Si deux personnages font aujourd’hui office de figures emblématiques et représentatives du jeu vidéo, ce sont bien Mario et Sonic. Le très prolifique Third Editions a publié deux ouvrages consacrés à ces personnages. C’est parti pour une lecture sans images (et sans modération) de Générations Mario : C’est l’histoire d’un plombier… Et Générations Sonic : L’élégance d’un hérisson bleu.

Avant propos : J’aurais pu ici vous parler séparément de ces deux ouvrages. Pourtant, j’ai fait le choix de rédiger une critique commune. Car très vite, pendant ma lecture, j’ai réalisé que, si les ouvrages sont très différents, je risque de vous répéter les mêmes choses. C’est pourquoi cette critique va concerner les deux livres (d’ailleurs, l’éditeur lui-même vous propose un pack réunissant les deux pavés).

Les deux « ennemis » des années 90

D’une certaine manière, je suis amusé de réunir, dans une seule et même chronique, Mario et Sonic. Car si aujourd’hui, il est devenu banal de voir ces deux personnages main dans la main (Mario & Sonic aux JO, Super Smash Bros…), ce n’a pas toujours été le cas. Et comme beaucoup de joueurs de ma génération, ma culture vidéoludique s’est construite dans les années 80-90. On parlait alors de Guerre des consoles !

On était alors très loin de la bataille « gentillette » entre Xbox et PlayStation ! À l’époque, choisir Sega ou Nintendo, Megadrive ou Super-Nintendo, c’était un choix politique ! On ne mélangeait pas les torchons et les serviettes. Les Nintendophiles toisaient les Segamaniacs dans la cour de récré, et inversement (bien qu’on restait quand même potes, il ne faut pas déconner non plus).

À cette époque, lorsque tu choisissais ta console, tu choisissais aussi le héros qui allait avec. Soit tu optais pour le mignon plateformer à moustaches, soit tu préférais le hérisson bleu supersonic, censé aller plus vite que le son… Et du coté des éditeurs, c’était la même ! Quand un nouvel épisode de l’un ou l’autre sortait, la bataille des consoles était relancée de plus belle… C’était le bon temps !

Des plumes aux manettes

À la lecture des deux ouvrages qui m’ont été envoyés par Third Editions, j’imagine que les auteurs Alexis Bross et Loup Lassinat-Foubert ont dû dévorer des caisses entières de champignons magiques et d’étoiles d’invincibilité. De même, je pense que Benjamin Benoit a dû se ruiner les pouces à spin-dasher pour récolter un max d’anneaux et d’émeraudes !

► Lire aussi : Mehdi El Kanafi (Third Editions) : « Nous considérons le jeu vidéo comme une œuvre et comme un sujet d’étude »

À la rédaction de Générations Mario, on retrouve donc Alexis Bross, rédacteur jeu vidéo pour les sites Merlanfrit et Gamekult, amoureux du Japon et passionné de photo. Loup Lassinat-Foubert a aussi été journaliste pour Gamekult, puis animateur de podcasts. Il est aujourd’hui directeur des programmes de la webradio RadioKawa (Que le Grand Geek me croqueLes Tauliers), la culture (Galeria LudicaAllô CentraleTa Gueule !) ou les médias (TVNR). Il est également chargé de programmation pour la chaîne Mangas, où il a notamment présenté Lost Levels…

Le journaliste Benjamin Benoit a débuté au Journal du Japon, avant de passer par Le Figaro, L’Express, et Le Monde où il officie encore aujourd’hui. On peut aussi le lire dans Libération, Numerama, le Journal du Geek...

Histoire sans images

Autant vous le dire tout de suite : ces deux Générations ne font pas exception à la règle ! Comme dans les autres ouvrages de Third Editions, vous ne trouverez ici aucune illustration… Si ce n’est la casquette de Mario qui orne la jaquette du premier livre, ou les chaussures rouges en couverture du second ! Aucune image, aucun dessin, aucun artwork ! Avec Third, vous n’avez pas signé pour un artbook, vous voilà prévenus !

Ça peut surprendre au premier abord. Mais dans son interview, le co-gérant Mehdi El Kanafi nous expliquait justement que… Ce qui était au départ une contrainte, pour une question de droit à l’image, est devenu la marque de fabrique de l’éditeur…

Pour le reste, et pour finir sur la forme, les deux éditions proposées sont vraiment très classes. Couvertures cartonnées assez solides (pas le livre qui va se déchirer au moindre choc), papier épais et mise en page agréable (largement aérée en chapitres et intertitres), d’un format de 160 mm × 240 mm… Ces deux livres sont de beaux objets qui raviront les collectionneurs. Générations Mario compte 192 pages, contre 304 pages pour Générations Sonic.

Les meilleurs et les plus complets ouvrages sur le sujet ?

Pas d’image, ça peut étonner… Mais ce qui m’a le plus (agréablement) surpris, c’est justement que ces deux pavés et leurs milliers de caractères sont une mine d’information sans pareil. Je n’ai nullement la prétention d’avoir lu tout ce qui a été écrit sur Mario et Sonic. Mais de mon point de vue, Générations Sonic et Générations Mario sont actuellement les deux ouvrages français les plus complets et les plus riches sur ces deux sujets !

Les auteurs vont beaucoup plus loin que tout ce que vous avez pu lire, et que vous savez déjà, sur ces deux personnages. Il y a les anecdotes, que l’on connaît tous et que reprennent tous les dossiers de presse… Et puis, il y a ces deux pavés, davantage portés sur le fond, sur l’analyse, sur le détail pointu et inconnu qui permet parfois de mieux comprendre… Un peu comme si l’on passait d’un coup de la fiche de lecture du lycée à une thèse universitaire…

Et c’est ici que je vous imagine grimacer, en vous disant que « les thèses chiantes, ce n’est pas trop mon truc » ! Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit ! Les ouvrages sont certes extrêmement documentés et référencés, mais transpirent la passion de leurs auteurs. Le propos est très accessible, pour ne pas dire passionnant. Et chaque ouvrage peut se dévorer d’une traite, comme il peut devenir un livre de chevet, sur lequel on peut revenir lorsqu’on le souhaite. Comme je l’écrivais plus haut, le découpage en différents thèmes, et la présentation relativement aérée sont très agréables.

Des choix pertinents

Pas facile de traiter ces deux thèmes ! Mario comme Sonic ne sont que les personnages principaux d’univers devenus, avec le temps, extrêmement riches. Et ma crainte en attaquant ces deux livres était que les auteurs ne se perdent dans une galaxie d’informations très difficiles à hiérarchiser, à rendre cohérentes…

Et je suis encore une fois agréablement surpris. Pour Générations MarioAlexis Bross et Loup Lassinat-Foubert ont eu la bonne idée de réduire à l’anecdote les titres dérivés et autres spin-off sportifs de Mario et ses amis. Ils se concentrent principalement, et avec justesse, sur ce qui est l’ADN de Mario : les jeux de plate-formes ! Bien sûr, il est impossible de ne pas citer Mario Kart, Mario Tennis, Mario Party ou Mario Golf… Mais leur évocation n’est en aucune mesure comparable au propos très complet et très documenté sur les plateformers Mario (de Super Mario Bros à Super Mario Odyssey). Et au final, l’ouvrage n’est ni trop long, ni trop court. Le lecteur en ressort avec satisfaction, sans avoir l’impression qu’il manque un truc.

Cette remarque est aussi valable pour Générations Sonic. Et j’aime particulièrement le point de vue de Benjamin Benoit, qui annonce la couleur dès son intro, en quatrième de couverture : « Dans cet ouvrage, il est question de rendre hommage à une certaine façon de jouer, à ce plaisir -ou déplaisir- singulier que tout joueur retrouve devant un jeu Sonic… » Autrement dit, l’auteur est certes passionné, mais cela ne l’empêche aucunement d’aller gratter là où ça pique ! Et encore une fois, c’est avec une grande justesse qu’il aborde à la fois les aspects positifs et les aspects fâcheux de la licence, avec objectivité… Dans cet ouvrage, on aime particulièrement le découpage, non pas en chapitres, mais en « zones » (comme Générations Mario est découpé en mondes), ainsi que le recul et la légèreté qu’ose prendre l’auteur pour nous lâcher ici ou là une petite remarque, une petite touche d’humour…

Des bémols…

Pourtant, on pourra cependant reprocher, à ce Générations Sonic, une section Héritages qui fait contraste avec tout le reste par son manque de profondeur (7 pages seulement). Une partie qui crée une frustration, tant la façon dont la mascotte de Sega s’est ancrée dans la culture pop semble ici survolée !  Par ailleurs, l’analyse des « cotés facheux » promis en quatrième de couv’ peut sembler trop succincte. De même, on reprochera à Générations Mario de ne pas, ou trop peu, aborder la dimension transmedia de Mario. Benjamin Benoit, lui, a parfaitement abordé ce point dans son livre bleu…

Au final

Générations Mario : C’est l’histoire d’un plombier… Comme Générations Sonic : L’élégance d’un hérisson bleu sont deux agréables surprises ! Deux véritables mines d’infos, qui regorgent d’anecdotes, de références… Et surtout d’analyses pointues et pertinentes. Lorsque la plupart des ouvrages spécialisés survolent les vraies questions de fond de ces deux licences fondatrices, les deux recueils de Third Editions les traitent en long, en large et en travers.

Petit à petit, l’éditeur Third Editions est en train de devenir « l’encyclopédie du jeu vidéo » ! Et ces deux ouvrages s’imposent comme des incontournables. Non seulement pour les fans de Mario et Sonic, mais aussi plus globalement pour tout passionné de jeux vidéo qui se respecte. Donc, de ce fait, deux ouvrages que l’on vous recommande chaudement !


 

On aime :

  • Deux ouvrages archi-complets, très documentés
  • Lecture très agréable
  • Des textes très accessibles
  • Dans les deux cas, un chapitrage cohérent
  • Un rapport qualité-prix plus que correct

On n’aime pas :

  • Pas d’images, ça peut surprendre
  • Quelques très rares coquilles
  • Parfois, quelques analyses qui manquent de profondeur
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