Au milieu des années 90, lorsque l’on parle de jeux de plates-formes, on pense instantanément à Mario ou à Sonic. Le genre est alors très populaire sur Super-Nintendo ou Megadrive. Mais un titre français, développé avec peu de moyens, va réussir un véritable tour de force : se faire un nom, dans un genre sur-représenté… Mr Nutz arrive sur Super-Nintendo en 1993 !

Le Made in France, un savoir-faire reconnu

Nous sommes donc au milieu des années 90. Depuis quelques années déjà, le marché des jeux vidéo sur consoles est dominé par deux acteurs majeurs, qui se livrent une guerre sans merci : Nintendo avec sa Super-Nintendo, et Sega avec sa Megadrive. La 3D n’existe pas encore, et les genres phares sont en 2D : beat’em all, shoot’em up… Et surtout une famille sur-représentée sur ces consoles : la plate-forme.

Le marché de la plate-forme est alors dominé par les deux géants que sont Super-Mario et Sonic the Hedgehog. Mais d’autres titres tirent leur épingle du jeu : Bubsy, Coolspot, Ristar, Earthworm Jim, Megaman, Aladdin, PC Kid, Kirby, Rocket Knight, Mickey, Castlevania, Super-Metroid, Donald, James Pond… Sur consoles 16 bits, les plateformers se comptent par centaines !

Si une grande majorité de jeux sont Japonais ou Américains, les Français n’ont pas à rougir face à la concurrence. Depuis des années déjà, les Français se sont fait un nom sur micro-ordinateurs, et bien que plus rare (ou moins visible), le talent made in France est bien là, et des noms ne tardent pas à émerger ! Frédérick Raynal (Alone in the Dark) a commencé à développer à l’âge de 14 ans, Michel Ancel (Rayman) travaille déjà chez Ubisoft depuis 1989… Et sur le line-up de sortie de la Super-Nintendo, on retiendra un magnifique Another World, d’Eric Chahi. Pour ne citer que les plus connus ! Et je ne parle pas ici des studios français… Ce paragraphe serait trop long 😉

Lire aussiRetro-Test : (1992) Super Mario World réinvente le plombier à moustaches

Mais revenons à nos développeurs français ! Car dans un contexte où les jeux vidéo sont parfois développés par des équipes très réduites, deux développeurs s’activent pour livrer leur bébé à Amiga, pour le compte de l’éditeur Ocean. Le projet s’appelle Mr Nutz, et est l’oeuvre de deux hommes seulement : Philippe Dessoly (graphismes) et Pierre Adane (programmation). Ils sont toutefois aidés par Raphaël Gesqua, qui signera la musique du jeu (il est aussi connu pour les musiques de Shaq-Fu ou Flashback).

Comme nous venons de le lire, c’est donc sur Amiga que Mr Nutz était prévu initialement. Mais vous connaissez la fin de l’histoire : il sortira finalement sur Super-Nintendo en 1993. Et sera par la suite adapté sur MegaDrive, Gameboy, Gameboy Color et Gameboy Advance. Mais comme il fallait faire un choix, j’ai décidé de vous parler aujourd’hui de la version que je connais le mieux, la première, la version SNES 😉

La formule est classique

Mr Nutz est donc un jeu de plates-formes. Il vous propose d’incarner Mr Nutz, un écureuil anthropomorphe (il porte même une casquette), évoluant dans un monde très coloré. Dans son principe, le jeu est très classique : il se découpe en mondes thématiques (forêt, ciel, fête foraine…), eux-même partagés en plusieurs niveaux. Chaque monde se termine par un combat contre un boss.

Au niveau du gameplay, Mr Nutz emprunte aussi beaucoup aux ténors du genre. On récolte des collectibles (des noisettes et des pièces), et on se débarrasse des ennemis soit en leur sautant sur la tête, soit en tirant des noisettes. Votre personnage peut aussi donner des coups de queue pour les envoyer valdinguer… Un peu à la manière de Mario et de sa cape dans Super Mario World.

Lire aussiRétro-test : (1993) Avec Sim City, petite ville deviendra grande

Le jeu reprend aussi un autre classique de l’époque : le nombre de vies limitées. Si l’on peut trouver des « 1 up » dans le jeu, vos vies sont comptées. Et en cas de game-over, on ne reprend pas là où l’on était rendu, mais depuis le début du monde en cours (à condition de ne pas éteindre la console). On vous l’a déjà dit, mais à cette époque, les jeux vidéo ne vous facilitaient pas systématiquement la tâche !

Le scénario est lui aussi assez commun. Mr Nutz coule des jours heureux dans sa forêt, jusqu’à ce que le grand méchant, le yéti Mr Blizzard (rien à voir avec le créateur de WoW ^^) ne décide de tout geler. Notre héros entreprend donc de partir affronter cet ennemi, afin de déjouer ses plans qui jettent quelque peu un froid ! Très classique diront certains, et je suis d’accord. Encore qu’un scénario générique peut être servi par une aventure maîtrisée… Quand un scénario plus original peut être au final très mal exploité…

Une direction artistique de haute-volée ?

Je me souviens qu’à l’époque, le jeu m’avait tapé dans l’œil, notamment pour sa direction artistique de toute beauté. Qu’il s’agisse du chara-design ou du level-design, Mr Nutz se démarquait par la beauté des décors traversés, chaque monde bénéficiant de sa propre identité. Tout comme les ennemis tout mignons (et des boss dignes de films Disney). Mieux, certains mondes évoluaient au fil de votre avancée. Ainsi par exemple, le premier tableau commençait de jour, pour s’achever au clair de lune. Cela peut sembler anodin aujourd’hui, mais je vous assure qu’à l’époque, ce choix artistique faisait son petit effet !

Deux hommes au développement… Mais qui avaient compris les rouages de la console, qui jouaient avec les possibilités nouvelles offertes par la technologie de la Super-Nintendo. Je pense sincèrement que toute la palette de couleurs a dû y passer… Les développeurs ont aussi démontré qu’ils savaient se servir du scrolling différentiel. Cette technique qui consiste à accentuer l’effet de profondeur en animant les différents plans du décor à vitesse variable (par exemple, le premier plan se déplace plus vite que l’arrière plan, ce qui crée un effet 3D. Les développeurs se montrent aussi plutôt à l’aise avec des sprites de grande taille… Ce qui contribue à nous surprendre agréablement, visuellement parlant.

Lire aussiRétro-test : (1994) Secret of Mana, le conte de fées de la Super-Nintendo

Puisque l’on parle de l’aspect technique, je me dois aussi de vous parler de la bande-son de Raphaël Gesqua, tout simplement superbe. Les thèmes musicaux sont plaisants (j’ai encore celui du premier niveau en tête), agréables à écouter, et surtout ils ne prennent pas la tête. Tantôt enjoués, tantôt relaxants, ils collent parfaitement aux différentes ambiances du jeu, et contribuent à leur manière à l’identité des différents tableaux.

Comme on a pu le voir, les plate-formers étaient très nombreux à l’époque. Ce qui ne signifie pas que tous les jeux étaient bons. On pourrait même citer pas mal de titres qui font preuve d’une certaine forme de paresse, tant au niveau graphique que du gameplay… Mr Nutz n’est aucunement de ceux là… Et on pourrait même affirmer qu’un soin particulier a été apporté à chaque niveau, à chaque détail. Encore une fois, c’est un tour de force, pour une équipe aussi réduite, mais visiblement soucieuse d’offrir un produit qualitatif !

Ne vous fiez pas aux apparences…

Avec une DA aussi mignonne, on aurait tort de penser que Mr Nutz se destine aux plus jeunes ! Car si les premiers niveaux se traversent sans grande difficulté, ça se corse par la suite. Et plus le joueur avance, plus le challenge monte d’un cran ! Que voulez-vous : à cette époque, le fait de perdre cinq vies ne déclenche pas une aide qui vous fera traverser le niveau problématique.

Cette difficulté est due notamment à une caractéristique alors très fréquente à l’époque. Car dans les jeux des années 90, seuls quelques titres embarquent des piles de sauvegarde. Et ce n’est pas le cas de Mr Nutz. De même, les développeurs n’ont pas inclus de système de mot de passe, qui vous permettrait de reprendre l’aventure de là où bon vous semble. Alors, pour finir le jeu, il n’y a qu’une solution : serrer les dents, et le traverser d’une traite ! Et je ne vous raconte pas le délire si vous espérez le finir à 100% !

Lire aussiRétro-test : (1992) Sega passe la seconde vitesse avec Sonic the Hedgehog 2 sur Mégadrive

Vous ne serez pas non plus aidé par certaines petites maladresses de programmation. Ainsi, vous personnage a la fâcheuse habitude de glisser un peu trop facilement au sol. Un paramètre qu’il faudra prendre en compte pour jauger au mieux vos sauts, par exemple. Deux petits reproches au niveau du level-design : certains niveaux sont de véritables labyrinthes et l’on s’y perd facilement. De plus, le jeu ne vous offre que très rarement des instants de répit, tant les ennemis vous tombent dessus en nombre !

Je me souviens qu’à l’époque, certains média assimilaient l’image enfantine de Mr Nutz à un titre destiné aux plus jeunes. Pourtant, vous devez savoir que le jeu d’Ocean est un titre exigeant. Et le terminer va vous demander un certain talent, et de la persévérance.

Au final

Mr Nutz est indéniablement un jeu qui a marqué mes jeunes années de joueur ! Et je ne suis pas peu fier de toujours posséder ma cartouche SNES, bien que celle-ci ait été victime du temps : RIP boîte et notice ! Il m’arrive même parfois de ressortir le jeu, pour replonger dans cet univers, comme ce fut le cas pour écrire ce test 😉

Bien moins connu (mais plus difficile) qu’un Mario ou un Castlevania, Mr Nutz fait pourtant partie de ces titres incontournables de l’époque 16 bits. Aujourd’hui, si le jeu est assez difficile à trouver en version complète, la version en loose (cartouche seule) peut se débusquer plus facilement au détour d’un Cash, voire sur Internet. Le site Argusjeux.fr (qui me sert souvent de référence pour le rétro) l’estime autour de 20€ en occasion, pour une cotation plutôt stable. Raison de plus pour l’intégrer à votre rétro-collection !

Aujourd’hui, à une époque où les éditeurs n’hésitent pas à piocher dans le passé pour nous offrir des suites ou des reboots, on ne peut que rêver d’un retour de l’écureuil sur nos consoles. Le contexte est propice, il ne reste plus qu’à croiser les doigts !


Mr Nutz

  • Par Ocean
  • Sur Super-Nintendo, puis Megadrive, Gameboy, Gameboy Color et Gameboy Advance.
  • Genre : Plate-forme.
  • Prix : estimé autour de 20€ en occasion.

 

Points positifs :

  • La direction artistique très picturale, c’est visuellement magnifique pour l’époque
  • Un héros attachant, des ennemis mignons
  • Gameplay agréable globalement (malgré un perso qui glisse)
  • La bande-son
  • Très bonne durée de vie

Points négatifs :

  • Une difficulté qui pourra rebuter certains joueurs
  • Pas de sauvegardes ni de passwords (ça rejoint le point précédent)
  • On peut parfois se perdre dans les niveaux
  • Pas vraiment innovant
 .