, sur Megadrive et Super-Nes, a été développé par Kaneko. Il connaîtra une suite l’année suivante : Chester Cheetah – Wild Wild Quest.

Dans le jeu, vous incarnez Cheetah, une panthère anthropomorphe, dans des niveaux très colorés et tout mimis. Jusque là, rien d’anormal me direz-vous ! Assez classique, en somme !

Si ce n’est que Cheetah n’est autre que la mascotte de Cheetos, une marque de chips appartenant au groupe Frito-Lay, qui fabrique plein de produits de grignotage à base de pommes de terre. En France, nous connaissons par exemple la marque Lay’s.

1993 : McDonald’s Treasure Land Adventure

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Le McDo sur Megadrive, ça fonctionne ! Alors pourquoi ne pas en profiter ? Treasure et Sega délaissent Mick et Mack, pour remettre Ronald au coeur d’une aventure colorée.

Le jeu est un plate-forme dans lequel vous contrôlez donc le clown de McDo. Si le jeu n’a pas vraiment laissé un souvenir mémorable aux joueurs, il a marqué son temps, et fait un gros coup de pub à la marque. Objectif atteint !

1995 : Super Dany

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Décidément, l’éditeur Virgin Interactive était une page de pub à lui tout seul au milieu des années 90, sur consoles 16 bits, et l’on va commencer à croire que tout le frigo y est passé ! Il vous manquait le dessert ?

Et bien, ça tombe bien, puisqu’en 1995, l’éditeur nous propose de vivre les aventures de Super Dany, sur Super-Nintendo. Cette fois, le héros du jeu est un petit garçon engagé comme VRP pour Danette, dont le job est de nous vendre de la crème dessert au chocolat ou à la vanille !

Bien qu’assez coloré, le jeu ne restera pas dans les mémoires lui non plus ! Que voulez-vous : on ne peut pas faire du yaourt et des jeux de qualité, tout ça en même temps 😉

1994 : Coca-Cola Kid

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Et pourquoi Coca Cola n’aurait-il pas son jeu vidéo ? C’est chose faite le 25 août 1994, avec Coca-Cola Kid, développé par Sega pour sa GameGear.

Au passage, Coca Cola Kid est aussi un titre de film sorti en 1985… Mais nous parlons bien ici du jeu vidéo, sorti uniquement au Japon sur GameGear : une version limitée (rouge) sera d’ailleurs vendue en bundle avec le jeu.

Dans ce plate-formes, vous devez plier les niveaux en un temps limité, le Coca servant de power-up régénérant votre héros…

1983 : Pepsi Invaders

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C’est dingue, j’avais oublié ce jeu ! Pourtant, nous avons là un produit plutôt cocasse. Si, jusqu’à présent, nous avons vu des marques qui ont fait développer des jeux pour vanter leurs produits, nous avons là une marque qui crée elle-même un jeu vidéo pour flinguer la concurrence.

Développé par Coca-Cola (bein tiens) sur Atari 2600 VCS, Pepsi Invaders reprend le concept de Space Invaders. Remplacez les aliens par les lettres du mot « Pepsi », et vous obtenez la plus culottée des anti-campagnes de pubs ! On savait que les deux concurrents ne pouvaient pas se blairer, mais avouez que là, ça va loin, quand même !

1986 : Yume Kojo : Doki Doki Panic

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Et non, vous ne rêvez pas ! Le jeu de plate-formes de la Famicom, qui deviendra par la suite Super Mario Bros 2, est bien un advergame !

Il a en effet été développé en collaboration avec Fuji TV, afin de promouvoir un show TV, le Yume Kojo 87′. Dans le jeu, le joueur incarne quatre héros, qui sont en réalité quatre personnages emblématiques de ce programme.

Quelques années plus tard, pour exporter le titre aux Etats Unis, Miyamoto lui-même modifiera le jeu, remplaçant les quatre héros par Mario, Luigi, la Princesse Toadstool et Toad (Il devient « Super Mario USA »). En Europe, on connaîtra ce titre sous le nom Super Mario Bros 2, mais il aura perdu sa dimension « advergame ».

1996 : Adidas Power Soccer

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Voilà un jeu de football, sur PS1, qui était bien fun, avec ses tirs enflammés qui défonçaient le gardien… Très sympa à jouer, le titre développé par Psygnosis (Destruction Derby) ne pourrait être qu’un jeu estampillé « Adidas, sans être pour autant une pub…

Si ce n’est que le jeu vous martèle, à longueur de parties, les bienfaits de la seule chaussure présente dans le jeu, celle là même qui vous donne vos pouvoirs surhumains : la « Adidas Predator« … Beau placement de produit !

D’autres marques de vêtements de sport suivront en reprenant le concept. On pense par exemple également à Puma…

1999 : Pepsi Man

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On fait un bon dans le temps, pour arriver en 1999, avec une autre marque gazeuse qui se met à la pub vidéoludique. On a vu des jeux Coca Cola, et cette année là, Pepsi réplique sur PS1, avec un jeu développé par l’éditeur japonais Kid.

Si le Coca vous permettait autrefois de sauver le monde, le Pepsi vous transforme en super-héros ! Jeu d’action en 3D sorti au Japon, Pepsi Man vous met dans la peau de Pepsi (c’est aussi le nom du héros^^) qui doit sauver le monde… Tiens donc ! Pour devenir super-fort, il boit du… Pepsi…

Développé avec peu de moyens, offrant peu de niveaux et imaginé pour être vendu pour un prix dérisoire, nous sommes clairement dans le produit dérivé Pepsi, qui aurait presque pu offrir le soft avec ses packs de six…

1997 : Porsche Challenge

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On l’aurait presque oublié tant ce jeu faisait dans le non-fun ! Ce fut l’un de mes premiers jeux sur PS1 (avant de découvrir Gran Turismo) ! Avec ses quatre circuits et son modèle unique de voitures (déclinables en six couleurs), Porsche Challenge (Team Soho et Sony Computer Entertainment Europe) a très ouvertement été développé dans le but unique de promouvoir le modèle du moment : le cabriolet Boxter.

Oh, que j’en ai passé, des heures sur ce jeu ! Avec ses six personnages, avec leur style de conduite et leurs couleurs de Boxter (Dan, Rachel, Beats, Nikita, Taka-Bo et Marco). Tout y était « Porsche », jusqu’aux génériques de fin, vous présentant soit un historique en images de la marque, soit la séance d’essai du Boxter par son testeur officiel Johannes Woort-Menker.

Il n’empêche que le jeu m’a marqué, et s’il se ferait aujourd’hui allumer pour son contenu famélique et ses nombreux bugs, je le trouve encore bon, avec ses musiques funky et ses circuits évolutifs !

On pourrait aussi parler d’autres jeux de courses développés en partenariat avec des marques, mais la liste serait longue. On pense par exemple à Ferrari Challenge, Lotus Challenge, Ford Racing, Jaguar XJ220…

1999 : Invasion au Pays de Kellogg’s

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Développé par Kellogg’s pour PC en 1999, ce shareware vous permet d’incarner les icônes de la marque, de Tony le tigre à tous les autres dont j’ai oublié le nom 😉

Pas grand chose à dire de plus sur ce jeu, qui reste plaisant sans être pour autant le méga-hit du siècle, si ce n’est qu’il fait son job : pousser vos enfants à vous demander des boites de céréales…

2010 : La Chuuute by Oasis

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Développé par Oasis et Orangina Schweppes France, ce jeu mettant en scène les fruits de la pub Oasis est sorti sur mobiles (iPhones, Ipad et Android).

Le principe du jeu reste simple (on est sur mobiles) : dévaler des chutes d’eau en évitant des obstacles, tout en incarnant les célèbres fruits que vous voyez dans la pub TV… Idéal pour jouer dans le train ou dans le métro, il peut aussi vous donner l’envie, en cas de petite soif, de lâcher une pièce dans la première boutique venue, contre une boisson fruitée.

M & M’s, une série qu vaut plus que des cacahuètes

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J’aurais pu vous détailler les différents jeux M&M’s, mais ils sont tellement nombreux qu’on y aurait passé la nuit !

M&M’s Mini Madness en 2000 sur Gameboy Color, M&M’s : Shell Shocked sur PS1 en 2001, M&M’s Fun Blast sur GBA en 2002, M&M’s : Kart Racing sur Wii et DS en 2007, M&M’s Break Em sur GBA et DS la même année, M&M’s Adventure sur PS2, Wii et DS en 2008, M&M’s Beach Party sur Wii en 2009, M&M’s : Les Formules Perdues sur PC en 2000, ou tout simplement M&M’s sur iPhone la même année…

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on en a bouffé du M&M’s, aussi sur consoles !

2010 : Rexona Men Foot Zombie

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Jouable sur un site dédié, Rexona Men Foot Zombie a été développé par l’agence Cubocc, à l’occasion de la Coupe du Monde 2010 de football. Dans ce FPS qui fait penser à Counter Strike, le joueur doit lutter contre une invasion de joueurs de foot transformés en zombies.

Evidemment, on ne tue pas ses adversaires, mais on les décontamine. Et comment me demanderez-vous ? Tout simplement en leur pulvérisant du Rexona for Men à la figure… Un an plus tard, dans un style un peu différent, la marque sortait Rexona for Men : Challenge in Rolland-Garros. Toujours avoir un déo sur soi, c’est bien connu 😉

En conclusion

Comme on a pu le voir, l’advergame existe quasiment depuis le début de l’histoire des jeux vidéo. Nous n’avons pas pu tous les lister ici, et nous aurions aussi pu parler de Chase the Chuck Wagon en 1983 sur Atari 2600 (par Ralston Purina, pour des croquettes pour chiens), ou encore America’s Army, au début des années 2000, avec pour but de redorer l’image de l’armée américaine auprès des gamers…

Mais comme je le disais en ouverture de ce dossier, les mobiles ouvrent de nouvelles perspectives à l’advergame. Un simple tour sur le store de votre mobile suffira à avoir de nombreux exemples : nous avons parlé de La Chuuute Oasis, mais nous aurions aussi pu citer Milka Biscuit Saga (neuf mini-games de style rétro), Spin the Coke (Coca Cola), Living the Change (BNP Paribas), #EspritCox (Volkswagen), La Chasse au Plaisir (Magnum), ou encore (inconnu chez nous) Dumb Ways to Die (pour le métro de Melbourne).

Développés à destination d’un jeune public, les advergames vont bien au delà du simple coté « fun ». Car vous aurez compris que l’objectif des marques est de vous marteler les « bienfaits » de leurs produits phares pour vous pousser à consommer. Est-ce que ça marche ? Une étude Nielsen montrait, il y a quelques années, que 40% des joueurs se disaient prêts à acheter la marque après avoir joué au jeu s’y référant. Et selon cette même étude, le degré de mémorisation restait élevé pour 87% des joueurs…

Est-ce un phénomène « rétro » ? Pas forcément, même si la tendance est davantage aujourd’hui au « placement de produit » (dans quasiment tous les jeux actuels). Et l’on pourra avoir des soupçons en se rappelant que Google a acquis, en 2007, Adscape, entreprise spécialisée dans la pub in-game. On n’a donc pas fini de voir des marques « stars » de jeux vidéo… Tout reste possible…