Quand Netflix avait annoncé, il y a quelques mois, vouloir adapter Saint-Seiya (Les Chevaliers du Zodiaque en VF) en série d’animation «nouvelle génération», on avait craint le pire. Mais le célèbre network parvient à faire très fort : aller bien au delà de nos craintes !

Un mythe au panthéon du manga

Saint-Seiya (Les Chevaliers du Zodiaque en VF) est un véritable mythe, une série sacrée ! Le manga, en 28 volumes, est signé Masami Kurumada, et a commencé à être publié en 1986. Mais pour les gens de ma génération, c’est surtout la série animée (alors diffusée sur TF1 dans le Club Dorothée) qui va être marquante, à la fin des années 80… Bien qu’ultra-censurée. Elle est composée de 114 épisodes (elle s’arrête avec l’arc de Poséidon, la partie Hadès sortira quant à elle entre 2002 et 2008). De la série animée, on retiendra le fabuleux chara-design de Shingo Araki (décédé en 2011), surclassant de très loin les dessins de Kurumada.

Saint-Seiya raconte l’histoire de cinq jeunes adolescents, devenus à force d’entraînement les gardiens de la réincarnation d’Athena. Cinq chevaliers de bronze, placés sous la protection de cinq des constellations sous la tutelle d’Athena : Seiya de Pégase, Shiryu du Dragon, Hyoga du Cygne, Shun d’Andromède et Ikki du Phénix. Pour protéger la déesse, nos cinq héros devront affronter tour à tour les autres chevaliers de bronze, puis ceux d’argent, et enfin les douze Chevaliers d’Or, relatifs aux douze signes du Zodiaque. Viendront ensuite les dieux Hadès et Poséidon, et leurs armées respectives…

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Ce qui fait la force de Saint-Seiya, c’est la puissance de son «hyper-mythe», inventé par Kurumada, qui mixe un contexte contemporain avec l’imagerie fabuleuse de la mythologie. En regardant un épisode de Saint-Seiya, on ressent la puissance des dieux, le caractère presque sacré de ces combats épiques, de ses enjeux métaphysiques… Aux pieds de colonnes de temples en ruine, portés par la force d’une musique qui vous plonge en pleine mythologie grecque. Exceptionnel !

Mais Saint-Seiya est un shonen. Autrement dit, nous allons y trouver des ados dans un voyage initiatique où le surpassement de soi sera la clé du succès. La série d’origine brille par l’écriture de ses personnages, assez complexes au final… Et par un scénario qui nous happe tant son écriture est maîtrisée. Et il n’est pas rare de découvrir les conséquences d’actes bien longtemps après qu’ils aient été accomplis… Je pourrais encore vous parler très longtemps de cette série, mais je le ferai prochainement avec un Lu Pour Vous, consacré à l’ouvrage Le Mythe Saint-Seiya au Panthéon du Manga, paru chez Third Editions.

Mais aujourd’hui, Netflix oublie tout ce que je viens de vous dire ! Ou plutôt, dans sa nouvelle adaptation, Netflix ne semble pas l’avoir compris, pour ne retenir qu’un pitch digne des plus gros nanards américains : «Saint-Seiya, ce sont de jeunes garçons qui se bagarrent !»

Une tonne de problèmes en seulement six épisodes

Lorsque le premier trailer de Saint-Seiya est apparu sur la toile, nombre de fans se sont offusqués de voir Shun devenir une femme. Je vais d’ailleurs y revenir plus bas… D’autant que ce point est, au final, un petit détail. Croyez moi, il y a pire !

Car le plus gros problème de cette série animée Netflix, c’est avant tout son scénario ! Netflix pourrait être un excellent GPS tant il use et abuse de raccourcis. Le scénario tellement passionnant de Saint-Seiya est ici édulcoré à l’extrême, comme écrit pour des enfants de 6 ans ! À trop vouloir être family-friendly, on finit par faire du mièvre ! Et si la série dont il est question aujourd’hui était sortie dans les années 90, il n’aurait été nul besoin de censurer les épisodes comme ce fut alors le cas, tant ils sont cul-cul !

Oui, dans le Saint-Seiya d’origine, il y a du sang, des scènes hardcore… Mais n’oublions pas que le manga (comme la série) étaient destinés à des adultes, pas à des enfants. Et voir ici Cassios privé de son amputation d’oreille… OK, ça fait moins de tâches sur le tapis, mais la scène avait son importance dans le Saint-Seiya originel, avec des conséquences quelques épisodes plus tard… Ici, on devine que plusieurs moments clés passeront donc à la trappe (d’ailleurs, quand on revoit Cassios quelques épisodes plus tard, on ne sait pas trop s’il faut en rire ou en pleurer. Merci Netflix).

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Et le pire, c’est que les scènes sanglantes ne sont pas les seules à passer à la casserole. Sheena qui ne porte pas de masque, Seika (sœur de Seiya) qui se fait enlever, Seiya qui part s’entraîner en Grèce alors qu’il est ado, l’armure qui devient un médaillon (idée piquée au film de 2014), des combats épiques ici expédiés en moins de dix secondes… Autant de scènes de grande importance dans la trame de Saint-Seiya, qui disparaissent… Ce qui laisse penser que Netflix s’assoit sur plus de 50% des enjeux du scénario génial de Kurumada…

Pour faire une bonne série familiale américaine, il faut aussi de l’humour… Et il y en a dans Saint-Seiya version Netflix. Hélas, les quelques gags glissés ici ou là (principalement des fanfaronnades de Seiya) tombent littéralement à plat, les blagues sont nulles ! Mais ça, c’est dans le meilleur des cas, lorsqu’ils n’installent pas une certaine gêne !

Et la technique, on en parle ?

Ah la technique ! Peut-être le point qui va redorer la série ? Navré, mais je vais encore vous décevoir ! Nous sommes en 2019, bon sang !! Quand on voit la qualité de la plupart des animés qui sortent actuellement, peut-on se contenter d’un tel minimum syndical ? De visages si inexpressifs, de décors aussi vides, de plans recyclés plusieurs fois dans un même épisode… Bref, d’une technique digne d’un épisode de Code Lyoko (qui était cependant une bonne série, mais c’était il y a un moment déjà).

Au niveau du doublage, vous aurez deviné par vous même que vous pouvez vous asseoir sur la voix d’Eric Legrand (qui double aussi Végéta et Yamcha, dans DBZ, en VF) dans les rôles de Seiya ou Aiolia. Je passerai d’ailleurs rapidement sur le doublage, tant les acteurs semblent manquer de conviction… Un peu comme si, par soucis de cohérence, Netflix avait passer la consigne que cet animé devait être loupé sur tous les plans.

Ne comptez pas, non plus, retrouver la magistrale et épique (pour ne pas dire divine) OST de Seiji Yokoyama ! Ici, vous devrez vous contenter d’une bande-son très classique, ou plutôt très américaine, encore une fois ! Un acte manqué de plus, lorsque l’on sait à quel point les bandes-originales de l’anime nous transportaient dans cet univers…

Scéna… quoi ?

Ce qui me fait penser que je l’ai beaucoup critiqué, mais je ne vous ai pas parlé du scénario de cette nouvelle série. Vous êtes prêts, alors on y va…

Mitsumasa Kido et Vander Graad trouvent un jour un chevalier mourant, Aiolios, qui leur confie à la fois son armure du Sagittaire, et un bébé (Saori) qui n’est autre que la réincarnation d’Athena. Le Sanctuaire veut l’éliminer, car une prophétie indique que Hadès et Poséidon vont tuer la réincarnation de cette époque, entraînant la mort de milliers d’innocents… C’est logique ! Dans ce cas précis, les chevaliers du Sanctuaire n’auraient-ils pas meilleure idée que de soutenir leur déesse, et de la protéger ? L’éliminer, n’est-ce pas faire le job pour Hadès et Poséidon… Enfin, je dis ça… Et au passage, « fuck » la trahison du Grand Pope et sa soif de pouvoir…

On retrouve donc Seiya, jeune orphelin qui voit sa soeur Seika enlevée sous ses yeux. Quelques années plus tard, il fait du skate dans les rues, et se retrouve sur les réseaux sociaux après avoir été filmé en pleine démonstration d’inflammation de Cosmos devant des petits voyous. Ce qui le conduit, après avoir été enlevé par Mitsumasa et Saori Kido, à partir en Grèce pour s’entraîner et rapporter l’armure de Pégase.

De retour dans le désert Mexicain, coiffé d’un sombrero, Seiya participe au tournoi galactique, devenu ici une baston clandestine dans un entrepôt souterrain (gardé par une bouche d’égouts qui parle…). Le prix est l’armure du Sagittaire, moins son bras droit (conservé par Graad qui l’utilise pour faire des expériences)… Le tournoi galactique s’apparente davantage à un tournoi de cartes Pokémon, avant que nos héros ne soient pris en chasse par Graad, et par leur mercenaire préféré, Ikki…

Saint-Seiya dans le Marvel Cinematic Universe ?

Non, vous n’avez pas rêvé ! Dans cette série de Netflix, nos Saints se battent contre des tanks, des hélicoptères, des avions de chasse et des soldats armés de fusils… Bah oui, on n’est plus à ça près ! Et je ne vous parle même pas des Chevaliers Noirs (attention, je vais spoiler, mais tant pis, vous ne ratez rien) équipés d’armures qui semblent avoir été créées par Tony Stark ! Je crois que je viens de comprendre : nos Chevaliers se sont téléportés dans un film Marvel !

Dans la série originale, Saori Kido était à la tête de la Fondation Graad, créée par son grand-père Mitsumasa Kido. Ici, Graad est le nom d’un nouvel ennemi (Vander Graad), sorti de nulle part. Un général militaire, ex-ami et associé de grand-papa Kido, qui va tout faire pour mettre la main sur l’Armure d’Or… Dans le but de vaincre les dieux à la place d’Athena… C’est lui qui fabrique les armures noires, ou qui envoie Ikki en mission, tel un vulgaire mercenaire… Chez les scénaristes de Netflix, on a fumé tout ce que l’on avait sous la main, des rideaux à la moquette !

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Un choix délibéré pour moderniser Saint-Seiya en l’américanisant ? Oui, mais… Ça en devient ridicule ! Graad n’est pas un véritable ennemi : le personnage, son plan de conquête du monde… Tout est stupide ! La recette marchait dans les années 80, dans les séries animées Mask ou GI Joe, ou dans Inspecteur Gadget, mais pas dans Saint-Seiya. Voir de puissants chevaliers craindre autant les balles relève de l’idiotie la plus totale… Et de la trahison envers l’oeuvre d’origine.

Et qui dit « série américaine » dit aussi « prendre les spectateurs pour des débiles » ! Alors, comme je l’écrivais plus haut, les scénaristes prennent des raccourcis gigantesques, vous expliquent de manière maladroite ce que vous voyez à l’écran, et pire : sabordent les enjeux, et les twists ! Le Cosmos qui se matérialise comme une lumière au niveau des poings… Seiya qui, lors de son entraînement en Grèce (alors qu’il est ado) côtoie Aiolia mais ne pense à aucun moment aller lui demander pourquoi il a enlevé (et oui !) Seika au début de la série… Mais qui a écrit ce scénario ? Un enfant ?

Un seul aspect fidèle

Sur les six épisodes (la première saison s’arrête à la fin du combat contre Ikki… Oui, ça fait léger), je n’ai trouvé qu’un seul passage fidèle à la série d’origine. Cet incompréhensible moment réussi ne dure que dix minutes ! Il s’agit de tout le background autour du passé d’Ikki, de la façon dont il est devenu chevalier du Phénix.

Pour une raison qui m’échappe, dans ce maelström de grand n’importe quoi, ce passage est réussi. De l’entraînement d’Ikki sur l’île de la Reine Morte, aux cotés du cruel Guilty, jusqu’à l’élément qui va déclencher sa haine du monde entier (je vous laisse la surprise, pour le coup)… Ce passage est curieusement fidèle au texte de Kurumada.

Mieux, ce passage va même jusqu’à s’inspirer non pas de la série animée, mais du manga… Avec l’apparition de Shaka de la Vierge qui vient insuffler à Ikki une certaine terreur, au cas où ces deux là en viendraient à se rencontrer à nouveau (passage qui n’apparaît pas dans la série animée, sans doute parce qu’il spoile le fait qu’il n’existe pas une, mais douze armures d’or… Ce que Netflix vous « divulgache » dès les premières minutes avec l’apparition WTF de Aiolia du Lion)… À croire que, dans l’équipe des réalisateurs, il y a au moins une personne qui a lu le manga 😀

Shun est donc une femme

Autrefois un jeune homme androgyne, ce qui donnait corps à son personnage, Shun d’Andromède est donc devenu une femme. Argument de Netflix : c’est pour mieux respecter la parité mon bon ami… Nous sommes en 2019, il faut plus de femmes au casting !

L’argument se tient, et on ne peut que respecter cette initiative. Si ce n’est que… Via ces six premiers épisodes, Netflix nous enseigne que la femme ne sert à rien, du coup. Car dans cette nouvelle version, Shun fait simplement du remplissage, et se loupe lorsqu’elle pourrait avoir son instant de gloire. Certes, elle a bien son moment, à la fin de la série, mais il est si furtif que… Bref, la parité selon Netflix, ce n’est pas vraiment à l’honneur de la cause féministe.

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D’autant que la femme est bien présente au casting… Mais encore une fois, Netflix est à coté de la plaque. Saori/Athena est juste insupportable, Marine et Sheena sont transparentes… Trois femmes (dont une divinité) qui, dans la série originelle étaient des personnages forts, qui sont ici reléguées au rang de second, voire de cinquième rôle (on s’attend à chaque instant à les voir se mettre du vernis à ongles et à partir faire les soldes)… Et Netflix ose encore nous parler de cause féministe ?

Pour revenir à Shun, qui change donc de sexe… Ça ne passe vraiment pas. Dans la série originale, Shun est un héros faible en apparence, mais qui cache sa véritable force par dégoût du combat. Il respecte profondément ses adversaires, au point de préférer se prendre des mandales plutôt que de révéler qu’il est le Bronze le plus puissant de notre groupe de héros… Ce que nous ne retrouvons évidemment pas ici… (et si cette série va jusqu’à son terme, je connais des scénaristes qui vont galérer avec l’arc d’Hadès 😉 ).

Au final

Les Chevaliers du Zodiaque a un gros point commun avec Death Note et Fullmetal Alchemist. Dans ces trois cas, Netflix nous confirme que ses scénaristes n’ont absolument rien compris à l’esprit du manga originel. À vouloir réaliser une adaptation visant un public occidental, en prenant pour référence les canons américains, le célèbre Network se plante magistralement en nous proposant ici une adaptation foirée (et foireuse), qui passe à des kilomètres de ce qui constitue la légende de Saint-Seiya. Cette nouvelle série ferait presque passer le film de 2014 pour une pépite de l’animation… Et croyez-moi, ça me fend le cœur de l’écrire !

Les Chevaliers du Zodiaque de Netflix est une série agréable à regarder si vous avez 6 ans, en mangeant vos céréales devant les dessins animés du dimanche matin. Mais si vous êtes un fan de la première heure, fuyez cet étron qui, non content de ne pas respecter l’oeuvre originale de Masami Kurumada, semble lui cracher à la figure (comme il crache à la figure des fans) tant il enchaîne les incohérences, avec une naïveté digne d’un épisode de Oui-Oui à la plage. Fan de la série d’origine, vos yeux vont saigner !

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On peut comprendre que les scénaristes, à cours d’idées originales, se sentent obligés d’aller pomper des succès du passé. Mais ce que ce Saint-Seiya nous démontre avant tout, c’est que ces auteurs américains (bien que la série ait été supervisée par des Japonais) sont à la fois dénués d’idées originales, mais aussi hélas de talent lorsqu’il s’agit d’adapter de manière potable et cohérente une ancienne série à succès. Mais sans doute le but n’est-il pas là, peut-être n’est-il que commercial, avec pour projet de nous sortir une armada de nouvelles figurines, histoire de vous pigeonner un peu plus ?

Le seul intérêt de cette série est sans doute d’amener les plus jeunes à découvrir Saint-Seiya. Non pas en installant ce «ratage made in Netflix» comme une nouvelle référence, mais en leur donnant l’envie de découvrir la série originale (disponible en DVD et en bluray) ! Ils auront alors l’impression de passer d’un vieux pain moisi à une tendre tartine de caviar. Espérons que Netflix en restera là, et n’ira pas saccager les autres arcs de la même manière ! Car si c’est pour faire n’importe quoi, autant ne rien faire du tout…


Les Chevaliers du Zodiaque

  • Titre original : Saint-Seiya.
  • sur Netflix.
  • Genre : shonen/film d’animation.
  • Durée : 6 épisodes de 20 minutes.
  • Disponibilité : exclusivité Netflix.

 

On a aimé :

  • La curiosité de revoir nos héros préférés
  • Les dix minutes consacrées au background d’Ikki
  • Nous donne furieusement envie de revoir l’œuvre d’origine

On aime moins :

  • Scénario trop américanisé, dans le sens « débile » du terme
  • Non-respect de l’oeuvre d’origine
  • Shun est une femme
  • Les tentatives d’humour totalement loupées
  • Une constellation d’incohérences
  • Des coupes honteuses dans l’histoire
  • Une OST insignifiante
  • La réalisation moyenne
  • Des dialogues insipides
  • Des acteurs-doubleurs qui, eux-même, n’y croient pas
  • Des combats expédiés en 2,5 secondes
  • La lourde impression d’avoir perdu son temps
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