L’éditeur parisien Third Editions s’écarte de ses ouvrages habituellement plus analytiques pour nous livrer, avec ce Mémoires du Jeu Vidéo Japonais, un véritable témoignage d’une autre époque, de ce média qu’est le jeu vidéo. Au fil des pages, que l’on dévore au choix d’une traite ou que l’on savoure tel un livre de chevet… Le lecteur découvre des anecdotes de 50 célèbres développeurs ou artisans moins connus du JV.

L’histoire du JV abordée d’une manière différente

Habituellement, nous vous parlons des livres de Third Editions pour leur approche très analytique et documentée de l’Histoire du jeu vidéo. Autrement dit, sur un thème, une saga… Un auteur décortique, analyse et synthétise son sujet, à grand renfort de documents, de témoignages… Un travail de longue haleine, mais un résultat pointu ! Un livre Third Editions n’est pas un bouquin que l’on ouvre pour se détendre, mais un ouvrage destiné aux amoureux du jeu vidéo, prêts à plonger au fin-fond des coulisses de leur loisir préféré.

Mais aujourd’hui, l’approche est différente avec ce Mémoires du Jeu Vidéo Japonais. Et pour le comprendre, je me dois de vous expliquer la genèse de cet ouvrage. En 2013, le journaliste anglo-saxon John Szczepaniak s’est lancé dans un énorme projet. Il consistait à recueillir des anecdotes et tranches d’histoire du jeu vidéo, auprès de développeurs japonais. Cette même année 2013, Szczepaniak lance un Kickstarter, qui lui permettra de recueillir assez d’argent pour compiler plus de 1300 pages d’interviews, réparties en trois bouquins : The untold history of japanese game developers (paru en août 2014).

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Le livre publié aujourd’hui chez Third Editions ne fait pas 1300 pages ! Et ici, le boulot d’Alex Wiltshire aura principalement consisté à faire une sélection : il nous propose une sorte de best-of de The Untold history of japanese game developers, en reprenant les interviews de 50 développeurs japonais… Mais en ne gardant que l’essentiel, le plus pertinent du travail de John Szczepaniak.

Le résumé

Voici ce que nous indique le quatrième de couverture de l’ouvrage :

« À la fin des années 1970, le Japon est sur le point d’exploser dans le bon sens du terme. L’économie du pays est au beau fixe, prête à soutenir la révolution numérique qui a déjà commencé en Californie avec l’essor des ordinateurs personnels. Admiratifs, les fabricants d’électronique japonais produisent leurs propres modèles, et rapidement, des machines comme le NEC PC-8001 ou le Sharp MZ-80K permettent aux élèves et étudiants de s’initier à la programmation. Dans le même temps, Space Invaders rencontre un succès mondial, et de nombreux logiciels sont importés depuis les États-Unis. Logiquement, nos jeunes programmeurs en herbe se tournent vers les jeux vidéo.

En une petite dizaine d’années, le Japon s’est emparé du jeu vidéo pour l’accommoder à sa sauce. Ce livre entend donner la parole à quelques-uns des développeurs qui ont contribué au mouvement. Certains sont connus, d’autres moins. Certains ont inventé des genres, d’autres ont magnifié ceux qui existaient déjà. Il y a eu des amitiés et des rivalités, des succès et des échecs. Ce tour d’horizon n’a bien sûr rien d’exhaustif, et les témoignages recueillis ici sont à prendre pour ce qu’ils sont : des récits personnels d’une époque au cours de laquelle le Japon a redéfini la notion de jeu vidéo. Une époque de créativité débridée, de travail acharné et de stratégie économique, influencée par l’offre et la demande, le piratage, ou encore l’ambition de toute une génération. Telle est l’histoire des Mémoires du jeu vidéo japonais. »

Mon avis

La lecture de ce nouvel ouvrage est particulièrement agréable. Sans doute parce que cette compilation est organisée selon une hiérarchie cohérente. Elle se divise en 12 chapitres, consacrés chacun à un éditeur : ASCII, Nihon Falcom, T&E Soft, Enix, Square, dB-Soft, Hudson Soft, Konami, Westone, Sega, Capcom, Human Entertainment. Et au sein même de chacun de ces chapitres, plusieurs développeurs, compositeurs, artistes… S’expriment sur un jeu, un projet…

Pour ma part, c’est en grande partie dans une chambre de maternité que j’ai lu cet ouvrage… Avant d’achever ma lecture à la maison, entre deux biberons, très sollicité par un petit Hayden qui sera, je n’en doute pas, aussi passionné de gaming que son papa. Tout ceci pour vous démontrer que l’ouvrage se prête à merveille aux sessions courtes de lecture. S’il peut être dévoré d’une traite, il est aussi possible de le laisser là, puis d’y revenir un peu plus tard, de marquer des pauses à répétition, sans perdre le fil de son sujet.

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Néanmoins, le livre a aussi quelques défauts. Comme cette impression de « il manque un truc » que l’on peut parfois ressentir au sein d’un même chapitre. C’est le prix à payer pour avoir dû faire des choix dans les anecdotes retenues dans cette VF. De même, certains récits vous sembleront plus anecdotiques, moins intéressants que d’autres, mais c’est sûrement une question de goûts. Les sujets qui vous intéressent ne passionneront pas forcément votre voisin, et on trouvera toujours à redire sur la sélection opérée ici, quelle qu’elle soit !

Sur l’esthétique du livre, et sa mise en page (pourtant aérée et très agréable) on pourra là encore formuler quelques légers reproches. Car c’est très sympa de publier des jaquettes originales de jeux en fin d’ouvrage, mais… Pourquoi avoir retiré les illustrations originales ? Car les pages de The Untold history of japanese game developers sont richement illustrées d’artworks, de portraits des interlocuteurs… Illustrations qui ont disparu dans la VF, probablement pour une question de droits.

Au final

La version « firts-print »

Mémoires du Jeu Vidéo Japonais n’est pas un livre que vous lirez comme les autres ouvrages publiés par Third Editions. En effet, il peut être consommé comme un bouquin classique… Ou bien, et c’est le cas pour moi, comme un livre de chevet. Ouvrez au hasard, piochez des anecdotes comme ça, en vrac, et revenez-y plus tard, dès que vous avez deux minutes à occuper. Les deux modes d’utilisation se valent, et le plaisir reste le même… Attention toutefois, cette remarque n’est pas toujours valable puisque certaines anecdotes se font suite, interagissent entre-elles…

The Untold history of japanese game developers est une bonne pioche pour Third Editions ! Une mine qui, le cas échéant, pourrait permettre à l’éditeur de publier un second, voire un troisième tome. Tout reste possible, au regard de la quantité d’anecdotes qui restent de coté. Et franchement, on ne crachera pas dessus.

Pour un passionné de jeu vidéo, cet ouvrage est un indispensable : The Untold history enfin traduit en Français, sans langue de bois mais juste avec des souvenirs de développeurs… Mais pour que la démarche soit totale, espérons que Third aura la bonne idée de publier la suite de l’énorme collectage de John Szczepaniak, hélas plus difficile à digérer en anglais.

Un ouvrage à la fois passionnant et accessible, que l’on vous recommande donc…


Mémoires du Jeu Vidéo Japonais

Chronique réalisée à partir de l’édition standard, envoyée par l’éditeur.
Points positifs :
  • Un livre qui fourmille d’anecdotes
  • Mise en page agréable
  • Un livre très accessible, très grand public (bien qu’il parle de personnages pas toujours connues)
  • L’énorme collectage de John Szczepaniak enfin en VF (en partie)
  • Les jaquettes et illustrations en fin de bouquin
Points négatifs :
  • Les illustrations originales ont été supprimées
  • Forcément, si on passe de 1300 à 196 pages, il y a de la perte…
  • … Et l’on sent parfois comme un « trou » dans la continuité d’un même thème

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