Lorsque le jeu a été annoncé, il a pu en surprendre certains. Un RPG, qui mêle des mécaniques d’action, de craft et de simulation… Ce mélange des genres peut soit vous embarquer sur un terrain glissant, soit s’avérer être du pur génie. Et forcément, les familles de jeux énoncées plus haut étant parmi nos préférées, on a voulu en savoir plus. Quelques dizaines d’heures de jeu plus tard, il est temps de vous donner notre avis sur Harvestella.

Heroïc Fantasy et jardinage…

Finalement, quand on y pense, le fait de récolter des fruits et des légumes dans un jeu vidéo, ce n’est pas quelque chose de nouveau. Ou plutôt devrais-je dire que l’on n’a pas attendu Animal Crossing, MySims ou Farming Simulator pour cela. Et depuis 1996 (sur Super-Nintendo), ce principe de cultures à crafter était la base même de la série Harvest Moon. Le verbe anglais « to harvest » pouvant au passage être traduit par récolter. Sachez aussi que la série ne s’appelle plus ainsi puisque depuis 2014, Harvest Moon est devenu Story of Seasons.

Un gars qui cultive des légumes au fil des saisons, coupe des arbres, élève son bétail, peut se marier, et peut aussi combattre des monstres dans des grottes… C’est donc le principe de Harvest Moon. Imaginez maintenant que la série s’importe dans un univers Héroïc Fantasy. Ça, Natsume et Rising Star Games y ont aussi pensé en 2005, en créant un spin-off de Harvest Moon : Rune Factory. Le concept qui consiste à mélanger RPG et craft, ou simulation de vie, peut sembler être un genre de niche. Mais ne vous y trompez pas : il est beaucoup plus populaire que vous ne le pensez. Vous voulez d’autres exemples pour illustrer mon propos ? Chez NIS America, cela s’appelle la série Atelier.

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De ce point de vue, il n’est pas surprenant de voir Square Enix, un éditeur avec un énorme catalogue de RPGs archiconnus, s’engager sur ce terrain. Et en juin dernier, lors d’un Nintendo Direct : Partner Showcase, l’éditeur japonais annonçait Harvestella, un « RPG de simulation de vie inédit » plus confidentiel, tournant sur Switch et PC. Une annonce qui rappelait de bons souvenirs à certains, et s’avérait pleine de promesses pour les autres. Mais surtout, pour l’éditeur, une nouvelle franchise…

Signes particuliers de Harvestella ? Tout d’abord, les illustrations sont signées par Isamu Kamikokuryo, que vous connaissez déjà pour son travail sur Final Fantasy XII. Autre pointure associée au projet : Go Shijina, un compositeur qui a collaboré avec Motoï Sakuraba sur les excellentes OST des jeux Tales of. Ou qui signe celles de Tales of Legendia, Tekken Dark Resurection, God Eater, Code Vein

Harvestella, ça parle de quoi ?

Pour planter le décor d’un bon jeu héroic-fantasy, et encore plus s’il s’agit d’un RPG… Il faut bosser son scénario, et soigner son écriture, tant le sujet a été vu et revu en long et en large depuis les origines du jeu vidéo. Alors, et pour éviter les spoilers, voici ce que nous dit Square Enix :

« Harvestella se déroule dans un monde coloré et plein de vie où la stabilité des quatre saisons est assurée par quatre cristaux géants appelés « Lumicycles ». L’aventure commence lorsque les Lumicycles présentent des anomalies, qui donnent vie au « Quietus », une saison de mort qui s’intercale entre les quatre saisons de la nature. Pendant le Quietus, les cultures dépérissent et les habitants ne peuvent pas sortir de chez eux. Le plus inquiétant, c’est que ces saisons de mort se rallongent chaque année. »

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Je vous vois venir d’ici. Après avoir lu les premières lignes du pitch du jeu, beaucoup ont y voir du Final Fantasy. Notamment à l’évocation de « cristaux » , qui faisaient partie du lore de FF il n’y a pas si longtemps. Et de ce point de vue, le synopsis du jeu peut sembler assez générique. Si ce n’est que l’histoire vous réserve quelques surprises… Et hélas, si le concept du jeu est original, le scénario s’avère l’être beaucoup moins sur la durée…

Car très rapidement, le scénario retombe dans les classiques du genre. Ce n’est pas vraiment mauvais, je le concède, mais ce n’est pas très original non plus. Et très vite, la quête qui consiste à découvrir les secrets qui entourent la Calamité perd de l’intérêt, avec quelques longueurs et quelques éléments prévisibles, ou redondants. Mais l’intention est là, et scénaristiquement parlant, on a déj vu pire. Bien pire ! Sur ce point (comme pour d’autres), on est donc dans la moyenne.

Héros qui ne travaille pas après 18 heures

Le concept est peu commun. Harvestella est un mix entre des phases de simulation de vie, durant lesquelles vous retapez une ferme et vous cultivez vos tomates/patates/carottes… Et des phases plus traditionnelles durant lesquelles vous partez explorer des donjons avec vos amis, en cherchant des coffres cachés et en tabassant les ennemis qui pointent le bout du nez. Et en tant que joueur ayant déjà pratiqué la série Atelier, vous savez comme moi que l’exercice peut s’avérer compliqué si le jeu ne trouve pas un bon équilibre entre les deux phases. Mais pour le vérifier, il est temps de créer notre avatar, et de nous lancer dans une partie !

Rien à dire pour la partie « simulation de vie » ! Elle est plutôt plaisante, et le joueur se prête au jeu assez facilement, lors de phases parfaites pour décompresser en fin de journée. Et si Harvestella était le jeu qui allait vous faire oublier Animal Crossing New Horizons ? Hélas, les choses se compliquent avec la partie RPG, qui n’est qu’un ersatz des jeux de rôle que vous connaissez. D’une part, les quêtes s’avèrent vite rébarbatives, avec une partie exploration qui tourne vite en rond. De plus, les combats offrent un gameplay à des années lumière des Final Fantasy et consors. Une commande pour frapper, un combo pour une attaque puissante, ou une autre combinaison pour changer de classe en plein combat… C’est un peu léger, et tellement loin de la palette des classiques du genre. On devine très rapidement que le challenge ne va pas vraiment être au rendez-vous.

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Le défaut le plus frustrant du jeu est sans doute le timer au dessus de votre tête. C’est une image, et je m’explique ! Plus concrètement, le jeu se divise en journées. Les heures tournent, et quand la nuit tombe, votre personnage est trop fatigué pour poursuivre l’aventure, et doit dormir. Il peut donc vous arriver de tomber de fatigue en pleine exploration d’un donjon (à deux doigts du but), juste parce qu’il est tard et que votre avatar doit aller dormir. Pour rester dans les comparaisons avec d’autres jeux du genre, cet aspect était déjà pénible dans Atelier, mais véritablement frustrant dans Grow : Song of the Evertree.

Cependant, le gameplay de Harvestella use de mécaniques vraiment plaisantes, comme le système de craft (cuisine ou objets), ou encore le rythme des saisons, qui va changer la map que vous explorez… Ou encore le fait de se lier d’amitié avec les habitants. De même, le jeu reprend (sans grande originalité mais il le fait bien) le système de classes propre aux RPG. Vous pouvez ainsi devenir Mage, Combattant ou Marcheur de l’Ombre, ce qui vous procure évidemment des capacités variables selon votre choix.

Techniquement, une bonne surprise

S’il vient jouer dans la cour des Harvest Moon, ne pensez pas qu’avec Harvestella, Square-Enix va vous servir du pixel-art ou un soft visuellement minimaliste. Puisque la simulation est rarement associée à des graphismes de folie (exceptés certains titres, mais sur PC principalement). Non, Harvestella est un jeu vraiment agréable à regarder ! Et j’avoue que, sur ce point, c’est vraiment une agréable surprise : C’est très beau (et ça fait du bien à la Switch qui encaisse encore le coup de Pokémon Écarlate/Violet et de sa réalisation perfectible)… Et notamment les différentes villes ou paysages que vous allez traverser.

Visuellement, le chara-design me fait irrésistiblement penser à Final Fantasy. Et plus précisément aux jeux Crystal Chronicles. Tant pour les traits des personnages que pour leurs tenues vestimentaires d’ailleurs… Au point que je me suis demandé à plusieurs reprises si Toshiyuki Itahana (chara-designer sur Final Fantasy IX, les Crystal Chronicles ou les Chocobo Mysterious Dungeons) n’était pas associé au projet. Et il se trouve que… NON ! Le chara-design est signé par Yasushi Hasegawa.

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On regrettera cependant quelques lacunes en matière de technique, qui viennent gâcher la fête. Des chutes de framerate, du flou, du clipping… ce sont des classiques, mais qui marquent hélas le terrain ici. Mais loin d’incriminer les développeurs de Live Wire sur ce point, on peut légitimement se demander si le jeu serait autant bugué sur une console plus puissante, ou sur un PC… Car on ne va pas se mentir : aussi généreuse, familiale et ludique qu’elle soit, la Switch est aujourd’hui une console qui pose de nombreuses limites techniques aux équipes de développement.

Pour terminer sur le volet technique, saluons enfin le travail réalisé sur la bande-son du jeu. Go Shijina a lui aussi scindé son OST en deux. Avec des mélodies plus calmes (à la flûte, avec des guitares) pour la partie jardinage… Et des pistes plus rythmées pour l’exploration et les donjons. C’est du tout bon, et l’OST colle parfaitement à l’ambiance du jeu. Enfin, sachez que les sous-titres sont intégralement en VF, mais que le jeu est lu soit en Japonais, soit en Anglais.

Au final

Si vous êtes un nostalgique de Rune Factory, ou si vous collectionnez les différents opus de la série Atelier, voire si vous jouez encore des journées entières à Minecraft… Alors ce Harvestella est fait pour vous. Ici, le mélange des genres est vraiment réussi, et le jeu de Square-Enix a un petit côté addictif qui plaira à beaucoup d’entre vous. Notamment tous ceux qui aiment passer des heures à crafter, au calme, juste pour le plaisir de flâner dans un sandbox.

Cependant… Malgré toutes ses bonnes intentions, le jeu est loin d’être parfait. Il fait montre de quelques longueurs, et de quêtes FedEx qui alourdissent l’ensemble. Sans parler du scénario, plein de promesses au début du jeu, mais qui retombe vite tel un soufflé sorti trop tôt du four. C’est d’autant plus dommage que le jeu est vraiment prometteur, et jouit de quelques aspects vraiment très encourageants : sa bande-son réussie, ses décors de cinglés, le mélange RPG/craft plutôt maîtrisé… Pour le dire autrement, Harvestella est un jeu dans la moyenne, qui ne nous surprend pas vraiment, mais qui n’est pas vraiment un mauvais jeu non plus, au contraire.

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En conclusion, le jeu n’est pas le nouveau hit de Square-Enix. Pour autant, il reste un très bon titre, plutôt encourageant tant il est bourré de bonnes idées et de bonnes intentions. Pour ma part, je le considère un peu comme une expérimentation des développeurs. Ils ont tenté un truc, et ont testé différentes pistes. Parfois ça marche, parfois il faut revoir la copie… Toujours est-il que Harvestella, sans être le GOTY de l’année, reste un bon jeu. Le méga-hit, ce sera peut-être pour Harvestella 2, que l’on espère bien voir un jour, et ça, c’est plutôt bon signe.


Harvestella

  • Par : Live Wire INC pour Square Enix
  • Sur : Switch et PC (Steam).
  • Genre : RPG/simulation
  • Classification : PEGI 12.
  • Prix : 59,99€.
  • Condition de test : testé sur une version digitale sur Switch, fournie par l’éditeur.
Points positifs :
  • C’est plutôt joli à regarder
  • Pour le coup, le mélange des genres est vraiment réussi
  • La bande-son
  • Les personnages
  • Durée de vie (comptez une trentaine d’heures)
  • Les nombreuses quêtes annexes
  • Sous-titres en VF
Points négatifs :
  • Sans surprise, le genre nous impose quelques redondances
  • Quelques quêtes Fed-Ex un peu lourdes
  • Finalement, le scénario retombe vite
  • Les journées limitées
  • Système de combats trop simpliste